Comment la Cour des comptes veut contrôler vos prescriptions d'arrêts maladie
En 2017, les dépenses d'indemnités journalières (arrêts maladie, accident du travail, maladie professionnelle, maternité) se sont élevées à 14,5 milliards d'euros, soit une hausse de 4,3% par an, en moyenne, depuis l'année 2013. Un rythme de progression bien supérieure à ceux de l'Ondam (2,1%) et de la masse salariale (2,2%), s'alarme la Cour des comptes dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale, publié en amont de l'examen au Parlement du PLFSS 2020. Nombre de bénéficiaires, nombre moyen d'arrêt par assuré, durée moyenne (de 31,2 à 33,5 jours) : tous les indicateurs sont au rouge.
Pour les Sages de la rue Cambon, l'augmentation du taux d'emploi des seniors et le poids des pathologies mentales (23% des dépenses), liées en partie aux conditions de travail, ne sauraient être les seuls facteurs explicatifs : "pour une part", les disparités territoriales constatées "traduisent des différences de pratiques de prescription des médecins". D'où la nécessité pour la Cour de serrer davantage la bride… "tout en respectant la liberté de prescription".
Un jour de carence pour tous
Afin de réduire les arrêts courts, les magistrats plaident pour la généralisation dans le secteur privé d'un "jour de carence d'ordre public non indemnisé, ni par l'employeur, ni par les organismes de prévoyance", "comme c'est déjà le cas dans la fonction publique".
Renseigner les entreprises sur les motifs des arrêts
Sur la base de premières expérimentations menées par l'Assurance maladie, les magistrats suggèrent "d'améliorer la connaissance des entreprises sur les motifs des arrêts de leurs salariés pris ensemble (sans détail individuel)", de leur "communiquer des éléments de comparaison avec des entreprises ayant une activité et une taille similaires" et de mettre en place un "suivi des arrêts" avec les ressources humaines et la médecine du travail.
Reporter le coût sur les employeurs
S'inspirant d'une mesure drastique prise aux Pays-Bas en 2004 (obligation de prise en charge par les employeurs du revenu de remplacement de l'arrêt durant un an), les Sages suggèrent de reporter sur les employeurs 20% ... du coût d'indemnisation des arrêts de moins de 6 mois, en échange d'une baisse de cotisations. Ce qui générerait une économie annuelle de 800 millions d'euros pour l'Assurance maladie.
Contrôle des gros prescripteurs
"Le contrôle du service médical de l'assurance maladie sur les médecins fortement prescripteurs devrait être renforcé", estime la Cour, qui juge bien insuffisantes les 59,1 millions d'euros d'économies réalisées par la Cnam grâce à la campagne 2016-2017 de suivi des prescriptions d'arrêts maladie.
"Sur 700 à 1000 médecins considérés par la Cnam comme 'surprescripteurs' par rapport à leurs confrères, seules 47 mises sous objectifs et 39 mises sous accord préalable, seules mesures véritablement contraignantes, ont été prononcées en 2018", relève le rapport.
La Cour précise que l'Assurance maladie entend renforcer cette année ses contrôles sur la pertinence des prescriptions en ciblant "les arrêts de plus de 180 jours relatifs à des pathologies dont la recommandation cible est inférieure à ce seuil".
Durées indicatives pour toutes les pathologies
Les 67 fiches repères établies par l'Assurance maladie et validées par la HAS depuis 2010, qui fournissent aux médecins des durées indicatives d'arrêt de travail pour des cas types, ne couvrent que 15% des dépenses d'indemnisation, déplorent les Sages, qui recommandent de les étendre à "toutes les pathologies courantes".
De même, chaque praticien devrait pouvoir disposer de ses statistiques et se comparer à ses confrères.
Motivation obligatoire des arrêts…
La dématérialisation des prescriptions d'arrêts, prévue par la loi de santé, "devrait s'accompagner d'une motivation obligatoire par le médecin" de deux éléments : la cause médicale de l'arrêt et la justification de la durée prescrite lorsqu'elle "déroge à celle recommandée par les fiches repères". De quoi faciliter les contrôles ultérieurs des médecins-conseils.
… et sanction financière pour ceux qui dépassent sans justification
"Le dépassement sans justification suffisante de la durée d'arrêt prévue par les fiches repères devrait conduire l'Assurance maladie à réduire la Rosp versée aux sur-prescripteurs", assène la Cour des comptes.
Pour les prescripteurs "hors normes" dont les "abus manifestes" se répètent malgré toutes les mesures précédentes, les magistrats vont jusqu'à recommander le déconventionnement temporaire.
Une réduction du niveau moyen de prescription d'IJ pour maladie du 9e décile des médecins les plus prescripteurs à celui des médecins du 8e décile permettrait d'économiser 500 millions d'euros par an, calcule la Cour.
Réduire la période d'indemnisation
Soulignant que le risque de "désinsertion professionnelle" est présent "dès les premiers six mois de l'arrêt", la Cour des comptes recommande de réduire à deux ans, contre trois actuellement, la période de référence pour l'indemnisation des arrêts maladies pour les salariés non en ALD, et "d'adapter en conséquence la durée maximale d'indemnisation aujourd'hui fixée à 360 jours".
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