Alerte de l’Académie de médecine sur les frénotomies linguales à tout va chez les nourrissons
En une dizaine d’années, le nombre de frénotomies (section) ou de frénectomies (exérèse) du frein de langue chez les nouveau-nés et les nourrissons a augmenté de 420% en Australie, relève l’Académie de médecine, dans un communiqué du 26 avril. La France n’est pas épargnée par le phénomène : dans un groupe Facebook dédié, des mamans s’échangent les noms de professionnels (sages-femmes, conseillères en lactation, chiropracteurs, médecins, dentistes…) formés à la prise en charge des freins restrictifs, jugés responsables de leurs difficultés d’allaitement, mais aussi de divers troubles et pathologies tels le reflux gastro-oesophagien, les difficultés de langage voire le syndrome de la tête plate. Un ORL, exerçant en région parisienne, est ainsi particulièrement réputé pour "couper les freins de langue", moyennant des délais d’attente souvent très longs. Les parents sont alors astreints à réaliser des "exercices" avant et après l’acte chirurgical, de jour comme de nuit, pour assurer son succès.
"Face à l’accroissement important sur tout le territoire de réseaux proposant, à des tarifs excessifs, de traiter les douleurs mamelonnaires et l’arrêt précoce de l’allaitement par la frénotomie (ou pire de la pratiquer à titre préventif)", l’Académie nationale de médecine s’associe à plusieurs sociétés savantes, médicales, chirurgicales, paramédicales, à des collèges professionnels et des associations, "pour émettre les plus grandes réserves quant à l’intérêt et l’innocuité de ce geste invasif à risque d’effets secondaires".
Elle rappelle que "trois recommandations nationales et internationales récentes1,2,3, ainsi qu’une revue Cochrane⁴, ont conclu au manque d’études scientifiques de qualité concernant cette pratique". Ces recommandations soulignent "l’absence de définition anatomique claire et consensuelle des freins de langue restrictifs et de l’ankyloglossie" ainsi que la "nécessité de clarifier les critères diagnostiques". "Il s’agit en réalité d’un diagnostic plus fonctionnel qu’anatomique", relève l’Académie : "si un frein de langue restrictif est parfois reconnu comme l’une des causes de douleurs mamelonnaires et d’arrêt précoce de l’allaitement, il est loin d’en être la cause la plus fréquente. Ainsi, l’existence d’un frein de langue très antérieur fixé à la pointe de la langue et/ou épais ne constitue pas une indication chirurgicale s’il ne gêne pas la succion." Et de noter le "manque de preuves scientifiques" quant à l’utilité de la frénétomie pour améliorer le transfert de lait et/ou soulager les douleurs mamelonnaires, à l’évaluation de l’âge optimal, au choix de la meilleure technique (ciseaux ou laser), à l’intérêt des "manipulations" en post chirurgie, et à la responsabilité de l’ankyloglossie dans les autres troubles et pathologies évoquées.
L’Académie alerte par ailleurs sur les risques de complications "dont les parents doivent être informés, même si elles restent rares : hémorragies, lésion collatérale tissulaire, obstruction des voies respiratoires, refus de tétée, aversion orale, infection, augmentation de la durée de l’allaitement en post-chirurgie".
En conclusion, l’Académie considère que la frenétomie n’est pas indiquée en l’absence de difficultés d’allaitement. En présence de difficultés, "une démarche diagnostique rigoureuse doit être réalisée par des professionnels de formation universitaire, ou ayant une formation agréée officiellement en allaitement, respectant une médecine basée sur des preuves, prenant en compte l’état général global de l’enfant complétée d’une évaluation rigoureuse anatomique et surtout fonctionnelle de la succion/déglutition de l’enfant". Une frénétomie peut être exceptionnellement décidée, "en lien avec le médecin traitant ou le pédiatre", "après information des parents sur le rapport bénéfice/risque, à condition qu’il existe un frein lingual antérieur court et/ou épais et uniquement après échec des mesures conservatrices non chirurgicales classiquement mises en place". Le geste sera alors réalisée "avec ou sans anesthésie de contact, remise au sein immédiate et prescription d’un antalgique". "Aucun geste intrabuccal n’est nécessaire dans les jours suivants", précise l’Académie.
Enfin, le communiqué insiste sur la nécessité de mener sans délai des "études méthodologiquement rigoureuses, ciblant les indications, l’efficacité et la tolérance de la frénotomie" et d’améliorer la préparation à l’allaitement et la formation des professionnels sur le sujet.
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