VIH : des recommandations pour mettre fin à l’épidémie
La France parviendra-t-elle à mettre fin à la transmission du VIH d’ici 2030, selon l’objectif fixé en 2017 par la Stratégie nationale de santé sexuelle ? Rien n’est moins certain, d’autant que l’incidence ne diminue plus depuis 2021. Publiées cette année, de nouvelles recommandations proposent des pistes afin d’améliorer le dépistage et la prévention.
« L’épidémie de VIH n’est pas terminée, le combat continue afin de diminuer la transmission. Nous y sommes parvenus dans un certain nombre de régions dans le monde, pas dans d’autres. Pourtant, tous les outils sont là pour atteindre cet objectif », observe le Pr Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Bichat – Claude Bernard (Paris), et directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales – Maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE). En France, la situation est mitigée : après des années de baisse, l’incidence ne diminue plus depuis 2021, constatait Santé publique France (SPF) dans son bilan 2023 publié en octobre dernier.
Bien qu’il ait retrouvé son niveau pré-crise sanitaire, le dépistage demeure en-deçà des besoins. Si les efforts de sensibilisation ont en partie payé auprès des HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, tels qu’homo- et bisexuels), tel n’est pas le cas dans les populations précaires, dont les migrants originaires d’Afrique subsaharienne. Selon SPF, 10 756 personnes ignoreraient leur séropositivité en France -sur un total estimé à 180 000 séropositifs-, ce qui les rend plus susceptibles, faute de traitement, de transmettre le VIH à leurs partenaires sexuels.
Dans de nouvelles recommandations publiées par la Haute Autorité de santé (HAS), l’ANRS-MIE et le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS), les experts avancent plusieurs pistes pour accroître les opportunités de dépistage. Parmi elles, la possibilité de proposer des tests du VIH dans les services d’urgence. Ou encore de le proposer de manière systématique aux futurs pères lors des consultations prénatales, « pour protéger la mère et l’enfant, et pour toucher une population plus souvent éloignée du soin et du dépistage », explique l’épidémiologiste Karen Champenois, Centre de recherche « Infection, antimicrobiens, modélisation, évolution », IAME, Inserm/université Paris Cité/université Sorbonne Paris Nord.
Accroître l’usage de la PrEP
Autre point à améliorer : la prévention, notamment par la prophylaxie préexposition (PrEP), indiquée chez les personnes à risque élevé d’infection. Efficace à près de 100% en cas de bonne observance, elle repose sur la prise de comprimés ténofovir/emtricitabine, de manière quotidienne ou ‘à la demande’ (de manière intermittente, c’est-à-dire lors des périodes d’exposition au VIH, par exemple les week-ends). Or, bien que la primo-prescription ait été étendue en juin 2021 à la médecine de ville, cet outil préventif demeure sous-utilisé. Il est « majoritairement utilisé par les HSH, de niveau socio-économique élevé, nés en France », constate le Pr Pierre Delobel, coordinateur des recommandations. La PrEP demeure en revanche peu fréquente chez les hétérosexuels multipartenaires, les femmes, les HSH étrangers, les migrants.
Dans leurs recommandations, les experts proposent de nouvelles voies d’accès à la PrEP, notamment en ouvrant la primo-prescription aux sages-femmes. Mais la couverture pourrait surtout bénéficier de l’arrivée, attendue début 2025, d’une première PrEP injectable tous les deux mois, à base de cabotégravir, qui devrait faciliter l’observance dans les publics précaires. Quant à la PrEP injectable à base de lénacapavir, semestrielle, elle a récemment livré des résultats très positifs de phase 3, mais n’est pas attendue avant quelques années.
Peu connu du public, le traitement post-exposition (TPE), d’une durée de 28 jours, doit être initié dans les 48 heures, idéalement dans les premières heures, suivant un contact à risque. A ce jour, il n’est délivré que par les services d’urgences et les services spécialisés (maladies infectieuses, centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic du VIH, des hépatites virales et des IST [CeGIDD]). Là aussi, les experts souhaitent en faciliter l’accès en mettant à disposition le ‘kit de démarrage’, correspondant aux premiers jours de traitement, chez les généralistes et les pharmaciens - une mesure déjà prévue par la Stratégie nationale de santé sexuelle -, mais également auprès d’associations de lutte contre le sida.
Traitement en un comprimé quotidien et allègement thérapeutique
Quant au traitement, le temps n’est plus aux trithérapies des années 1990, dont le nombre de comprimés n’avait d’égal que celui des effets indésirables. Selon les recommandations de 2024, le traitement initial doit préférentiellement consister en un régime antirétroviral en un comprimé quotidien, à savoir une bi- ou une trithérapie associant des inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) avec un inhibiteur de l’intégrase (INI) ou un inhibiteur non nucléosidique (INNTI).
Spécificité française, les patients en succès virologique peuvent bénéficier d’un allègement (ou d’une simplification) thérapeutique, afin de faciliter l’observance et de réduire la toxicité à long terme. Pour cela, il existe trois options : primo, la transition vers une bithérapie ; deuxio, la trithérapie intermittente (le traitement est pris pendant quatre ou cinq jours, puis suspendu deux à trois jours) ; tertio, la bithérapie injectable tous les deux mois, à base de cabotégravir et de rilpivirine à longue durée d’action.
Références :
Conférence de presse de ANRS-MIE (21 novembre). Selon les propos du Pr Yazdan Yazdanpanah (directeur de l’ANRS-MIE, hôpital Bichat – Claude Bernard, Paris), de Karen Champenois (Université Paris Cité/université Sorbonne Paris Nord), du Pr Pierre Delobel (CHU de Toulouse) et du Pr André Cabié (CHU de Martinique, Fort-de-France).
- HAS, ANRS-MIE, CNS. Recommandations françaises de prise en charge des personnes vivant avec le VIH, 20 novembre 2024.
- Santé publique France, Santé publique France. « Surveillance du VIH et des IST bactériennes en France en 2023 », 11 octobre 2024.
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