Numerus clausus, coercition à l'installation… La réponse de Cash Investigation aux médecins en colère
Tout au long du week-end, les réactions au dernier numéro de Cash Investigation, diffusé ce jeudi 13 janvier sur France 2, ont continué de pleuvoir, témoignant du niveau d’agacement et de colère de toute la communauté médicale. Cette dernière dénonce unanimement les allégations de l’équipe d’Elise Lucet, selon laquelle la liberté d’installation est responsable des déserts médicaux et prive les Français de leur droit à un accès aux soins pour tous.
Après la CSMF et l’UFML-S, la Fédération des médecins de France (FMF) – via sa présidente, le Dr Corinne Le Sauder – dénonce, dans un communiqué, "ce pseudo-journalisme qui condamne les médecins alors qu'ils font un travail extraordinaire sur tout le territoire français rendu sous dense médicalement dans sa quasi-totalité depuis des décennies par les Gouvernements successifs". Elle réclame, elle aussi, un droit de réponse en direct "afin de rétablir la vérité".
"Madame Lucet, vous devriez avoir honte de dénigrer ceux qui exercent en tout point du territoire et dont certains ont laissé leur vie avec cette pandémie. Vous devriez avoir honte de dénigrer ceux qui ont laissé toute leur jeunesse dans les hôpitaux de jour comme de nuit et qui mettent leur vie au profit non pas de l’argent comme vous le supputez mais au profit de leurs patients", tacle le syndicat, invitant la présentatrice à venir "passer quelques jours avec les médecins sur le terrain et leurs patients…"
C’est dans une vidéo que le président du syndicat MG France a, pour sa part, souhaité répondre aux journalistes de l’émission, soulignant qu’elle "reprend la plupart des arguments erronés et convenus de ceux qui méconnaissent la réalité". Notant que le nombre de médecins généralistes ne cessent de baisser depuis dix ou vingt ans, le Dr Jacques Battistoni appelle l’Etat à investir "dans la médecine générale pour rendre ce métier plus attractif pour les jeunes professionnels".
Alors que Cash Investigation ne soumet qu’une seule solution pour mettre fin aux déserts médicaux – celle de revoir les règles liées à la liberté d’installation – le Dr Battistoni semble peu...
convaincu : "Cette obligation ne peut fonctionner que si le nombre de professionnels est vraiment important. Ça a été le cas pour les infirmières. Aujourd’hui, les médecins généralistes qui sortent de leurs études sont très peu nombreux et cette contrainte aurait pour effet de tarir définitivement le nombre de médecins qui s’installeraient." Pour le praticien installé à Ifs (Calvados), il serait plus efficace de salarier des collaborateurs autour du médecin, à l’instar de l’assistant médical.
A quelques mois de l’élection présidentielle, et alors que nombre de candidats appellent à mettre en place des délégations de tâches et transferts de compétences, MG France a lancé une pétition destinée aux patients pour défendre l’exercice de leur médecin traitant.
"Cela ne dure que 3 ans"
Face au flot de réactions provoquées par la diffusion de leur enquête, les journalistes de Cash Investigation en ont sélectionné certaines et y ont répondu en vidéo. A commencer par celle de Quentin, jeune généraliste installé dans la Loire et qui vient "de débuter (par choix !) dans une ville sous-dotée" : "Je ne pense pas que la coercition pour la coercition soit la bonne solution", estime-t-il. Réponse d’Elise Lucet : "Personne ne demande la coercition pour la coercition. Il s’agit plutôt d’un encadrement de la liberté d’installation, comme au Québec, pour les jeunes médecins. Avec à la fois des incitations financières s'ils s’installent dans des zones qui manquent de praticiens, et des sanctions financières s’ils ne respectent pas les règles d’installation. Et c’est limité dans le temps puisque cela ne dure que trois ans."
Un étudiant en médecine à Lille, Raphaël, s’étonne pour sa part "que [Cash Investigation] n'évoque à aucun moment le numerus clausus, qui a créé ces dernières décennies une pénurie de médecins qui s'étend sur tout le territoire". Une remarque légitime, qui a d’ailleurs été soulevée par nombre de praticiens et de syndicats à l’issue de la diffusion de l’émission. Sur ce point, Sophie Le Gall, rédactrice en chef du magazine, indique avoir souhaité aborder la question avec Olivier Véran, ministre de la santé, "puisque c’est sous le quinquennat d'Emmanuel Macron qu’il a été supprimé". Mais ce dernier "a refusé de s’exprimer dans ‘Cash Investigation’", déplore-t-elle.
Un autre téléspectateur s’est quant à lui étonné des propos du directeur de l’hôpital de Flers, interrogé par Cash Investigation, qui affirme qu’il n’y a jamais eu autant de médecins en France qu’aujourd’hui. "Le directeur de l’hôpital de Flers a raison, répond Elise Lucet. Il y a effectivement en France de plus en plus de médecins. Regardez l’évolution entre 2012 et 2021 : on passe de 215 930 médecins à 227 946. Il y a donc bien un accroissement. Analysons maintenant ces chiffres plus précisément. Toujours sur la même période, le nombre de spécialistes augmente fortement et passe de 114 495 à 127 325. En revanche, chez les généralistes, cela stagne et même cela baisse un peu : on passe de 101 435 à 100 621. Les étudiants sont donc plus attirés par les spécialités que par la médecine générale."
Le constat posé, reste à voir si les médecins auront davantage envie de s’installer en cabinet de médecine générale s’ils venaient, un jour, à se voir contraint d’exercer dans des déserts.
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