Grossesse : la prise en charge de l’hyperémèse gravidique maintenant codifiée

03/03/2023 Par Brigitte Blond
Gynécologie-Obstétrique
Le sujet des vomissements gravidiques incoercibles a récemment fait l’objet de recommandations pour la pratique clinique du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). 

 

"La prise en charge de l’hyperémèse gravidique, première cause d’hospitalisation au 1er trimestre de grossesse, fait l’objet d’a priori sur les profils psychologiques des patientes, a affirmé le Pr Cyril Huissoud, service de gynécologie-obstétrique de l’Hôpital Femme-Mère-Enfant (Hospices civils de Lyon), lors d’une conférence de presse du CNGOF en amont de son congrès Pari(s) Santé Femmes (Lille, 25-27 janvier 2023). Et sa codification devrait y mettre fin."

Faute d’études suffisantes, celle-ci repose sur un consensus d’experts. 

Les nausées et vomissements de la grossesse, l’un de ses symptômes les plus fréquents, affectent au moins une femme enceinte sur deux et s’atténuent ou disparaissent à la fin du 1er trimestre. "Pour environ 2% d’entre elles, les écœurements sont permanents, les vomissements incoercibles, à l’instar d’une chimiothérapie, indique-t-il, et la qualité de vie manifestement altérée, avec un retentissement psychique sans doute à l’origine de l’évocation de profils particuliers…" La récidive lors d’une grossesse ultérieure est possible (le risque est d’environ 50%). 

 

Primum movens inconnu  

Les bouleversements hormonaux, les mieux étudiés, ne suffisent pas à eux seuls à expliquer la symptomatologie : si l’hormone chorionique gonadotrope (hCG) joue certainement sa partition, les hormones thyroïdiennes aussi en début de grossesse, peut-être des hormones impliquées dans la régulation de la satiété, la perception du goût, les hormones stéroïdiennes (le cortisol) et bien sûr les estrogènes et la progestérone au début de la grossesse. Pourraient intervenir également des facteurs de prédisposition génétique, le sexe du fœtus (féminin ?), le faible indice de masse corporelle, le portage d’Helicobacter pylori… "Il n’y a en tout cas aucune preuve d’étiologie psychosomatique ou en faveur d’une association entre l’hyperémèse gravidique et des traits de personnalité caractéristiques", souligne-t-il. 

Les conséquences, au-delà du renoncement à une grossesse ultérieure, sont celles d’une dénutrition, avec un retentissement sur la croissance du fœtus pour les formes les plus sévères : l’hyperémèse serait ainsi associée à un risque de petit poids fœtal ou à la naissance, et de surrisque de naissance prématurée. Les patientes fortement dénutries, et réhydratées sans ajout de vitamine B1, courent un risque d’encéphalopathie de Gayet-Wernicke. Plus rarement, en cas de déficit de vitamine K (par malabsorption), peut survenir une dysostose de l’étage moyen de la face du fœtus (syndrome de Binder), prévenue par une supplémentation en vitamine K. 
 

Nausées "légères" ou hyperémèse ? 

L’objectif des recommandations du CNGOF est de mieux évaluer le retentissement de la maladie sur 3 critères cliniques : la perte de poids (rapportée au poids avant la grossesse), des signes cliniques de déshydratation (soif, oligurie, etc.) et le score PUQE (Pregnancy Unique Quantification of Emesis and nausea) en 3 questions. Le CNGOF propose ainsi une définition claire de la sévérité de l’hyperémèse, inédite. Nausées et vomissements sont considérés comme légers lorsque la perte de poids est de moins de 5%, les signes de déshydratation absents et le PUQE<=6. A l’inverse, un seul de ces signes (perte de poids de plus de 5%, un signe de déshydratation ou un score PUQE de plus de 7) suffit à porter le diagnostic d’hyperémèse. 

 

Prise en charge formalisée 

Un dosage de la kaliémie, de la natrémie, de la créatininémie et une bandelette urinaire doivent être alors réalisés en première ligne, puis, en cas de persistance de symptômes en dépit du traitement, des explorations biologiques plus poussées. L’hospitalisation n’est pas systématique, et est fonction de la clinique et des dosages biologiques. 

Quant au traitement, et au mode alimentaire, la patiente est invitée à faire ce qui lui convient le mieux…, en l’absence de données sur l’efficacité d’un régime en particulier. Il semble que l’arrêt des compléments vitaminiques de grossesse incluant du fer améliore le score PUQE. La prise de gingembre, de vitamine B6 et l’acupuncture seraient utiles pour un score PUQE à moins de 6. L’aromathérapie pourrait présenter un risque. "Enfin, l’association doxylamine-pyridoxine est le traitement pharmacologique semblant montrer le moins d’effets secondaires pour une efficacité certaine mais limitée versus le placebo sur l’hyperémèse", rapporte le Pr Huissoud. Un soutien psychologique est conseillé, l’isolement déconseillé et la prise en charge au retour à domicile, systématique, coordonnée par le médecin traitant. 

*A la demande d’associations de patientes, "de lutte contre l’hyperémèse gravidique", et "9 mois avec ma bassine".

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Michel Lemariey-Barraud

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