C’est l’aboutissement d’une année de travail de bachotage pour les candidats aux filières médecine, maïeutique, dentaire et pharmacie : le concours de la Paces. Face à la crise sanitaire, les épreuves ont été décalées au mois de juin. A Marseille et Toulouse, les étudiants ont eu la mauvaise surprise d’apprendre que leurs modalités d’examens avaient été transformées en des épreuves réduites par QCM sur deux heures ou une journée. Ils dénoncent un concours “hasardeux” et “injuste”. La ministre de l'Enseignement supérieur leur répond.
Alors que le concours de la Paces aurait dû débuter en ce mois de mai dans certaines facultés de France, voire être déjà terminé dans d’autres, tous les examens ont été reportés à cause du Covid-19. Pour assurer la sécurité sanitaire de tous les candidats, le concours débutera à partir du 15 juin et des universités ont décidé, face à cette situation exceptionnelle, de revoir leurs modalités. Un choix fait tardivement, dont la communication, longtemps floue, a provoqué la colère des étudiants. Et leur détresse.
C’est le cas à Marseille et à Toulouse, notamment. Terminé, le concours sur deux jours, alternant épreuves rédactionnelles et QCM. Pour les candidats de la cité phocéenne, ce seront des QCM sur une journée… Et deux heures d'épreuves à Toulouse, tout compris.
“A Marseille, la durée et le nombre de questions ont été modifiés”, explique à Egora Léa Chevreux, présidente du Tutorat Associatif Marseillais. Pour le tronc commun par exemple, les UE3 et UE6 ont fusionné, tout comme l’UE5 et l’UE7, avec un nombre de questions moindre. “Cela stresse beaucoup les candidats. On a pu remarquer qu’ils avaient du mal à savoir comment s’organiser pour réviser”, note la responsable du tutorat. Le concours, tel qu’il sera organisé, se déroulera donc le 23 juin, entre 9h30 et 17h. Les deux épreuves de tronc commun le matin, celle de spécialité l’après-midi. L’épreuve SSH (Santé, société, Humanité) qui devait correspondre à l’apprentissage de 32 textes par cœur a également été modifiée en une épreuve par QCM. Problème, cette dernière est réputée pour être souvent l’épreuve “qui fait la différence”, entre ceux s’étant donné la peine d’apprendre les textes, et ceux qui ne l’ont pas fait.
Reconnaissance
“Je trouve ça injuste ! explose Julien*, primant à Marseille. C’est comme jouer à la roulette russe. Une erreur sur une épreuve comme ça, ça peut facile vous faire perdre 50 places.” Inscrit dans une prépa privée, le jeune homme a pu s'entraîner sur les nouvelles épreuves, notamment celle de SSH. “Le problème, c’est qu’on connaît tellement les textes que...
la moindre faute est visible. L’épreuve risque finalement d’être trop facile”, s'inquiète-t-il. “Il n’y a aucune reconnaissance de notre travail, renchérit Manon, elle aussi étudiante à Marseille. Moi je suis doublante, ça fait deux ans que je mets ma vie dans la Paces… Pour finalement jouer mon avenir en 20 minutes. Je ne suis pas dans le numerus, l’an dernier j’ai raté à 50 places. Et là, avec ces nouvelles modalités, je me dis que c’est fini. Pour moi, ce concours, c’est du hasard.”
Pour justifier ces changements, la faculté avance les raisons sanitaires, mais aussi les délais de correction. Difficile de corriger une épreuve rédactionnelle par candidat, avec plusieurs relectures, et de rendre les résultats avant fin juillet, alors que les universités ferment pour les vacances. Ce sentiment d’injustice chez les étudiants est renforcé par la question des coefficients, qui n’ont pas été modifiés sur les épreuves malgré la diminution des questions.
A Toulouse, c’est justement sur ce point que les élus se battent. Dans la ville rose, le concours, initialement prévu sur deux jours, a été réduit à 1h55 d’épreuve de tronc commun, et 20 minutes pour la spécialité.
