Médecine thermale : une place dans les soins post-cancer

24/01/2019 Par Philippe Massol
Médecine thermale
La décision récente de l’Assurance maladie de prendre en charge les programmes éducatifs post-cancer du sein est une reconnaissance de leur pertinence comme du rôle de la médecine thermale. Les explications du Pr Christian François Roques, président du conseil scientifique de l’Afreth.

  La cure thermale a une place importante dans la prise en charge de certaines complications du cancer ou de ses traitements. Les stations ont mis également en place des programmes de réadaptation post-cancer limités actuellement aux cancers du sein. Cette démarche innovante répond aux attentes des patients dans le cadre de leur parcours de soins "après-cancer".   Egora Panorama du Médecin : Pouvez-vous préciser la place des cures thermales chez les patients ayant un cancer ? Pr Christian François Roques : La maladie cancéreuse évolutive est et demeure une contre-indication au traitement thermal. Chez un patient qui a des motifs, qui n’ont rien à voir avec son cancer, de faire une cure thermale, tant que son cancer n’est pas considéré comme en rémission, il n’est pas question de faire des soins thermaux. Ils redeviendront licites dès que le cancer sera en rémission. Mais un certain nombre de conséquences des cancers ou de leurs traitements comme le lymphoedème des membres supérieurs et certaines dermatoses consécutives principalement à la radiothérapie, mais aussi à certaines chimiothérapies, peuvent bénéficier des cures thermales conventionnelles. Enfin, la station thermale est un lieu privilégié pour les programmes de réadaptation post-cancer.   Concernant les conséquences des cancers ou de leur traitement, quelles sont les deux types de complications les plus fréquemment pris en charge dans les stations thermales ? Deux types de complications sont concernés et sont pris en charge depuis assez longtemps en station thermale. Le lymphoedème du membre supérieur, après cancer du sein de la femme est une indication classique d’un certain nombre de stations thermales à visée phlébologique. Elles possèdent une maitrise des techniques de drainage lymphatique et des capacités d’éducation des patientes. Nous sommes en train de lancer un essai clinique randomisé sur la prise en charge thermale de cette complication post-cancer du sein. Deuxième situation, les dermatoses post-radiques. Les propriétés antiprurigineuses en particulier des eaux thermales des stations à orientation dermatologique et également la capacité qu’ont ces eaux à favoriser la génération de kératinocytes est de nature à agir favorablement avec une amélioration des symptômes cliniques, en particulier le prurit. L’impact des traitements par l’eau minérale sur le prurit est largement reconnu. Ainsi, pour le prurit secondaire, séquelles des brûlures cutanées sévères, la Sécurité sociale autorise et prend en charge deux cures par an. C’est la seule indication dans ce cas. Cet effet antiprurigineux est donc reconnu. L’Afreth est en train de lancer un essai clinique randomisé sur la prise en charge des dermatoses post-radiques en stations thermales à visée dermatologiques. Pour ces deux situations, ces dernières années les prises en charge se sont bien structurées.   Quelle est la place de l’éducation thérapeutique dans ces deux indications ? Dans le lymphoedème, l’éducation du patient est extrêmement importante. Elle doit porter à la fois sur les soins cutanés, éventuellement sur le port d’une contention, sur la pratique d’exercices réguliers pour favoriser le drainage et également la posturation pour éviter le mieux possible l’accentuation de l’œdème ou sa récidive. Dans le domaine des dermatoses, le travail éducatif porte essentiellement sur l’hygiène cutanée et l’utilisation des topiques.   La réadaptation post-cancer accompagne la convalescence des patients. Quels sont les programmes mis en oeuvre dans les stations thermales ? C’est un concept déjà ancien, qui a un peu de peine à démarrer, avec des programmes pour la plupart mis en œuvre au niveau des centres de lutte contre le cancer (CLCC). Il y a une dizaine d’années, les oncologues du CLCC de Clermont-Ferrand ont mis en œuvre un programme de réadaptation post-cancer du sein dans plusieurs stations thermales d’Auvergne. Cette expérience a fait l’objet d’une évaluation avec un essai contrôlé randomisé qui a fait l’objet de plusieurs publications (1-3), l’étude Pacthe. A l’issue de leur séjour en centres d’oncologie, les femmes étaient randomisées en deux groupes : un premier groupe est rentré à leur domicile avec une prise en charge par leur médecin traitant avec les recommandations habituelles. Un autre groupe a bénéficié d’un séjour de deux semaines dans une station thermale, en pension complète diététique, avec des soins hydro-thermaux, de l’activité physique adaptée, une éducation nutritionnelle. Elles étaient aussi conseillées pour les soins d’apparence et avaient une surveillance psychologique. L’évaluation à un an montre une qualité de vie significativement supérieure dans le groupe thermal, un meilleur contrôle pondéral, un niveau d’activité physique accru chez les patientes actives avant d’être malades, un meilleur sommeil et enfin une consommation de biens de santé moins importante en particulier de kinésithérapie chez les femmes ayant bénéficié du séjour thermal ainsi qu’une reprise du travail dans de meilleurs conditions. Une étude médico-économique complémentaire (2) montre que l’intervention thermale est coût-efficiente à 6 mois pour les patientes qui ont repris le travail et à 12 mois pour l’ensemble des patientes. A cinq ans (3), il n’y a pas de différence d’espérance de vie dans les deux groupes mais la qualité de vie est restée significativement supérieure dans le groupe cure thermale. Aujourd’hui, un certain nombre de stations thermales mettent en œuvre le programme, soit dans sa forme de départ, c’est-à-dire une durée de deux semaines, soit sous la forme d’un programme d’éducation thérapeutique du patient (ETP) qui s’ajoute à une cure thermale classique. Jusqu’à récemment, ce type de module n’était pas pris en charge par l’Assurance maladie. L’Assurance maladie a décidé, dans le cadre de la nouvelle convention thermale qui a été signée l’année dernière, de financer annuellement, à concurrence de 50% du coût, un certain nombre de ces programmes de réadaptation de deux semaines comme de ceux qui s’ajoutent à une cure thermale, elle-même prise en charge. A l’heure actuelle, les critères d’éligibilité sont en train d’être identifiés par la Sécurité sociale. Cette prise en charge pourrait être effective au second trimestre 2019. C’est donc une nouveauté que la Sécurité sociale accepte maintenant de participer au financement d’un programme de réadaptation post-cancer.   Cette réadaptation post-cancer s’applique-t-elle à d’autres cancers que le cancer du sein ? Non et c’est à l’heure actuelle un peu notre regret. On est parti très fort sur le cancer du sein et on attendait que les équipes d’oncologie travaillent à des programmes similaires pour d’autres types de cancers, comme les cancers digestifs, notamment colo-rectaux, le cancer de la prostate, le cancer bronchique principalement. Nous sommes dans l’attente d’autres expériences et nous regrettons qu’elles tardent à se mettre en place.   *Le Pr Christian-François Roques déclare n’être ni salarié ni actionnaire d’un établissement thermal ou d’une entreprise liée à l’activité thermale. Il n’a aucun lien de subordination avec les structures de représentation de la médecine thermale.

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