C à 35, conventionnement sélectif, délégations aux pharmaciens... les 27 propositions du rapport Vigier
On n'en connaissait que les grandes lignes. Le rapport complet, qu'Egora a pu consulter, risque de secouer encore davantage la communauté médicale. Pour remédier au plus vite à la pénurie de médecins, les députés de la commission d'enquête sur l'égalité de l'accès aux soins misent sur les médecins étrangers, les remplaçants et les retraités. Mais aussi sur les pharmaciens, les infirmières et les sages-femmes, à qui ils veulent confier davantage de responsabilités.
"Il est plus que temps de prendre des décisions fortes." Depuis sa constitution en mars, la commission d'enquête sur "l’égal accès aux soins des Français sur l’ensemble du territoire et sur l’efficacité des politiques publiques mises en œuvre", dont le député pro-coercition Philippe Vigier (UDI) a été élu rapporteur, a conduit 31 auditions au cours desquelles elle a entendu 121 acteurs du système de santé, des professionnels aux étudiants en passant par les patients et les élus. Elle n'a pu que constater "l'extrême gravité de la crise traversée par notre système de santé", dont le rapport énumère les symptômes : "pénurie de médecins à l’hôpital public avec des taux de vacance de postes proches de 30 % en moyenne, impossibilité de faire fonctionner les services d’urgence pendant la période estivale sauf à mobiliser la réserve sanitaire et sociale, disparités insupportables des implantations territoriales des médecins spécialistes, recours de plus en plus massif à des professionnels de santé présentant des diplômes étrangers plus ou moins comparables aux titres français"… Et d'enfoncer le clou : "le pic de la crise de la démographie médicale est attendu entre 2021 et 2025". Les trente députés de la commission (les médecins marcheurs Thomas Mesnier, Marc Delatte, Jean-Louis Touraine, la centriste Cyrille Isaac-Sibille ou encore l'aide-soignante insoumise Caroline Fiat) proposent à la ministre de la Santé 24 mesures, dont certaines à mettre en œuvre sans délai, notamment celles visant à faciliter l'exercice libéral des médecins à diplôme étranger et des retraités. Ce à quoi s'ajoutent trois propositions portées à bout de bras par le rapporteur, qui a choisi de les inclure au rapport final malgré l'absence de soutien d'une majorité des députés : revaloriser le C à 35 euros dans les zones sous-dense, supprimer les ARS et instaurer un conventionnement sélectif des médecins. Tour d'horizon. A lire jeudi sur Egora, l'interview de Philippe Vigier Proposition n° 1 : inscrire au tableau de l’Ordre des médecins tout médecin titulaire d’un diplôme étranger qui exerce en France, en révisant la procédure d’autorisation d’exercice (PAE) de façon à dispenser de la période probatoire triennale les lauréats des épreuves anonymes de vérification des connaissances théoriques et pratiques qui sont candidats à la profession de médecin, à la condition qu’ils s’engagent à exercer à titre libéral. Proposition n° 2 : exonérer de toute cotisation retraite, sans condition de plafond de revenu annuel, les médecins exerçant en situation de cumul emploi-retraite dans les zones en tension. Proposition n° 3 : créer un statut de « médecin - assistant de territoire ». Proposition n° 4 : substituer un régime déclaratif au régime d’autorisation, par les conseils départementaux de l’Ordre des médecins (CDOM), de l’exercice en qualité de médecin adjoint ou remplaçant. Proposition n° 5 : créer un statut de « médecin volant » qui permettrait à des médecins « thésés » de venir ponctuellement épauler d’autres médecins, en particulier ceux installés en zones sous-denses, en qualité de travailleurs non-salariés (TNS). Proposition n° 6 du rapporteur : revaloriser le tarif de la consultation chez l’ensemble des médecins généralistes établis en zone sous-dense pour le porter de 25 à 35 euros. Proposition n° 7 : permettre à tous les professionnels de santé d’avoir accès aux informations dont ils ont besoin au sein du dossier médical partagé, en recourant à des codes cryptés avec des modes dégradés permettant une différenciation des modalités de consultation par catégorie de professionnels. Proposition n° 8 : recenser toutes les compétences dont disposent les sages-femmes, pharmaciens et auxiliaires médicaux et qui ne peuvent pas être exercées pour des raisons juridiques ou financières, pour leur permettre de participer davantage à la chaîne des soins, et adapter leur formation en conséquence. Proposition n° 9 : permettre aux pharmaciens de vacciner, de renouveler certains traitements, de prescrire des substituts nicotiniques, de prendre certaines mesures utiles au suivi des traitements et de prendre en charge certaines pathologies bénignes. Proposition n° 10 : étendre aux infirmiers, dans certains cas et sous certaines conditions, le droit de prescription, de vaccination, d’adaptation de certains traitements. Proposition n° 11 : créer la pratique avancée pour d’autres professions que les infirmiers, notamment les