“La situation ne convient à personne, ni à la faculté, ni aux universités, ni aux étudiants. Nous avons voté contre, mais la fac voulait faire passer quelque chose rapidement pour montrer qu’il n’y avait pas d’autre possibilité. On travaille encore sur d’autres options, qui permettraient de rallonger les épreuves, tout en garantissant la sécurité sanitaire”, développe Anatole Le Guillou, élu santé à Toulouse. Parmi les pistes pour retrouver plus d’équité, la modification des coefficients du second semestre. “Le premier semestre serait légèrement plus déterminant que le second. C’est un non-respect du travail des étudiants, ce serait la seule solution...
pour que ça passe”, appuie-t-il. Mais problème : “En temps normal, les coefficients peuvent être modifiés. Mais là, apparemment, on nous dit que ça ne peut être modifié que par les ministères et nous n’avons pas de retour”, s’inquiète Anatole Le Guillou.
"L'administration, c'est la cata"
Un autre problème se pose à Toulouse : les facultés sont éclatées en trois campus différents et des travaux doivent débuter dans le lieu qui accueille habituellement les candidats pour le concours. Normalement, il se déroule sur trois demi-journées, mais cette année, il faut prendre en compte la distance et les mesures barrières. Difficulté sur difficulté, le compromis est donc difficile à trouver. D’autant que, en plus du format et de l’incertitude liée aux coefficients, un autre point inquiète les étudiants : le contenu du concours, qui n’a toujours pas été annoncé. A Toulouse, les cours se sont arrêtés au début du confinement et la continuité pédagogique n’a pas été assurée. “C’est l’incertitude totale”, résume Paul, étudiant en Paces dans la ville rose. “Le concours porte sur ce qu’on a fait mais on attend encore d’avoir la liste. On devait l’avoir fin avril… Ils nous ont fait une communication qui faisait le point sur ce qu’on avait vu et pas vu, mais ils se sont trompés. Ça a donné lieu à plein de mail d’étudiants. La fac a du mal à communiquer. L’administration, c’est la cata. Heureusement qu’on a nos profs.”
Pas stressé mais profondément agacé, le jeune homme préfère blaguer : “C’est paradoxal : On demande plus de QCM et des épreuves plus longues !” Mais reprenant son sérieux : “On n’a pas de cadre. Ce n’est pas le reflet de notre année. Normalement, on travaille toute l’année et on a trois semaines pour réviser un gros programme… Là, c’est plus du tout pareil. Si on a compris un peu mieux un chapitre et pas l’autre, et que pour un concurrent c’est l’inverse… ça peut tout changer. Et on n’a pas la possibilité de se rattraper sur les autres épreuves. Ça met beaucoup plus le hasard et la chance au centre du concours. Vous imaginez que faire une erreur sur 7 QCM plutôt que sur 30 QCM… Ce n’est pas la même chose”, lâche-t-il.
“Ce qui fait la différence, c’est le chapitre qui tombera, admet aussi Julien. A Marseille, par exemple, la spé médecine est groupée avec la spé dentaire. C’est assez complexe, et ces cours-là, je n’arrive pas à les maîtriser. Il y a à peu près 8 QCM sur l’épreuve de 20 questions à la base... C’est très risqué pour moi.”
Réviser, rester concentré, tenter de faire le clair sur les informations en rapport avec le concours est d’autant plus anxiogène que pour certains, l’excuse sanitaire a du mal à passer. “Je ne comprends pas vraiment. A Toulouse, on n’a pas été très impactés par la crise et...
on est les seuls à avoir deux heures. Évaluer autant de connaissances sur aussi peu de QCM…. C’est un manque de considération. C’est histoire de faire un concours mais ce n’est pas un vrai concours”, estime Paul. Pour Julien aussi à Marseille, la logique est difficilement compréhensible. Les étudiants doivent être présents toute la journée pour les deux épreuves, qui se déroulent entre 9h et 17h, avec “deux heures de pause” entre chaque examen. “Pourquoi ne pas espacer les épreuves sur plusieurs jours, pour éviter que les étudiants ne se croisent aux toilettes par exemple. Plutôt que tout regrouper, que ce soit fini, vite corrigé”, s’énerve-t-il.
