Diabète et grossesse : l’importance du suivi pré-conceptionnel

08/03/2024 Par Alexandra Verbecq
Diabétologie Gynécologie-Obstétrique
[DOSSIER FEMMES] Considérée à haut risque, la grossesse chez les patientes ayant un diabète pré-existant, DT1 ou DT2, nécessite un suivi spécifique démarrant avant la conception, ce qui est encore peu mis en place.  Eclairage avec le Dr Thomas Parsy*, obstétricien à la maternité Paule de Viguier (CHU de Toulouse).

 

Egora : Quels sont les risques d’un diabète mal équilibré chez la femme enceinte ? 

Dr Thomas Parsy : Ils sont maternels et obstétricaux. Dans le DT1 surtout, une acidocétose peut se déclarer et s'aggraver pendant la grossesse. C’est un risque vital. D’autres complications micro ou macro angiopathiques, déjà existantes, peuvent s’amplifier. La décompensation d’une l’hypertension ou rétinopathie ou néphropathie surtout en cas de diabète déjà déséquilibré arrive souvent en début de grossesse. La pré-éclampsie et l'accouchement prématuré sont les complications obstétricales. Sur le plan fœtal, des malformations, notamment cardiaques, ou des retards de croissance peuvent apparaître. Également, des bébés de gros poids avec des macrosomies rendent les accouchements plus compliqués (dystocies des épaules, césariennes nécessaires ou assistances instrumentales à la naissance complexes). Le taux de prématurité est triplé pour les DT2. Quand le diabète est très déséquilibré, les malformations cardiaques sont quintuplées, surtout dans le DT1. Une césarienne est pratiquée dans 50% des cas. 

 

Quel est le rôle du médecin généraliste dans le suivi pré-conceptionnel ? 

Un suivi initié avant la conception a un impact très supérieur. Le rôle du médecin généraliste dans la "préparation du terrain" est majeur. 

Dépister les complications du diabète (rétinopathie, néphropathie…) et améliorer les facteurs de risque (perte de poids chez les personnes en surcharge pondérale, équilibre des tensions chez celles hypertendues…) est la première étape. Les vaccinations ne doivent pas être oubliées. L'activité physique (1/2 h de marche par jour, piscine…) est recommandée surtout chez les personnes à risque métabolique. 

La "toilette de l’ordonnance" doit être faite en préconceptionnel avec un changement de médicaments, notamment ceux contre-indiqués pour la grossesse (IEC, sartans, statines…).  

Le dosage de l’hémoglobine glyquée est à réaliser avant la grossesse en vue d’atteindre un objectif optimal de 6 - 6,5 % en début de celle-ci. 

Pour les patientes DT2, les antidiabétiques oraux sont arrêtés au profit d’un schéma insulinique (pompe à insuline ou insuline basale - bolus). La metformine n’est autorisée que s'il n’existe pas d'autre alternative pour équilibrer les glycémies (si possible en concertation avec le diabétologue référent). 

Des vitamines, acide folique notamment, sont prescrites en début de grossesse. Démarrer, avant 16 semaines d'aménorrhée, l'aspirine à faible dose (75 ou 100 mg/jour à prendre le soir) en prévention des risques vasculaires (pré-éclampsie) -  très augmentés chez les patientes diabétiques - , est de plus en plus recommandée. Le médecin généraliste peut l’initier. Par la suite, en cours de grossesse, les posologies des différents traitements sont modifiées par les spécialistes. 

Cette préparation permet de programmer une grossesse beaucoup plus sereine. Malheureusement, seule une minorité de patientes bénéficient de ce suivi rapproché avant la conception. 

 

Durant la grossesse, quel suivi spécifique mettre en place ? 

Dès le début, les patientes DT1 ou DT2 doivent être vues à l’hôpital. Un suivi multidisciplinaire, au minimum mensuel, est coordonné par l’obstétricien référent, idéalement dans une maternité de niveau II ou III avec une néonatalogie. 

Le suivi obstétrical, réalisé par le diabétologue de la maternité ou de ville, est à minima mensuel et le suivi échographique doit être rapproché. Au CHU de Toulouse, des hospitalisations de jour sont proposées afin que les patientes voient tous les spécialistes en une seule fois. 

 

La glycémie et le besoin d'insuline fluctuent-ils pendant la grossesse ? 

Au premier trimestre, les patientes DT1 connaissent une baisse physiologique de l’insulinorésistance ce qui réduit leurs besoins en insuline. Elles doivent en être prévenues car, ne s’en rendant pas compte, elles font souvent des hypoglycémies. Au deuxième et troisième trimestre, les besoins en insuline s'élèvent. Les posologies sont alors progressivement augmentées jusqu’à x2 ou x3 en fin de grossesse. Après l'accouchement, l’insulinorésistance baisse très vite et les patientes peuvent rapidement reprendre leur posologie habituelle. 

 

Après l’accouchement, le médecin généraliste a-il un rôle ? 

Il est très important en post-partum notamment chez les patientes DT2 dont les complications sont souvent favorisées. D’autre part, les enfants de mères diabétiques risquent également d'avoir un diabète (DT2 principalement) pouvant se déclarer assez précocement. L’éducation thérapeutique des mères permet de réduire la morbidité chez ces enfants. 

 

*Le Dr Parsy déclare n’avoir aucun lien d’intérêts. 

 

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