Tiers payant, télémédecine, numéro unique : comment les sénateurs veulent désengorger les urgences

05/09/2017 Par Catherine le Borgne
Système de santé

Co-auteur d'un rapport d'information sénatorial sur la situation des urgences hospitalières en liaison avec l'organisation de la permanence des soins, le Dr René-Paul Savary (LR Marne), plaide avec ses deux co rapporteurs de la commission des Affaires sociales, pour la suppression du 116-117, plateforme d'appel pour la permanence des soins ambulatoire. Issu de la Loi de Santé, le numéro destiné à désengorger le 15, est actuellement expérimenté en Corse, Normandie et les Pays de la Loire. Le Sénat veut le supprimer et tout recentrer sur le 15, doté d'une régulation réformée, animée par des agents mieux formés.  

  Egora.fr : Quelles ont été vos principales constatations, à l'occasion de ce rapport d'information ? Dr René-Paul Savary : On le sait, les gens ont pris de plus en plus l'habitude de se rendre aux urgences, d'où le problème. Il y a d'abord un problème de tarification : c'est en effet très incitatif pour les établissements hospitaliers d'accueillir des urgences, car elles sont une porte d'entrée pour l'hospitalisation dans ces établissements. Les maisons médicales de garde (MMG) ne sont pas forcément choisies par les patients, car elles ne bénéficient pas du tiers payant d'une part, et ne possèdent pas de plateau technique permettant de réaliser des examens rapides d'autre part.  Pourtant, nous pensons que certaines modifications permettraient d'améliorer la situation actuelle.   Que préconisez-vous par exemple pour les MMG ? Eh bien qu'elles soient ouvertes au tiers payant, comme les centres de santé, ce qui permettrait une égalité de tarification pour le patient. Il y a d'autre part, des moyens technologiques intéressants, tels que la biologie embarquée utilisée par les Samu, qui pourraient favoriser le dépistage dans les maisons médicales de garde. Avec la télémédecine, ces nouvelles technologies devraient permettre dans le cadre de la médecine de ville, un accueil des urgences mieux adapté que ce que l'on connaît aujourd'hui.   La mission sénatoriale juge que l'expérimentation du numéro 116-117 pour les urgences de ville, n'est pas du tout probante et demande sa suppression… Oui, tout à fait. Le plus simple, serait le principe d'un numéro unique avec derrière, une régulation partagée entre les médecins de Samu et les médecins de ville, comme cela se fait dans un certain nombre de grands centres. C'est vraiment l'idéal. Les professionnels sont dans le même local, ils ont du personnel commun, notamment les PARM, les agents d'accueil et de régulation médicale, qui doivent être mieux formés, car c'est là que tout se joue. Si la régulation est bien faite, cela permet notamment de réduire les heures d'attente. Voilà ce qui marche. Ce n'est donc pas la peine de faire des numéros différents et des centres différents qui compliquent la vie.   Les patients ne sont pas au courant de ces différences ? Bien sûr que non ! A la commission des affaires sociales, nous nous étions déjà opposés à cet amendement à la loi de Santé.  Nous n'avons pas été écoutés. Je pense que nous le serons plus désormais. Nous avons déjà rapporté cette proposition à la ministre de la Santé.   Pourtant les libéraux défendent cette idée de régulation ambulatoire, pour la médecine de ville, une sorte de "pré tri". Oui, ils la défendent car il faut reprendre la main sur l'accueil des urgences. Il faut donc que les médecins généralistes puissent programmer des plages horaires pour cet accueil. Je pense qu'une meilleure organisation pourra améliorer les choses, et il faut que la population soit conseillée différemment, pour que le recours aux urgences soit fait à bon escient, car actuellement, le premier réflexe est d'aller aux urgences, y compris pour un rhume. Je pense que ce problème d'organisation est aussi important à régler que le problème du financement.   Comment résoudre cette équation en période de décrue démographique de la médecine générale ? C'est précisément là qu'il faut améliorer l'organisation par le biais de la formation des médecins et de l'organisation sur les territoires, de sorte à pouvoir proposer des services d'accueil différenciés, selon que l'on se trouve en milieu rural ou en milieu urbain. Avec de la télémédecine et une biologie plus rapprochée, avec un plateau technique a minima permettant de faire des dépistages, on doit pouvoir faire un" tri" permettant de détecter l'importance de l'urgence et de bien l'orienter.   Quelles propositions comptez-vous avancer dans le cadre du prochain budget de la sécurité sociale ? Nous n'avons pas d'idées préconçues, nous voulons simplement tenter d'améliorer les choses, notamment dans le cadre du 116-117, ce centre d'appel qui n'a pas lieu d'être. On ne doit pas lui attribuer de crédits alors qu'il y a des régulations qu'il faut plutôt améliorer. Nous demandons ainsi que la permanence des soins ambulatoire soit étendue au samedi matin. Il s'agit de propositions concrètes qui n'ont pas forcément de lourdes répercussions budgétaires, mais qui peuvent améliorer la situation. Nous pensons que la solution à l'engorgement des urgences est à trouver dans l'articulation entre la médecine de ville, le Samu, et la réponse téléphonique, ce dernier point nécessitant une amélioration de la formation des répondants. C'est là qu'il faudrait mettre un peu de moyens. En revanche, nous ne défendons pas l'idée d'un rapprochement entre le 15 et le 18. Nous pensons qu'il faut rester indépendants mais avec de la complémentarité.  

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