kinésithérapeutes. Proposition n° 12 : prévoir le maillage de tout le territoire par des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé d’ici deux ans. Proposition n° 13 : mettre à la disposition de chaque CPTS un animateur chargé de l’ingénierie initiale du projet et du fonctionnement de la structure. Proposition n° 14 : mettre en place une plateforme unique départementale pour la régulation des soins non programmés (regroupant le 15, le 18 et le numéro de la permanence des soins), au sein de laquelle seraient intégrées des solutions de téléconsultation et de téléconseil médical personnalisé pour les situations non urgentes. Proposition n° 15 : renforcer le rôle des professionnels de santé non médicaux dans la télémédecine en développant une nomenclature dédiée, en premier lieu pour les pharmaciens et les infirmiers. Proposition n° 16 du rapporteur : supprimer les agences régionales de santé (ARS) et les remplacer par des directions départementales de la santé publique, placées sous l’autorité du préfet. Proposition n° 17 : transformer les groupements hospitaliers de territoire en "groupements de santé de territoire" regroupant l’ensemble des acteurs publics et privés du système de santé, au sein d’une organisation commune, et en définissant une stratégie de santé à partir des territoires. Proposition n° 18 : développer les consultations avancées en supprimant les obstacles juridiques et financiers relatifs à la réalisation de ces consultations avancées (simplifier l’exercice multi-sites, notamment pour les médecins exerçant au sein d’une société d'exercice libéral, supprimer les obstacles fiscaux, clarifier le cadre financier applicable aux consultations avancées entre établissements sanitaires). Proposition n° 19 : modifier le statut des praticiens hospitaliers pour permettre à l’exercice mixte entre la ville et l’hôpital de rentrer dans le droit commun, et déployer cet exercice mixte dans les deux prochaines années sur tout le territoire. Proposition n° 20 : afin de favoriser une adéquation optimale entre le nombre de postes d’interne et les besoins de santé des territoires, substituer au classement national de l’internat des épreuves classantes régionales (ECR) ouvertes aux étudiants dans la région où ils ont validé leur deuxième cycle ainsi que dans deux autres régions de leur choix. Proposition n° 21 : favoriser un déploiement maximal du dispositif du contrat d’engagement de service public (CESP), notamment en revalorisant de 25 % (de 1 200 à 1 500 euros) l’allocation mensuelle versée à ses bénéficiaires, au moins à titre temporaire, pour surmonter le grave déficit en offre médicale annoncé pour les dix prochaines années. Proposition n° 22 : réformer la première année commune des études de santé (PACES) en s’inspirant de l’un des dispositifs alternatifs en cours d’expérimentation ("Alter-PACES", "PluriPASS") et en faisant en sorte que la sélection soit moins "mathématisée" et davantage "médicalisée". Proposition n° 23 : substituer au numerus clausus un "numerus apertus Régionalisé", c’est-à-dire un nombre minimal de places en études médicales qui serait défini à l’échelle nationale et qui pourrait être augmenté par région, en fonction des besoins et des possibilités territoriales de formation, à la libre appréciation de la subdivision universitaire. Proposition n° 24 : développer massivement les stages en dehors des centres hospitaliers universitaires (CHU) :
– non seulement au stade du troisième cycle, où ces stages devraient représenter au moins les deux tiers des quelque 36 mois de stages que comporte l’internat de médecine générale (soit 24 mois de stages) et au moins la moitié des quelque 48 à 72 mois de stages que compte l’internat dans les autres spécialités médicales (soit 24 à 36 mois de stages) ;
– mais aussi dès le deuxième, voire le premier cycle des études de médecine ;
– non seulement dans des structures publiques autres que les CHU (centres hospitaliers locaux, centres de santé, etc.), mais aussi dans des structures hospitalières privées, à but lucratif ou non, et en dehors du cadre hospitalier, dans des cabinets libéraux où les médecins (généralistes ou spécialistes) exercent individuellement, en groupe ou en réseau : maisons de santé pluriprofessionnelles, communautés professionnelles territoriales de santé, etc.). Proposition n° 25 : intégrer pleinement les praticiens libéraux spécialistes (autres que de médecine générale) aux corps des enseignants des facultés de médecine, en créant un statut de professeur des universités-praticien libéral ("PU-PL") et de maître de conférences des universités-praticien libéral ("MCU-PL"), sur le modèle de ce que la loi n° 2008-112 du 8 février 2008 a prévu pour la filière de médecine générale. Proposition n° 26 : généraliser les externats et internats ruraux. Proposition n° 27 du rapporteur : étendre aux médecins les dispositifs de conventionnement sélectif déjà appliqués depuis longtemps à d’autres professionnels de santé.
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