Hypercholestérolémie familiale : des associations et des médecins demandent un dépistage systématique

30/05/2022 Par Marielle Ammouche
Cardio-vasculaire HTA
L’Association nationale des hypercholestérolémies, soutenue par un collectif d’associations* et plusieurs experts scientifiques**, appelle à un dépistage "massif, précoce et systématique de l’hypercholestérolémie familiale (HF)".  

 

Cette maladie génétique héréditaire, qui concerne actuellement 50.000 personnes (225.000 à 270.000 porteurs) en France, est marquée par un sous-diagnostic majeur. Ainsi, selon le communiqué de l’association, 95% des patients ne seraient pas dépistés. Or le risque d’événement cardiovasculaire à l’âge adulte est largement augmenté (multiplié par 13) avec cette pathologie, et plus encore en cas de forme homozygote, où le risque à l’âge de 12 ans est équivalent à celui des adultes. Le collectif souhaite un "dépistage de chaque enfant avant son troisième anniversaire".  

Cette proposition est justifiée par le risque de complications cardiovasculaires, et par l’existence de traitements efficaces. Ainsi, une étude récente (550 parents porteurs traités à l’âge adulte, et 200 enfants traités précocement) a montré l’intérêt d’un traitement précoce. A l’âge de 40 ans, un quart des parents avait déjà subi un accident cardiovasculaire contre 1 enfant à l’âge de 40 ans. Et aucun décès n’a été comptabilisé chez les enfants, contre 7% des parents. 

Le dépistage, reposant sur le dosage du LDL-Chol à jeun, pourrait être effectué par une simple goutte de sang sur papier buvard, une technique peu agressive, en cours de développement par les équipes du Pr Noël Peretti (Hôpital Femme Mère Enfant aux Hospices Civils de Lyon). En cas de positivité, les anomalies génétiques sont ensuite recherchées, et le patient et sa famille sont orientés vers une consultation spécialisée. Selon le communiqué, ce dépistage "permettrait d’éviter 5.000 crises cardiaques par an en France et une dépense de l’ordre de 900 millions d’euros". "La prise en charge de l’hypercholestérolémie familiale n’est donc pas une question de coût mais de motivation", souligne le Pr Eric Bruckert (Hôpital La Pitié Salpêtrière et Sorbonne Université à Paris).  

Le Pr Peretti ajoute : "Le dépistage précoce enregistre de bien meilleurs résultats que le dépistage en cascade qui consiste, dès lors qu’un patient jeune a un accident cardiaque, à dépister les membres de la famille, descendants et ascendants. Avec ce ciblage, on passe à côté de nombreux cas. En France, nous avons besoin d’un guichet unique en intégrant le dépistage de l’HF entre 2 et 6 ans dans le carnet de santé des enfants. Globalement, c’est l’interrogatoire des parents des jeunes enfants, la prescription médicamenteuse et le suivi médical qui doivent être significativement améliorés en France."  

 

Un manque d’information et de formation 

Ce dépistage paraît d’autant plus important qu’il intervient dans un contexte de méconnaissance de la maladie, celle-ci restant peu connue du grand public ; et pas assez des médecins. Pourtant l’HF (hétérozygote) est le facteur de risque de maladie cardiovasculaire génétique et héréditaire le plus fréquent. Selon le Pr Eric Bruckert : "les cardiologues sous estiment ce risque. Après un premier accident cardiovasculaire à l’âge adulte, tous les patients ne sont pas adressés à des centres spécialisés pour réaliser un dépistage de l’HF. Ceux qui le sont, une proportion encore trop faible, sont alors traités. Cependant, plus la prise en charge est tardive et plus le risque que survienne, à nouveau, un accident cardiovasculaire (risque résiduel) est important." La formation initiale et continue des médecins doit aussi être améliorée.  

En outre, les statines sont considérées comme des traitements efficaces et surs. Selon le Pr Bruckert : "L’association statine et ezetimibe permet de normaliser beaucoup de patients." Et pour le Pr Peretti, "aujourd’hui, avec 20 à 25 ans de recul sur les statines, le traitement prescrit chez l’enfant apparait bien maîtrisé. D’ailleurs, ces traitements recueillent le plus souvent l’adhésion des parents car ils sont généralement bien tolérés par les enfants…"

 

Pour une extension d’indication des anti-PCSK9 

En outre, on dispose aujourd’hui des anti PCSK9. Mais ces anticorps monoclaonaux, administrables par injection, ne sont prescrits, pour le moment, qu’en prévention secondaire. Ce que regrette le Pr Bruckert : "Ne pas prescrire des anti PCSK9 dans des cas spécifiques conduit à une inégalité dans l’accès aux soins des patients et un déficit de prise en charge. La solution serait d’avoir, pour des situations graves, des dispositifs dérogatoires." Et la recherche est encore prometteuse dans l’exploration de nouveaux gènes de l’HF et la compréhension de l’hétérogénéité des complications chez les individus porteurs. 

"Cependant, tous les experts, scientifiques, cliniciens, rappellent que le premier défi reste le dépistage pédiatrique généralisé et l’observance des malades dans la durée ; tant les effets de l’hypercholestérolémie familiale sont silencieux, soudains et dévastateurs", conclut le communiqué de l’Anhet.f. 

 

*Collectif engagé aux côtés d’Anhet.fr :  FH Europe, The European FH Patient Network ; La Nouvelle Société Francophone d’Athérosclérose (NFSA) ; L’Alliance du Coeur.

**Communauté d’experts scientifiques :  Pr Eric Bruckert, chef du service d’endocrinologie et prévention cardiovasculaire à l’Hôpital La Pitié Salpêtrière et Sorbonne Université à Paris ; Pr Noël Peretti, chef du service de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatriques à l’Hôpital Femme Mère Enfant aux Hospices Civils de Lyon ; Pr Catherine Boileau, chef de service du département de génétique de l’Hôpital Bichat, lauréate du Grand Prix scientifique de la Fondation Lefoulon-Delalande de 2018 (codécouverte du rôle du gène PCSK9 dans le métabolisme du cholestérol)  ; Pr Sophie Beliard Lasserre, endocrinologue-nutritionniste à l’Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille.

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