Tiers payant "systématique", guichet unique, PDSa le samedi matin… Les idées des Parisiens pour réformer le système de santé

23/11/2022 Par Louise Claereboudt

Ce mardi 22 novembre a eu la restitution des travaux menés à Paris dans le cadre du volet santé du Conseil national de la refondation (CNR). Le ministre François Braun était présent pour écouter les solutions proposées par les élus, médecins et patients du territoire. Au programme : guichet unique, tiers-payant systématique, permanence des soins… Un mois et demi après avoir lancé le CNR santé au Mans, c’est dans la capitale que le ministre de la Santé, François Braun, s’est rendu ce mardi pour écouter les solutions proposées par les acteurs du territoire pour redresser le système de santé. Au total, ce sont 150 élus, médecins, patients qui ont réfléchi à des remèdes viables. Gain de temps médical, continuité des soins et réponse aux soins non programmés, attractivité territoriale pour les soignants, valorisation de la prévention… 36 tables rondes ont été organisées à Paris pour aboutir à des propositions. Alors que Paris souffre aussi d’un manque de praticiens, les participants ont réfléchi à comment libérer du temps médical et mieux coordonner les exercices pour faciliter l’accès à la santé. Dans l’objectif de diminuer le renoncement aux soins, un groupe de travail a défendu la mise en place d’un tiers payant "systématique" (prise en charge à 100% de la consultation chez le généraliste), avec l’espoir d’alléger des passages aux urgences et de lutter contre les freins financiers. Le groupe a identifié plusieurs difficultés à laquelle cette mesure pourrait être confrontée, notamment le financement d’un tel dispositif par l’Assurance maladie, mais aussi le risque d’une surconsommation des consultations chez le généraliste.   Médiateurs en santé et PDSa le samedi matin Le Dr Koré Mognon, généraliste dans le 18e arrondissement, a de son côté suggéré de créer des postes de médiateurs en santé sur le territoire "pour aller au-devant des publics, faire connaître l’offre de soins locale, les guider, les accompagner". Cela implique que la formation de ces médiateurs, qui n’en est qu’à ses balbutiements, soit amplifiée. Il sera par ailleurs nécessaire de définir le statut de ces professionnels et leur niveau et leur champ d’action. "Il ne faut pas rajouter une nouvelle couche à ce qui existe déjà", prévient-il. François Braun s’est dit "fan" de ce nouveau dispositif, qu’il a pu connaître dans les quartiers nord de Marseille. "Je suis tellement fan que j’ai déjà confié, en revenant de Marseille, une mission à Philippe Denormandie pour faire le point sur les différents modes de médiateurs en santé, et voir comment on pourrait exporter cela sur l’ensemble des territoires." Le ministre a dit vouloir développer ce métier pour aller chercher "les personnes qui sont complètement éloignées du système de santé".

Un autre groupe a considéré que pour libérer du temps médical, il était indispensable d’élargir les protocoles de coopération et de délégation des tâches médicales à d’autres professions de santé, afin de "proposer une deuxième entrée dans le soin". Avec un prérequis : que cela s’organise dans le cadre d’un exercice coordonné. Cette mesure permettrait de proposer au patient "un premier avis" permettant "l’évaluation du degré d’urgence" et "une orientation efficace pour éviter un recours aux urgences hospitalières", a expliqué son rapporteur, qui précise qu’il faudra redéfinir les statuts et les modes de rémunération, et craint "une potentielle réticence des médecins". Autres mesures présentées à l’issue des ateliers : l’amélioration de l’éducation à la santé, l’ouverture de la PDSa "à tous les acteurs" et "dès le samedi matin" ; mais aussi la possibilité de donner un pouvoir de régulation aux autorités de santé – l’ARS par exemple – "pour intervenir sur les autorisations d’implantation". Ces deux derniers points n’ont pas semblé convaincre le ministre. Sur la PDSa le samedi matin, cela lui pose "un problème de société". "Cela veut dire que notre société ne travaille plus le samedi matin, ça veut dire que l’on accepte que la société travaille 5 jours sur 7. Est-ce qu’on est prêts à cela ? Je ne sais pas. A partir du moment où on l’accepte pour une profession, il n’y a pas de raison de ne pas l’accepter pour toutes les autres. Je ne suis pas certain que ce soit la meilleure solution." Sur l’obligation d’installation, François Braun a rappelé son opposition "à toute mesure contraignante". "Je suis beaucoup plus dans une logique d’incitation", a-t-il dit, ajoutant toutefois que l’Etat pourrait être amené...

