Les malades du cancer, cibles privilégiées des dérives sectaires

La santé est le secteur le plus touché par les signalements de dérives sectaires, indique la Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) dans son dernier rapport d'activité. En 2024, la Miviludes a reçu 4 571 saisines (tous domaines confondus), soit 111% de plus qu'en 2015. Les malades du cancer sont particulièrement touchés.  

08/04/2025 Par Sandy Bonin

4 571 signalements et demandes d'informations ont été recensés en 2024, ce qui représente plus d'un doublement entre 2015 et 2024, rapporte la Miviludes dans son dernier rapport d'activité dévoilé ce mardi 8 avril. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette augmentation : la crise sanitaire et les confinements qui l’ont accompagnée ont conduit à l’isolement social d’un grand nombre de personnes, à la fragilisation de certaines d’entre elles et parfois à la recherche de nouvelles formes de liens sociaux, de spiritualité, de pratiques de santé "alternatives" ou encore de développement personnel, analyse la Mission interministérielle.   

De plus, le développement du numérique et des réseaux sociaux "a permis à des prestataires déviants de toucher de nouveaux publics, partout sur le territoire, dans tous les domaines (spiritualité, coaching, santé, bien-être, développement personnel, éducation, vie et formation professionnelles…)", pointe la Miviludes. 

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Mais la santé reste particulièrement touchée par les risques de dérives sectaires, et les pratiques de soins non conventionnelles, y compris dans des établissements de santé. La Miviludes a donc conclu une série de conventions de partenariat dans ce domaine, notamment avec plusieurs ordres de santé (médecins, sages-femmes, pédicures podologues) ou encore l’Institut national du cancer, pour instaurer des échanges d’informations. L'objectif est aussi de renforcer le rôle que peuvent jouer les professionnels de santé dans la prévention des risques de dérives thérapeutiques à caractère sectaire, en faisant connaître notamment les possibilités de signalement à la Miviludes.

Une proportion importante de demandes d’informations et de signalements adressés à la Miviludes concernent des dérives thérapeutiques, dont une grande partie présentent un caractère sectaire. Une dérive thérapeutique peut se définir comme une pratique de soins non conventionnelle mettant en danger les patients, "parce qu’elle n’est pas validée scientifiquement et/ou qu’elle est proposée en remplacement de la médecine conventionnelle", rappelle le document. 

De nombreux signalements reçus par la Miviludes relatent ainsi l’organisation de séances lors desquelles les victimes sont amenées à exposer au reste du groupe leurs vulnérabilités, leurs traumatismes et les détails les plus intimes de leur vie. Un autre témoignage fait état de diagnostics par des non-professionnels de santé de troubles psychiatriques tels que "la bipolarité ou la schizophrénie" pour faire apparaître la nécessité d’être pris en charge par le groupe.

 

Urinothérapie, "déprogrammation biologique"... 

Alors que les malades du cancer restent les plus touchés par les dérives sectaires en santé, certaines pratiques illustrent la dangerosité de ce type de dérives. Elle cite par exemple l’urinothérapie ou "amaroli", qui consiste à boire son urine dans le but d’entretenir sa santé ou de se soigner, ou la "déprogrammation biologique" (appelée également "biologie totale" ou nouvelle médecine germanique). Cette dernière méthode exclut le recours aux traitements conventionnels, et repose sur le postulat selon lequel toute maladie résulte d’un choc psychologique intense ou d’un conflit intérieur non résolu. La Miviludes a reçu les témoignages de nombreux proches de victimes de cette méthode qui, pour certains, a été fatale. 

Les "conseils" donnés par ces pseudothérapeutes - suivis majoritairement par des personnes atteintes de cancers - consistent à ajouter, voire surtout à substituer, au traitement médical, dénoncé comme inutile ou nocif, des pratiques non éprouvées scientifiquement et généralement fantaisistes, présentées comme le moyen de guérir leur maladie et qui rendrait dès lors inutile la poursuite du protocole de soins médicaux : régime alimentaire draconien pour des sujets déjà affaiblis (sans féculent, sans céréale, sans matière grasse, sans produit laitier, crudivorisme, jus de légumes, gélules d’ananas...), incitation à la consommation de stupéfiants, soins à base de pierres, examen de tumeur par appareil "russe à résonnance magnétique" qui contredit le diagnostic de cancer…, liste la Miviludes. 

S’y ajoutent parfois des techniques assimilables à des actes médicaux (injections diverses, notamment d’extrait de gui). Des formations sont parfois proposées par des thérapeutes auto-proclamés visant à "permettre à l’organisme de s’auto-guérir" et à "détecter et déprogrammer les causes d’un problème physique ou émotionnel" à l’origine de multiples pathologies parmi lesquelles, en plus du cancer, la dépression, le diabète, la maladie de Lyme ou une addiction quelconque.

La Miviludes s'inquiète également du développement de ces pratiques non conventionnelles au sein même d'établissements de santé, notamment dans les soins de support en cancerologie. En 2024, la Miviludes a adressé 45 signalements de ce type au parquet.

D'autres infractions concernent "les délits d'exercice illégal de la pharmacie, de la diététique, d'usurpation du titre de docteur en médecine". Dans certains cas, les faits signalés concernent des médecins radiés ayant dénigré et délaissé la médecine conventionnelle tout en faisant encore usage de leur titre de docteur ou de leur fonction de psychothérapeute.

Les personnes en situation de handicap peuvent aussi être victimes de ces dérives. Des naturopathes ont ainsi remplacé des traitements par antidépresseurs par du développement personnel, des exercices de respiration ou encore des huiles essentielles.  

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