
Séniors à risque cardiovasculaire : mieux prendre en compte la fragilité pour une prise en charge optimale
Un rapport de l’Académie nationale de médecine préconise de tenir compte de l’existence ou non de fragilités chez un patient âgé, plutôt que de son âge, pour décider de la stratégie de prévention et de traitement cardiovasculaire à mettre en place.

Devant un patient âgé à risque cardiovasculaire (RCV), la prise en charge optimale est parfois difficile à évaluer. En effet, ce sont souvent les patients les plus âgées et les plus fragiles qui nécessiteraient, en théorie, le traitement médical le plus lourd, qu’il soit préventif ou curatif. Pourtant, en cas de vulnérabilité, on a plutôt tendance à préférer des stratégies thérapeutiques moins agressives.
Or, cette situation est extrêmement fréquente du fait du vieillissement de la population. Et les maladies cardiovasculaires constituent la première cause de morbidité et de mortalité chez les sujets âgés de 75 ans et plus, en raison des altérations des vaisseaux dues à l'âge, ainsi que de l'exposition cumulative aux facteurs de risque cardiovasculaire (FdR CV).
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C’est pourquoi, l’Académie nationale de médecine s’est intéressée à ce sujet. Elle a mis en place, en mars 2024, un groupe de travail qui a procédé à différents entretiens d’experts. L’objectif était "d'éviter un surtraitement des plus fragiles, ou un sous-traitement des plus robustes". Les académiciens ont ainsi rédigé un rapport assorti de recommandations, qui vient d’être publié.
Leurs conclusions soulignent la nécessité d’un dépistage systématique de la fragilité et des capacités fonctionnelles des patients âgés pour évaluer au mieux le rapport bénéfice/risque des stratégies thérapeutiques pour la prise en charge des FdR CV.
Ce dépistage, idéalement réalisé en dehors du milieu hospitalier, peut faire appel à différentes échelles (par exemple : ICOPE/OMS, Score de Fragilité Clinique, Critères de Fried). Les patients sont alors répartis en 3 groupes. Les "patients robustes" peuvent bénéficier d’une stratégie "assez proche" de celle des sujets plus jeunes. Les "patients modérément fragiles mais indépendants" auront des stratégies "plus conservatrices", des "cibles thérapeutiques moins strictes", et une "surveillance clinico-biologique étroite". Et pour les "patients dépendants", une "individualisation des stratégies" est nécessaire du fait du risque iatrogène majeur. Il s’agit de lutter contre la polymédication, et de favoriser la décroissance thérapeutique si possible, en évitant de reconduire automatiquement les ordonnances médicamenteuses.
Le rapport insiste sur la nécessité de renforcer la formation des soignants dans ce domaine. Le médecin doit maitriser les notions gériatriques de base, les méthodes de dépistage des capacités fonctionnelles et de la fragilité, ainsi que les modalités de la déprescription.
Les académiciens soulignent, par ailleurs, les bienfaits des interventions coordonnées de professionnels de santé, ainsi que de l’utilisation de nouvelles technologies qui "peuvent aider au suivi du contrôle des FdR CV et à la diminution des erreurs de la prise médicamenteuse". L’utilisation d’un pilulier est particulièrement importante, ainsi que le passage d’IDE pour les patients les plus fragiles et/ou isolés.
Une attention particulière est aussi préconisée en direction des résidents d’Ehpad à haut risque CV, via le renforcement des interventions d’équipes mobiles externes.
Enfin, les auteurs du rapport recommandent de développer les études cliniques "de qualité" dans ce domaine en y incluant les patients âgés fragiles "qui en sont actuellement le plus souvent exclus".
Références :
D’après un rapport de l’Académie nationale de médecine (13 février)
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