Endométriose : "En cas d’indications opératoires, la chirurgie doit être minimale invasive"

08/03/2024 Par Alexandra Verbecq
Gynécologie-Obstétrique
[DOSSIER FEMMES]​ Indiquée en cas de douleur, d'infertilité, de souffrance d’organes et pour faciliter la prise en charge d’une FIV, la chirurgie de l’endométriose doit privilégier les interventions mini-invasives par cœlioscopie ou par assistance robotique. Le point avec le Pr Horace Roman*, chirurgien gynécologue (Institut Franco Européen Multidisciplinaire d’Endométriose – IFEMEnd-, Clinique Tivoli-Ducos, Bordeaux). 

 

 

Egora : Pour les femmes souffrant d’endométriose, dans quels cas la chirurgie est-elle indiquée ? 

Pr Horace Roman : La chirurgie n'est pas nécessaire pour toutes les femmes ayant une endométriose. En revanche, elle est indiquée dans plusieurs cas clés. La première indication concerne les patientes douloureuses dont le traitement médical ne suffit pas. Lorsque leur qualité de vie continue d’être altérée malgré les médicaments, une chirurgie peut être proposée pour retirer les lésions d’endométriose. Le résultat est le plus souvent rapide et très efficace. 

La deuxième indication s’adresse aux femmes présentant une infertilité et une endométriose. La chirurgie est efficace pour améliorer la fertilité naturelle, et probablement l’AMP postopératoire, qu’il s’agisse d’endométrioses minimes, modérées ou sévères. 

La troisième indication concerne les patientes présentant une souffrance d’organes. Même non douloureuse, elle met en danger tant l'organe que la vie de la femme. Par exemple, certaines endométrioses provoquent une sténose de l'urètre entraînant la destruction, à bas bruit, du rein. D’autres patientes, peu douloureuses mais avec des endométrioses intestinales sténosantes, peuvent régulièrement être ballonnées, ou bien avoir l'impression d'être intolérantes à certains aliments et d’avoir un côlon irritable. Si elles ne sont pas opérées, ces femmes risquent l’occlusion. Dans d’autres cas, le système nerveux végétatif est atteint sans provoquer de douleur, mais cela entraine de plus en plus de difficultés à uriner ou une constipation terminale. D’autres femmes, encore, ont une atteinte des plexus sacrés ou des nerfs sciatiques avec des symptômes associés dans les membres inférieurs. Des femmes font également des pneumothorax car elles ont une endométriose du diaphragme. 

Ensuite, la quatrième indication opératoire se rapporte à la nécessité de réaliser un geste précis qui facilite une prise en charge spécifique, par exemple pour préparer une FIV. Certaines femmes ont des endométriomes volumineux gênant la ponction, ou des ovaires inaccessibles, ou des trompes obstruées. Dans ce cas, la chirurgie facilite la FIV.  

L’échographie pelvienne et surtout l’IRM permettent de repérer les lésions d’endométriose. L’IRM est de loin le meilleur examen car elle met en évidence quasiment toutes les lésions sévères, produit une cartographie précise des lésions abdominales et pelviennes, et permet la relecture de l’examen en cas de besoin. 

 

Quelle est la place de la chirurgie mini-invasive ? En quoi consiste-t-elle ? 

La chirurgie minimale invasive, c’est-à-dire par cœlioscopie avec ou sans l'assistance robotique, constitue clairement la voie à privilégier. La chirurgie ouverte dans l’endométriose ne devrait plus exister, elle devrait même être interdite, hormis dans des cas rarissimes traités dans des centres de référence !  

La chirurgie minimale invasive consiste à placer quatre à six trocarts traversant la paroi abdominale qui vont permettre d’introduire un endoscope et des instruments, après avoir distendu la cavité abdominale avec du CO2. L’opération s’effectue en regardant un écran, en fort grossissement. Pratiquement toutes les interventions, même les plus complexes, peuvent être conduites avec cette technologie. Elle offre une récupération rapide, n’engendre que très peu d’adhérences, réduit les douleurs postopératoires et préserve davantage la fertilité. Selon moi, la cœlioscopie et l’IRM ont été les grandes révolutions dans la prise en charge de l'endométriose. De plus, la coelioscopie peut explorer des régions très profondes (le paramètre profond, l’espace rectovaginal, l’espace rétropéritonéal, le récessus hépato diaphragmatique) et approcher des lésions d’endométriose pratiquement inaccessibles à l'oeil nu. La caméra apporte une excellente visibilité avec des images agrandies favorisant des chirurgies extrêmement complexes. 

Avec l'assistance robotique, le chirurgien opère assis devant une console située à distance du patient. Le mouvement des instruments est commandé par le praticien grâce à des anneaux permettant l’insertion des doigts. Ces instruments articulés ont 7 degrés de liberté, soit plus que la main. Ils autorisent des gestes extrêmement précis et très complexes, dans des espaces très étroits, ce qui est plus difficile avec une coelioscopie classique où les instruments sont droits et rigides, donc plus difficilement manipulables dans des petits espaces ou derrière des organes fermes comme le foie. 

Les techniques chirurgicales sont très variées, de la plus conservatrice à la plus radicale, où une partie de l’organe peut être retirée avec les lésions d’endométriose. Des arbres décisionnels, assez complexes, ne font pas toujours l'unanimité. La chirurgie de l'endométriose devrait être proposée "sur mesure" et adaptée aux caractéristiques des patientes et des lésions, à la symptomatologie et au désir de grossesse. 

 

*Le Pr Horace Roman déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour : OLYMPUS, INTUITIVE SURGERY, ETHICON, NORDIC PHARMA, BBRAUN, GEDEON RICHTER, IBSA 

 

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