C’est sans la ministre de la Santé que le syndicat MG France a ouvert ce vendredi matin son 9e Congrès national, à Dijon. Une absence "historique", qui s’est fait particulièrement remarquer quelques jours après le second tour des élections législatives. "Il était prévu qu’elle vienne, a déclaré le Dr Jacques Battistoni, président du syndicat. Elle ne sera pas avec nous. C’est logique : un Gouvernement en sursis ne peut pas prendre d’engagements ni répondre aux questions qu’on lui pose. Cela nous pose un problème parce qu’il y a une urgence sanitaire." "On est aujourd’hui dans une situation de crise à tous les niveaux", a en effet déploré Jacques Battistoni. Deux ans et demi après le début de l’épidémie de Covid-19 sur notre sol, il y a "urgence", et pas seulement à l’hôpital, a tenu à souligner le Dr Battistoni, qui constate une "grande confusion" entre les différentes lignes de soins, ainsi qu’une insuffisance des financements. Ces derniers sont aussi inadaptés, a-t-il ajouté : "On finance aujourd’hui l’offre de soins, on ne finance pas suffisamment les besoins de santé." En ville, par ailleurs, "on a un modèle économique inadapté qui nous fragilise". "Depuis que nous avons créé les CHU en 1958, il n’y a pas eu d’investissements pensés et organisés sur les soins primaires comme ceux pensés et organisés sur les CHU. Cela a abouti à un système de santé déséquilibré et très mal organisé, a-t-il regretté. Cela a été manifeste durant la crise sanitaire : le premier réflexe a été de dire aux patients Covid qui relèvent de toute évidence de la médecine générale d’aller à l’hôpital en cas de symptômes. Quel effort ça a été aussi de dire qu’on pouvait organiser la vaccination." Ainsi, et alors qu’une véritable "crise institutionnelle" frappe la France depuis une semaine, MG France a lancé un appel clair au Gouvernement, et réclame des décisions fortes. "A notre avis, tous les moyens sont sur la table. Mais il faut trancher, apporter à l’exercice des soins primaires les moyens que nous réclamons", a déclaré Jacques Battistoni. Crise existentielle Si l’hôpital fait face à des problèmes de recrutement, le généraliste de Ifs (Calvados) constate lui aussi une "forme de crise existentielle" chez les généralistes. En témoigne la courbe démographique de la profession, en chute libre. Ce dernier a expliqué cette crise par la perte d’attractivité du métier : "Les revenus des généralistes sont encore parmi les plus bas dans l’échelle des professions médicales […] à travail et à pénibilité équivalents", a déploré le Dr Battistoni. Un désamour qui s’explique par ailleurs par les pressions qui s’exercent sur la médecine générale, a-t-il ajouté : administratives, d’abord. "La pression des caisses, il faut le dire, porte exclusivement sur les généralistes. Qui met-on en cause parce qu’il prescrit trop d’arrêts de travail ? Ce sont toujours les médecins généralistes. A qui on reproche de facturer des actes trop chers ? Exclusivement aux généralistes." Le syndicaliste a ainsi pointé "une absence de justice inacceptable". Pour toute ces raisons, "la médecine générale dans sa forme libérale actuelle est en grand danger de disparition", a-t-il averti, listant des conséquences graves à cet état des lieux, et notamment l’accès aux soins qui "n’est plus assuré partout". "Donner un médecin pour tous est devenu un objectif alors que cela devrait être la règle de base." "L’absence de médecins est aussi devenue un indicateur du mal-être de nos territoires", a-t-il ajouté. "Le sentiment d’abandon" ressenti par bon nombre de Français "fait que l’on a des votes pour les extrêmes, notamment l’extrême droite, à un niveau jamais connu", a analysé le Dr Battistoni. Face à la pression des élus et de la population, la liberté d’installation est plus que jamais remise en cause. Mais si l’on oblige les généralistes à s’installer dans des zones sous denses, "vous allez détourner encore plus de la profession des médecins qui se destinent à la médecine générale libérale", alerte-t-il. "A cette crise, il y a des causes que nous avons identifiées : la valorisation de la technique par rapport à l’activité intellectuelle, qui fait que l’exercice de la médecine générale est moins valorisé aux yeux des étudiants. Ensuite, on privilégie le soin de la personne, individuel, plutôt que la prévention et la santé publique […] Enfin, il y a de toute évidence une méconnaissance et une absence de considération pour la médecine générale de la part de nos élites, notamment parisiennes." "Assumer leur responsabilité populationnelle" Après avoir établi ce "constat noir", le syndicaliste a souligné la force d’innovation des généralistes. Une force qui a été notamment révélée lors de l’épidémie de Covid-19 durant laquelle ces derniers ont monté des initiatives sur le terrain. "En dépit d’une absence claire de moyens, nous avons été au rendez-vous pendant la crise sanitaire. Aujourd’hui encore, face à cette crise de l’accès aux soins, les généralistes recherchent des solutions." Le leader du syndicat a listé quelques solutions, comme les assistants médicaux ou encore les infirmières Asalée et IPA. Au cours de son Congrès, qui se déroule sur deux jours, MG France entend ainsi réfléchir à comment "sortir de la crise" qui touche l’ensemble du système. Jacques Battistoni a dit vouloir mettre "au plus vite" un véritable "plan d’urgence pour l’accès aux soins", ajoutant que les généralistes devront bien sûr "assumer leur responsabilité populationnelle" au travers notamment de la permanence des soins et du service d’accès aux soins, mais sans que cela ne soit "un fardeau pour les professionnels ni un repoussoir pour les jeunes médecins". "La mutation de l’exercice est indispensable pour répondre aux besoins de santé d’aujourd’hui ", a-t-il conclu, donnant rendez-vous à la prochaine convention pour répondre aux défis du système de santé.
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