Etoiles
À la veille d’un voyage en avion avec son fils de trois ans, une jeune femme se présente en pharmacie. Elle souhaiterait une solution de réhydratation à glisser dans sa valise pour parer à tout incident. Le pharmacien, tout sourire, répond à sa demande explicite tout en lui conseillant divers produits pour compléter l’arsenal thérapeutique. Sur le comptoir s’accumulent gommes à mâcher, sirops et autres petites fioles "indispensables"… D’un geste presque désinvolte, l’homme lui glisse également une carte de fidélité garantissant une réduction de 25% sur le deuxième produit acheté, le cumul des points lors de ses visites et un accès aux "bons plans" grâce à leur newsletter. La proposition gentiment déclinée, et la solution de réhydratation glissée dans son tote bag, la jeune femme tourne les talons mais est interpellée à nouveau par la blouse blanche, l’invitant cette fois à laisser un avis sur Google… Ce passage en pharmacie, 3 ou 4 étoiles ? L’anecdote pourrait faire sourire si elle ne disait pas l’envers du comptoir officinal qui se plie, de plus en plus, à ce système de notation fait de grands éloges et de petits reproches. Et tandis que l’internaute, souvent anonyme, s’amuse à distribuer les bons et les mauvais points, la pharmacie joue au service après-vente. Des 627 avis déposés sur cette pharmacie parisienne qui affiche une note de 4 sur 5, la plupart sont commentés par le "propriétaire" qui remercie les gentils et récuse les mécontents. Certes, le phénomène est connu mais sommes-nous aujourd’hui réduits à évaluer les soins prodigués, l’accueil reçu, le diagnostic posé à coups d’étoiles – comme le pouce sur les réseaux sociaux – et à régler ses comptes sur l’espace public ? Le patient est-il ce client qui aime, déteste, félicite, critique la prestation reçue ? Les soins sont-ils de simples biens de consommation et le pharmacien un bon commercial ? L’officine est un commerce dit de proximité mais le pharmacien n’est pas un commerçant comme les autres. Chaque jour, 4 millions de personnes se rendent dans une officine, et 18,9% des produits sont vendus hors prescription… À l’heure de l’automédication, l’achat de médicaments n’est pas un acte anodin. Il est toujours bon de le rappeler.
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