En amont de la conférence internationale sur le sida (Aids 2018) qui se tiendra cette année à Amsterdam du 23 au 27 juillet, l’Onusida publie son rapport 2018 dans lequel il tire la sonnette d’alarme sur l’état mondial de la pandémie. Dans son nouveau rapport, en effet, l’organisation mondiale de lutte contre le Sida "envoie aux pays du monde entier un alerte solennelle" sur le ralentissement des progrès, qui risque de faire reculer les objectifs de 2020 (90-90-90 : 90% des personnes infectées qui connaissent leur statut sérologique, 90% qui reçoivent un traitement anti rétroviral durable, et 90% qui ont une charge virale durablement supprimée). "La riposte mondiale du VIH se trouve dans une situation préoccupante", affirme l’Onusida. En particulier, les nouvelles infections au VIH sont en augmentation dans une cinquantaine de pays, et, à l’échelle mondiale, elles n’ont diminué que de 18 % au cours des sept dernières années, passant de 2,2 millions en 2010 à 1,8 million en 2017. "Bien que ce chiffre représente presque la moitié du nombre de nouvelles infections par rapport à 1996, lorsque ce nombre était au plus haut (3,4 millions), la baisse n’est pas assez rapide pour atteindre l’objectif de moins de 500 000 nouvelles infections à VIH d’ici 2020", souligne l’Onusida. La réduction de l’incidence a été la plus forte dans la région la plus touchée par le virus, l’Afrique orientale et australe, avec une diminution de 30 % depuis 2010. Mais, à l’inverse, certaines zones connaissent une forte augmentation : en Europe de l’Est et en Asie centrale, le nombre annuel de nouvelles infections à VIH a doublé, et au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, il a augmenté de plus d’un quart, ces 20 dernières années. En 2017, le nombre de décès liés au Sida s’élevait à 940 000, le chiffre le plus bas jamais atteint au cours de ce siècle. Cependant, "la régression n’est pas suffisamment rapide pour atteindre l’objectif de moins de 500 000 décès liés au Sida d’ici 2020", ajoute l’Onusida. Cette baisse de la mortalité est liée à l’amélioration de l’accès au traitement, qui connait une accélération. Actuellement, le nombre total de personnes sous traitement est de 21,7 millions, soit près de 60 % de l’ensemble des personnes séropositives (36,9 millions), "ce qui est un succès considérable", concède l’organisation internationale. Cependant, on est encore loin de l’objectif de 30 millions de personnes sous traitement, pour lequel il faudrait 2,8 millions de nouvelles personnes mises sous traitement chaque année, "or tout indique que le taux d’expansion ralentit", ajoute-t-elle. En outre, les inégalités géographiques restent majeures. Ainsi, en 2017, seulement 26 % des enfants et 41 % des adultes ont eu accès au traitement en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. La situation du Nigéria, qui concentre à lui seul près de la moitié des malades de la région, est particulièrement inquiétante. Un enfant sur deux non traité Les progrès ralentissent aussi chez les enfants. Dans cette population, les nouvelles infections n’ont diminué que de 8 % ces deux dernières années. L’objectif de moins de 40 000 transmissions mère-enfant d’ici fin 2018 est impossible à atteindre : on en déplorait 180 000 en 2017. Et seulement la moitié (52 %) des enfants séropositifs sont sous traitement. En outre, 110 000 enfants sont morts de maladies liées au sida en 2017. Le rapport souligne par ailleurs l’insuffisance de prise en charge des populations clés (travailleurs du sexe, hommes homosexuels, prisonniers, migrants, etc.) qui concentrent 47 % des nouvelles infections dans le monde (97 % en Europe de l’Est et en Asie centrale). Les auteurs appellent aussi à diminuer la stigmatisation et la discrimination subies par les malades, ainsi que les violences faites aux femmes atteintes. "Les communautés font écho à l’alerte lancée par l’Onusida", renchérit Vincent Pelletier, Directeur-général de Coalition Plus, un réseau international. "Il nous faut un accès universel à des services de prévention adaptés à nos besoins, ainsi qu’une véritable protection contre la discrimination. Nous appelons les dirigeants mondiaux à mettre les moyens en adéquation avec les engagements, à la fois dans les pays donateurs et les pays en développement." Entre 14,5 à 18 milliards de dollars nécessaires "Les objectifs adoptés à l’ONU de mettre l’épidémie sous contrôle d’ici à 2020 et d’en finir d’ici à 2030 ne pourront pas être atteints, à moins d’une forte accélération dès cette année", prévient Coalition Plus et son membre français Aides, lors de la présentation du rapport. L’année 2017 a été marquée par une augmentation des investissements de 8% par rapport à 2016. Mais, "aucun nouvel engagement important n’a été pris et, par conséquent, il est peu probable que l’augmentation des ressources de cette année se poursuive dans la durée. Les objectifs 2020 ne pourront être atteints que si les investissements augmentent, à la fois au niveau national et de la part des pays donateurs", s’inquiète l’instance onusienne contre le sida. "Sans un regain de solidarité des Etats les plus riches de la planète pour augmenter les ressources financières du Fonds mondial, le sida risque de rebondir plus fort que jamais", ajoute Hakima Himmich, présidente de Coalition Plus et fondatrice de l’Association de lutte contre le sida au Maroc. Selon un rapport du Global Fund advocates network (GFAN), alliance internationale de 250 organisations de lutte contre les grandes pandémies (dont Coalition Plus), "les partenaires techniques ont estimé que le montant total des ressources financières nécessaires pour lutter contre le sida, la tuberculose et le paludisme s'élève à 46 milliards de dollars annuels, dont GFAN estime que 14,55 à 18 milliards de dollars devraient être investis via le Fonds mondial sur la période 2020-2022". En conséquence, "nous demandons au Président Emmanuel Macron de jouer pleinement le rôle de premier de cordée en mobilisant dès maintenant ses homologues internationaux pour obtenir des contributions à hauteur de 14,5 à 18 milliards de dollars. Ces investissements supplémentaires seront indispensables pour éviter une reprise de l’épidémie au niveau mondial dans les prochaines années", interpelle Aurélien Beaucamp, Président de Aides.
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