Injustice
Si les candidats tentent de garder la tête froide pour être dans les meilleures conditions, à Marseille, une autre préoccupation ronge Manon. “La Paces, c’était mon rêve. On a plus le droit à l’erreur. Je trouve que la sélection est vraiment dure. Du coup, je regarde quoi faire l’an prochain, parce que les inscriptions, ça se passe maintenant, pas en juillet…” Après avoir regardé pour partir à l’étranger, la jeune femme réfléchit à se réorienter vers l’ergothérapie. “C’est bizarre de chercher des alternatives alors qu’on passe le concours dans l’optique de le réussir”, se désole-t-elle.
En plus de cette situation complexe, les primants en Paces cette année doivent en effet, affronter la réforme du premier cycle des études de santé, prévoyant la suppression de cette année commune pour un nouveau fonctionnement avec des PASS (Parcours d’accès spécifique santé) et les L.AS (Licence avec accès santé) et notamment, l’impossibilité de redoubler et plus de numerus clausus. Beaucoup craignent que cette réforme ne les pénalise. Mais le redoublement étant inscrit dans la loi, les actuels étudiants en Paces auront la possibilité de refaire leur année. Pour les étudiants 2019-2020 qui redoubleront, une année de Paces parallèle leur sera ouverte spécifiquement, avec un numerus clausus.
Pour les doublants de cette année, “on regardera de façon attentive les éventuelles demandes de triplement, assure le Pr Patrice Diot, Doyen des doyens. Même si le triplement n’est pas conseillé, c’est vrai que les circonstances pourraient exposer des jeunes pour telle ou telle raison à avoir eu des pertes de chance et de succès au cours de leur redoublement. On a donc convenu de regarder cela très attentivement.”
*Le prénom a été modifié.
Face à cette situation et l’incompréhension des étudiants concernés, nous avons sollicité la ministre de l'Enseignement supérieur qui a d’abord tenu à rassurer les candidats. "Les Paces sont des concours très importants pour les jeunes qui s’y engagent et nous savons que chaque année la pression est très forte", reconnait-elle dans un communiqué adressé à Egora. "Les circonstances cette année sont particulières, personne ne peut le nier, poursuit-elle, mais nous pensons qu’il est important de maintenir les épreuves car tous les résultats ne sont pas acquis au terme du premier semestre, soutient encore Frédérique Vidal. Chaque année, un certain nombre d’étudiants améliorent leurs notes grâce à la seconde partie du concours".
La ministre rappelle également que les étudiants, en cas de modification de leurs épreuves, doivent être tenus informés "au moins 15 jours" à l’avance, ce qui a été le cas pour les Paces de Marseille et de Toulouse. "Nous rappelons que ce sont des concours locaux, qui dépendent des universités. Celles-ci évaluent les étudiants en fonction de leur écosystème", appuie la ministre qui maintient, au passage, sa confiance envers les facultés : "Nous faisons toute confiance aux universités qui organisent les épreuves en lien avec les rectorats pour garder en priorité l’exigence pédagogique et l’objectif d’équité dans l’abord du concours tout en prenant en compte la situation sanitaire".
Car c’est bien la situation sanitaire qui conditionne le bon déroulement des épreuves. "Un protocole sanitaire, validé par la mission Castex et co-construit avec le ministère des solidarités et de la Santé, a ainsi été transmis aux organisateurs de concours la semaine dernière et mis en ligne sur le site du ministère", annonce-t-elle. "Dans un certain nombre d’universités, le constat a été fait que les mesures de sécurité imposeraient des adaptations des épreuves pour prendre en compte les temps d’installation et de sortie des salles d’examens. Les modalités des épreuves peuvent ainsi être modifiées mais ne doivent pas dénaturer les épreuves", se justifie ainsi la ministre.
Concernant enfin le cas plus particulier de Toulouse, "il y a eu un vote de la CFVU [Commission de la formation et de la vie universitaire, ndlr] mais les échanges se poursuivent avec le rectorat", explique Frédérique Vidal, n’excluant donc pas un nouveau format d’épreuves. "Les services du ministère sont pleinement mobilisés pour accompagner les établissements et les étudiants dans ce contexte particulier", promet-elle enfin.
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