Un risque accru d’incontinence urinaire d’effort
Certaines disciplines sont particulièrement à risque de provoquer une incontinence urinaire d’effort chez les sportives de haut niveau. Avec un impact sur le plan psychologique et des performances. La sensibilisation et l’information des jeunes sont fondamentales. Le point avec la Dre Carole Maître, médecin du sport, gynécologue au pôle médical de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep).
Egora : Quelle est la prévalence de l’incontinence urinaire d’effort chez les femmes en population générale, chez les sportives et chez les sportives de haut niveau ?
Dre Carole Maître : En population générale, la prévalence est fonction de l’âge avec deux grands facteurs de risque : le surpoids et le nombre d’accouchements. La sédentarité favorise l’incontinence d’effort en cas de surpoids. En population générale, cela concerne 3 millions de femmes, soit 15%. Chez les sportives, la prévalence varie en fonction des activités de 14% à 18%. Et chez les sportives de haut niveau, entre 20 et 70% dans les sports à risque, et jusqu’à 80% pour le trampoline et le cross fit. Le problème est rare chez les hommes.
Quels sont les mécanismes physiologiques qui contribuent à l’incontinence urinaire d’effort ?
Certains sports s’accompagnent d’une augmentation de la pression intra-abdominale. Cela fragilise les muscles du plancher pelvien, qui perd de sa capacité de soutien des organes du petit bassin. Un autre mécanisme intervient : un retard à la contraction réflexe du plancher pelvien par rapport à la contraction des abdominaux.
Quels sont les sports à risque ?
Ce sont les sports à déplacement rapide (course…), les sports de ballon, les sports de raquette, les sports avec des sauts (gymnastique…), les sports avec forte contraction des abdominaux ou avec une posture favorisante comme l’hyperlordose et l’abduction de jambe (judo, lutte, taekwondo, boxe, haltérophilie, escrime, aviron...). Des gestes spécifiques constituent également des facteurs déclenchants : le plaquage au rugby, la levée de poids…
Les sportives de haut niveau s’entraînent 4 heures par jour en moyenne, leur pratique étant modulée avec des phases de récupération. L’incontinence urinaire survient le plus souvent après 1 heure d’entraînement.
Quelles peuvent être les conséquences sur la santé, notamment psychologique, des sportives ? Et en termes de performances ?
Plusieurs études montrent un embarras lié à la crainte de la fuite et sa visibilité, voire un sentiment de honte. Cela entraîne une déconcentration avec un impact sur les performances. Il y a également une perte d’efficacité de la contraction abdominale.
Quelles peuvent être les mesures à mettre en place en prévention ?
La prévention passe par l’éducation : expliquer ce qu’est le périnée, que ce n’est pas un muscle mais un ensemble de muscles qui peut se travailler en synergie avec le transverse abdominal, expliquer les contraintes des gestes sportifs… L’Insep a mis en ligne sur YouTube des vidéos explicatives et des vidéos d’exercices. Les Centres de ressources, d’expertise et de performance sportive (Creps) régionaux proposent des ateliers de sensibilisation à la santé du périnée.
Il faut régulièrement travailler ces muscles, en dehors de l’insuffisance urinaire : contraction et relâchement du périnée, travail spécifique des abdominaux, co-contraction du transverse de l’abdomen, gainage hypopressif, amélioration des postures, atténuation de certains gestes.
Existe-t-il des mesures de prévention secondaire ?
Le kinésithérapeute formé à la pelvi-périnéologie a une action essentielle. Son accompagnement offre de bons résultats, d’autant que les sportives de haut niveau connaissent bien le travail musculaire. Il aide à prendre conscience de la contraction du périnée, propose un travail statique et un travail dynamique, en synergie avec le travail sur le transverse abdominal. Ceci est complété par des exercices au quotidien et un travail à domicile avec des sondes, connectées ou non.
Des professionnels de santé souhaitent un bilan périnéal systématique chez les sportives de haut niveau et une éducation du périnée dès l’adolescence…
Il est très important de mettre en place des programmes de prévention. Cela passe par la sensibilisation, la compréhension et le travail musculaire approprié. Il faut une sensibilisation de toutes les sportives dès l’entrée dans le monde du sport, car elles considèrent souvent que l’incontinence est inhérente à la pratique et font avec (port de protège-slip, etc.). Il faut aussi sensibiliser les encadrants techniques et les préparateurs physiques.
A noter que les femmes n’ont pas plus d’incontinence urinaire d’effort après la maternité si elles n’en ont pas eu pendant leur carrière sportive. Mais si les fuites existantes ne sont pas prises en charge, les sportives de haut niveau ont 8 fois plus de risques d’incontinence après la fin de leur carrière ou après une grossesse.
La Dre Maitre déclare n’avoir aucun lien d’intérêt
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Références :
Sources : D’après un entretien avec la Dre Carole Maître, médecin du sport, gynécologue au pôle médical de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep)
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