"Cette réforme des retraites est d'une injustice flagrante. Elle va à l'inverse du bon sens. Nous avions une caisse autonome. Nous n'avions jamais demandé un centime à l'État. Nous avions au contraire une réversion annuelle de 100 millions d'euros pour la solidarité nationale. Nous avons surcotisé pendant des années et d'un tour de passe-passe on change les règles du jeu et on nous confisque tout. Aujourd'hui j'ai une bonne retraite de 3.000, 3.500 euros par mois, mais j'ai beaucoup travaillé pour en arriver là. Chaque mois je donnais 1.800 euros à la Carmf. Il faudrait que je vive jusqu'à 85 ans pour simplement récupérer ma mise", s'exaspère le Dr Michel Sciara, médecin généraliste retraité mais encore en activité à Istres (Bouches-du-Rhône). "18 médecins sur 36 sont partis en trois ans" Âgé de 66 ans, le Dr Sciara ne parvient pas à lever le pied, submergé par les demandes de patients. "La France se cache derrière le petit doigt parce que sur 55 000 médecins généralistes il y a 17 000 retraités actifs. Certain travaillent beaucoup, d'autres moins. Moi je travaille quatre jours par semaine minimum à environ 40 actes par jour. La pénurie médicale ambiante autour de chez moi est apocalyptique. Il y a énormément de gens qui cherchent des médecins. Sur ma zone 18 médecins sur 36 sont partis en trois ans. Je me retrouve à sur-travailler...
parce qu'il n'y a plus de médecins traitant. C'est inhumain. En 40 ans d'exercice, je n'avais jamais vu une telle demande", s'alarme-t-il. D'autant que malgré deux ans de recherche acharnée, le Dr Sciara n'est jamais parvenu à trouver un successeur. Et la situation n'est pas prête de s'améliorer. L'un des trois médecins du cabinet dans lequel il exerce prévoit de prendre sa retraite à la fin de l'année. Lui non plus n'a pas de successeur. "Les deux trentenaires qui restent envisagent de partir à cause de la quantité de travail et des charges qui vont augmenter. Nous employons une secrétaire, mais s'ils ne sont que deux cela va leur couter trop cher", déplore le retraité actif.
"Lundi et mardi, je ferme le cabinet" Selon lui, il n'y a qu'une seule solution à ces problématiques récurrentes de pénurie médicale : augmenter le prix de l'acte. "Les remplaçants m'expliquent qu'ils ne s'installent pas parce qu'il y a trop de charges. Il faudrait facturer 80 euros la consultation. C'est le cas dans plein de pays comme l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie... En France, la prix du C est inférieur à celui de l'Albanie, s'insurge le Dr Sciara. "Nous ne voulons pas nous acheter des Ferrari, cela nous permettrait simplement d'embaucher du personnel et de faciliter le travail. Dans ces conditions, les jeunes s'installeraient", ajoute-t-il. Le médecin regrette que les conditions de travail actuelles poussent les soignants à "faire de l'abattage", pour s'en sortir financièrement. "Il faut qu'on nous donne les moyens de travailler. Quand je pense que l'on rémunère un chirurgien 62 euros pour une appendicite, c'est ubuesque. Cela ne permet pas de faire de la bonne médecine", dénonce le généraliste. “Ca va faire mal” Excédé, le praticien a décidé de répondre à l'appel de la FMF qui a enjoint les retraités actifs à la grève les 3,4 et 5 février. "Lundi et mardi, je ferme le cabinet. Mercredi je travaille en Ehpad donc j'irai. Je ne vais pas abandonner...
mes petits vieux", explique le médecin qui a rencontré ce lundi sa députée LREM. "Je lui ai dit que je ne savais pas que LREM voulait dire la retraite en moins", s'amuse-t-il avant de reprendre son sérieux. "La députée est tombée des nues quand nous lui avons fait état de nos charges Cette réforme nous ferait cotiser 20 % de moins pour 40% de prestation en moins. Dans ces conditions ça ne sert plus à rien d'être libéral. Avec ce changement de règle du jeu, il faudrait que je vive jusqu'à 120 pour récupérer tout les sous que j'ai dépensé pour ma retraite", calcule le généraliste avant de poursuivre, "la député va faire passer notre message. Nous espérons infléchir la décision des parlementaires. Mais nous sommes lucides. Nous savons que négocier avec le gouvernement signifie simplement négocier la taille de la guillotine qui va nous tuer".
Ce mardi le médecin a prévu de rencontrer le sous-préfet. "S'ils ne veulent pas nous entendre, nous prédisons une catastrophe démographique. La proportion de 17.000 retraités actifs sur 55.000 généralistes est énorme. Si nous nous arrêtons, ça va faire mal", prédit Michel Sciara.
La cotisation retraite sans droit supplémentaire pour les médecins retraités actifs devrait bientôt disparaître. C'est la promesse faite par Laurent Pietraczewski, secrétaire d’État chargé des retraites, au syndicat la CSMF. La mesure est désormais inscrite dans le projet de loi.
Plusieurs échanges ont été nécessaires pour aboutir à ce résultat. "Les entretiens successifs avec le Haut-Commissaire à la Réforme de la Retraite (HCRR) avaient laissé entrevoir la possibilité de la mise en œuvre de cette proposition …en 2037 !" dévoile le Dr Ortiz, président de la CSMF. Finalement, "cette mesure de bon sens est désormais inscrite dans le projet de loi instituant un système universel de retraite dans son article 26 et sera applicable dès le 1er janvier 2022".
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