à être "un peu plus coercitif" si les praticiens ne se mobilisent pas suffisamment à l’échelle un territoire. "Mais je veux laisser la chance à la discussion", a-t-il déclaré, alors que les négos conventionnelles entre l’Assurance maladie et les médecins libéraux vont reprendre. "Je crois à l’engagement des collègues libéraux sur le principe de droits et de devoirs."   Astreinte téléphonique psychiatrique Sur la thématique de la continuité des soins, un groupe de travail s’est intéressé à la santé des enfants parisiens. Pointant une "mauvaise visibilité pour l’accès aux soins des enfants pour les familles parisiennes", il préconise d’élargir les compétences des professionnels de santé non-médecins, comme les infirmières ou les puéricultrices, "qui pourraient avoir un rôle de prévention" et "accompagner les familles dans le parcours de soins". Cela nécessiterait de "faire évoluer les décrets de compétences et la loi". Le ministre a rappelé que des Assises de la pédiatrie permettraient de "mettre en avant ce partage de compétences", se disant satisfait de la prise de position du comité de liaison inter-ordres (Clio). Pour améliorer l’accès aux soins des personnes en situation de précarité, l’ancien patron du Samu-Urgences de France s’est dit pleinement ouvert pour "développer les prises en charge" et "la médiation". Une astreinte téléphonique psychiatrique territoriale a également été portée par les acteurs parisiens, en vue "d’apporter aux professionnels de premier recours une aide à la décision" ou encore "un appui à l’orientation", "lorsqu’un patient présente des troubles psychiques". François Braun a indiqué que certains Services d’accès aux soins (SAS) avaient déjà mis en place des filières de psychiatrie, avec "souvent des IPA de psychiatrie".   Guichet unique et foncière immobilière Sur l’attractivité territoriale, les acteurs ont proposé un accompagnement via un guichet unique "sur l’ensemble des problématiques qui peuvent se poser aux professionnels de santé" : logement, crèche, installation, etc. Cette idée "revient un peu dans tous les territoires", a commenté François Braun. "On a un système tellement complexe […] que les professionnels ne s’y retrouvent plus." "On va aller vers" ce guichet unique, a assuré le ministre de la Santé. Sans surprise, la question du coût de la vie à Paris s’est rapidement imposée, notamment du coût immobilier. Afin d’éviter la "fuite" des soignants hors de Paris, il a été suggéré de créer une foncière immobilière, "qui serait gérée non pas par l’ARS mais par la Caisse des dépôts". "L’idée est d’avoir une offre immobilière à la fois sur un versant très professionnel de locaux et sur un versant logement [personnel]." Concernant l’habitat, "il y a des choses à faire", a concédé le ministre, qui a soutenu l’idée de "contreparties" évoquées par les acteurs du territoire.   Toujours en lien avec l’attractivité, le décloisonnement de l’exercice des personnels soignants a été défendu par un autre groupe de travail, qui souhaite "favoriser l’exercice mixte" – ville-hôpital, les "postes partagés" et "l’exercice coordonné pluriprofessionnel" – qu’il faut développer également à l’hôpital. "C’est une volonté forte des jeunes professionnels – quelle que soit leur profession – de ne pas rester seuls", a répondu François Braun, promettant d’appuyer l’exercice coordonné, et les CPTS.

  Chèque sport-santé et demi-journée de prévention Enfin, la prévention a pris toute sa part dans ces travaux. "Huit maladies cardiovasculaires sur 10 pourraient être évitées par de la prévention primaire, et 4 cancers sur 10…", a souligné le ministre de la Santé, pour qui la prévention "est un enjeu majeur". Katell Bolloc’h, enseignante en APA, a proposé de créer un chèque sport-santé – sur le modèle du chèque culture, dont "le montant serait modulable selon les ressources socio-économiques". Une idée qui a convaincu François Braun. "J’achète à 100%", a-t-il lancé, précisant qu’une mission pour accélérer le déploiement du sport-santé a été confiée à un médecin généraliste, le Dr Dominique Delandre. Un autre groupe de travail a suggéré de former des experts en prévention primaire qui interviendraient dans des établissements médico-sociaux. "J’achète", a répété le ministre. Il a indiqué qu’une expérience était menée depuis un an par l’université de Brest, qui forme des citoyens pour qu’ils deviennent des "relais" sur les territoires. "Je suis ravi que l’idée émerge." Enfin, le groupe d’Anne Souyris, adjointe à la mairie de Pris en charge de la santé publique et des relations avec l’AP-HP, de la santé environnementale, de la lutte contre les pollutions et de la réduction des risques, a proposé de mettre en place "une demi-journée ou une journée de prévention tous les deux ans pour chaque personne vivant sur le territoire parisien, et à tous les âges de la vie". Une préconisation qui fait écho aux rendez-vous aux âges clés de la vie portés par le Gouvernement dans le PLFSS. Les discussions dans les territoires doivent se poursuivre pour continuer de faire émerger des solutions visant à renforcer le système de santé. Le bilan de ces travaux doit avoir lieu en janvier 2023.

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