"Brigades sanitaires" anti-coronavirus : Un forfait de 55 euros par patient pour les généralistes 

04/05/2020 Par Marion Jort
Santé publique
Chargés de former "la première ligne" du dispositif de dépistage selon le Premier ministre, les médecins généralistes seront l’une des composantes des "brigades sanitaires" anti-coronavirus. Ils recevront, pour cela, un forfait de 55 euros par patient.  

 

A partir du 11 mai, chaque département disposera d'une "brigade sanitaire" chargée d'identifier les personnes atteintes par le coronavirus et d'éviter l'apparition de nouveaux foyers d'infection. "Le problème, ce n'est pas tellement les tests, c'est plutôt les bras", s'est inquiété le Premier ministre, Edouard Philippe, lors du débat devant le Sénat lundi 4 mai sur la stratégie de déconfinement. "Matériellement on va avoir ce qu'il faut, mais c'est la capacité de les faire, de les exploiter", a-t-il insisté, alors que le Gouvernement compte sur quelque 700.000 tests par semaine à partir du déconfinement le 11 mai.

Le Premier ministre compte donc sur le déploiement des "brigades sanitaires", soit environ 3.000 à 4.000 personnes. "Ce qui est intéressant ce n'est pas seulement de faire le test, c'est de savoir, dès lors qu'il est positif, remonter les 25, 30 ou 12 personnes que la personne testée a croisées la veille ou le jour même", a martelé le Premier ministre. A quoi vont donc ressembler ces équipes "anti-covid" et comment vont-elles travailler ?  

 

Pourquoi ces brigades ? 

Les "brigades sanitaires", seront chargées d'enquêter sur l'entourage des malades pour repérer les personnes potentiellement contaminées et les inviter à se faire tester. Il s'agira de "brigades d'anges gardiens, parce qu'elles vont venir au contact des malades et des personnes potentiellement malades, pour assurer leur propre protection", a expliqué samedi 2 mai, le ministre de la Santé, Olivier Véran. 

Le dispositif, déjà testé par certains hôpitaux de l'AP-HP, vise à identifier le plus grand nombre possible de personnes infectées, qu'elles soient symptomatiques ou asymptomatiques. L'objectif final est de "casser" les chaînes de contamination. 

 

Qui va y participer ? 

Les brigades seront composées principalement de salariés de l'Assurance maladie. Des employés de Centres communaux d'action sociale (CCAS), de conseils départementaux ou d'organismes comme la Croix-Rouge pourraient également les intégrer. Au total, 3 à 4.000 personnes seront mobilisées. "Nous aurons 2.500 collaborateurs supplémentaires prêts à venir immédiatement en renfort si nécessaire", a toutefois assuré le directeur de l'Assurance maladie, Nicolas Revel, au journal Les Échos. 

Les "brigades sanitaires" seront par ailleurs intégrées dans un dispositif plus large, impliquant notamment le personnel de santé et les services municipaux. Selon Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, 30.000 personnes au total pourraient être mobilisées. 

 

 Quel sera le rôle des médecins ? 

Les généralistes ayant pris en charge un malade du Covid-19 devront recenser...

les personnes ayant été en contact avec ce patient et effectuer une première analyse du risque de contamination. En ce sens, ils formeront "la première ligne" du dispositif, a souligné Édouard Philippe.  Les informations recueillies seront transmises à l'Assurance maladie. Pour ce travail, les médecins recevront un forfait de 55 euros par patient, comprenant à la fois la consultation et la saisie informatique des coordonnées  des membres de la cellule familiale. 

Pour encourager les médecins à poursuivre l'enquête au-delà du cercle familial, deux euros seront versés pour chaque contact supplémentaire identifié. Ce montant sera porté à quatre euros quand les coordonnées permettant de les joindre seront renseignées, a précisé Nicolas Revel. 

 

Comment travailleront les brigades ? 

Une fois les informations sur les patients et leur entourage transmises à l'Assurance maladie, via une plateforme dédiée, les brigades seront chargées de contacter une à une les personnes recensées. Elles devront aussi identifier les autres "sujets contacts" potentiels.  

Les personnes contactées recevront alors une série de consignes sanitaires et, le cas échéant, des masques et du gel hydroalcoolique. Surtout, elles seront invitées à se faire tester. En cas de test positif, une liste des personnes qu'elles auraient pu contaminer sera à son tour établie. 

 

 Qu'adviendra-t-il des personnes positives ? 

Les personnes testées positives seront invitées à s'isoler soit chez elles (ce qui entraînera le confinement de tout le foyer pendant 14 jours), soit dans un lieu mis à disposition, notamment des hôtels réquisitionnés, quand la nature de leur logement rend l'isolement difficile. Le Gouvernement n'a pas retenu la mesure, un temps envisagée, de contraindre à l'isolement les personnes testées positives qui refuseraient de se soumettre à ces règles sanitaires. "Nous faisons confiance à l'esprit de responsabilité des Français", a expliqué Olivier Véran.  

 

Quid de la confidentialité des données ? 

Plusieurs syndicats de médecins se sont inquiétés de l'impact de ce dispositif sur le secret médical, à l'image de la Confédération des syndicats médicaux français (CSFM), qui a mis en garde contre une "banalisation" de l'accès aux renseignements confidentiels. Il faut que "la transparence soit faite sur les acteurs qui assurent la collecte de l'information" et "la durée de stockage" des informations, a jugé de son côté le Syndicat des médecins libéraux (SML), réclamant la signature d'une "clause de confidentialité" par les personnes recrutées. 

Le Gouvernement, qui a prévu de soumettre au parlement de nouvelles dispositions légales pour permettre aux "brigades sanitaires" d'avoir accès à ces informations médicales, se veut de son côté rassurant, évoquant un dispositif exceptionnel et limité dans le temps.  "Les personnels non-soignants" qui auront accès aux informations médicales "sont des collaborateurs de l'Assurance-maladie dont c'est déjà la mission", a assuré de son côté Nicolas Revel. "Aucune donnée médicale sensible n'a vocation à être partagée au-delà", a-t-il promis.  
 

L’Ordre des médecins pose ses conditions
Dans un communiqué, le Conseil national de l’Ordre des médecins a exigé que l’article 6 du projet de loi prolongeant l’état d’urgence sanitaire et  prévoyant la création d’un “système d’information aux seules fins de lutter contre l’épidémie de covid-19 permettant de recenser les personnes infectées par le Coronavirus ou susceptibles de l’être” soit mieux encadré. Il demande que le rôle des médecins soit plus clair dans ce nouveau dispositif, notamment sur le secret médcial. “Les médecins sont, naturellement et légitimement, très attachés à laéservation du secret professionnel qui protège les patients, le ‘secret médical’, note le Dr Bouet. Même s’ils savent que ces dispositions législatives ont pour objet de lever formellement l’obligation de ce secret dans le cadre du déconfinement, il est important de les sécuriser dans leur participation au dispositif d’intérêt public mis en place, lorsqu’ils seront amenés à communiquer des données médicales personnelles de patients atteints de Covid-19. L’Ordre demande donc à expliciter la nature des données qui seront transmises par les médecins écarter “toute confusion entre cette finalité et la prise en charge médicale individuelle des personnes concernées, qui reste assumée par les médecins et l’équipe de soins dans les conditions habituelles”.  

 

[avec AFP] 

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