Alors que l’on commence à parler de déconfinement, une question subsiste : peut-on être infecté deux fois le Sars-CoV-2? Or cette problématique est fondamentale sur le plan sanitaire individuel, mais aussi sur le plan collectif, dans le cadre de la recherche de la meilleure stratégie de déconfinement. Malheureusement, alors que les tests sérologiques se multiplient, il persiste encore beaucoup d’inconnues sur les anticorps produits à l’occasion d’une première infection par le Sars-CoV-2, et qui seraient, en théorie, capables de conférer une immunité aux malades guéris. Tout d’abord, on ne connait pas précisément la nature de ces anticorps, et en particulier leur caractère neutralisant ou non. Selon une étude chinoise très préliminaire, il semble cependant que 70% des anticorps retrouvés soient bien neutralisants, les autres 30% étant neutralisants faibles. Il reste aussi à déterminer quel est le taux d’anticorps nécessaire pour que l’immunité soit vraiment protectrice, et aussi la durée de la protection conférée. Si l’on se base sur les données concernant les autres coronavirus, il semble qu’ils n’entrainent qu’une immunité temporaire de l’ordre de quelques mois. Enfin, il persiste aussi des doutes sur la cinétique d’apparition des anticorps. Il semble qu’ils soient détectables environ une semaine après l’apparition des symptômes. En revanche, chez les patients asymptomatiques, c’est beaucoup moins clair : la réponse ne pourrait même ne survenir que vers le 20ème ou le 27ème jour. De manière générale, pour les virus à ARN comme le Sars-Cov-2, il faut « environ trois semaines pour avoir une quantité suffisante d'anticorps protecteurs » et cette protection dure plusieurs mois, affirme Eric Vivier, professeur d'immunologie à l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille.
Mais on connait, en réalité, peu de choses sur le Sars-Cov-2, qui ne cesse de réserver des surprises, et est trop nouveau pour permettre la moindre certitude. « Nous ne savons pas », « nous pouvons seulement extrapoler à partir d'autres coronavirus et même pour eux, les données sont limitées », souligne Mike Ryan, directeur des programmes d'urgence de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Pour le Sras, qui a fait près de 800 morts dans le monde en 2002-2003, les malades guéris étaient protégés « en moyenne pendant deux à trois ans », indique à l'AFP le Pr François Balloux, du University College de Londres. Donc « on peut certainement se faire réinfecter, mais la question est : après combien de temps? On ne saura que rétroactivement ». Des cas mal documentés Quelques cas de possible réinfection ont été signalés en Asie (Corée du Sud notamment). Mais le doute persiste sur la réalité de ces cas...
qui ne sont pas assez documentés. En théorie, il pourrait s'agir d'une deuxième contamination, notent plusieurs experts, qui jugent toutefois cela peu probable et privilégient à ce stade d'autres explications. En particulier, le virus pourrait ne pas disparaitre complètement et infecter « de façon chronique », à l’image du virus de l'herpès qui peut rester dormant et asymptomatique, note le Pr Balloux. Les tests n'étant pas fiables à 100%, il pourrait aussi s'agir d'un faux négatif, le patient n'ayant en fait jamais été débarrassé du virus. « Ça suggèrerait que les gens restent infectieux longtemps, plusieurs semaines. Ce n'est pas idéal », ajoute-t-il.
Quelques études ont été réalisées chez les animaux. Bien que très préliminaire, une étude chinoise effectuée sur des macaques infectés par le Sars-CoV-2 puis guéris, établit que ces animaux n’ont pas pu être réinfectés ensuite. Mais « ça ne veut rien dire » sur la durée, estime Frédéric Tangy, chercheur à l'Institut Pasteur, car l'observation s'est déroulée sur une période de un mois seulement.
« On est en train de se poser la question pour savoir si quelqu'un qui a fait un Covid (...) est si protégé que ça », s'est inquiété le Pr Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique en France, le 16 avril. Et pire: « On ne sait pas si les anticorps qu'on développe soi-même contre le virus ne sont pas un risque d'augmenter la maladie », indique Frédéric Tangy. On observe, en effet, que les tableaux cliniques de Covid-19 les plus sévères surviennent tardivement, donc au moment où le patient a théoriquement développé des anticorps. Et il n’y a pas d'éléments probants non plus pour l'instant pour dire qui développerait des anticorps plus efficaces: malades les plus gravement touchés ou les plus épargnés, personnes âgées ou jeunes...
La question de l’immunité collective se pose Dans ce contexte, et au vu de ces incertitudes, certains s'interrogent sur la pertinence d'atteindre via les contaminations une immunité collective (quand l'épidémie s'éteint faute de nouvelles personnes à contaminer). « La seule véritable solution est un vaccin », estime ainsi Archie Clements, épidémiologiste à l'université australienne Curtin. Malgré tout, dans certains pays, des campagnes de tests sérologiques sont lancées pour mieux connaître la part, probablement très faible, des populations ayant été contaminées, comme en Finlande et au Royaume-Uni. En Allemagne, un centre de recherche évoque même une sorte de « passeport d'immunité » permettant aux personnes positives de reprendre leurs activités. Quelle sera la stratégie en France ? La Haute Autorité de Santé a publié le 16 avril un cahier des charges à destination des producteurs de tests exigeant une spécificité de 98% et une sensibilité de 90 ou 95 % (selon l’utilisation des tests (collectifs, trod, autotest…). Un 2ème avis est attendu dans 15 jours sur les stratégies d’utilisation de ces tests.
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