Le syndrome de surcroissance : un premier traitement autorisé par la FDA
Egora - Le Panorama du médecin : Quels sont les présentations cliniques et les symptômes du syndrome de surcroissance ?
Pr Guillaume Canaud* : Le syndrome de surcroissance est lié à la mutation du gène PIK3CA intervenant au cours du développement embryonnaire. C’est une mutation somatique non transmissible. En fonction du moment où elle survient (lors de la formation des doigts et des orteils, du cerveau, du visage,…) différents tissus vont être touchés (vaisseaux, os, graisse, muscle…) et la présentation clinique à la naissance va être variable (macrodactylie, hémi-mégencéphalie, malformation du visage…). Si elle survient très tôt au cours de l’embryogenèse, les déformations sont multiples et variées. C'est le syndrome de Cloves. La majorité des patients présentent des déformations visibles dès la naissance mais d’autres sont plus subtiles. Elles engendrent un retentissement fonctionnel. Les malformations veineuses variqueuses peuvent conduire à des risques de thrombose, d’embolie pulmonaire et parfois des saignements digestifs chroniques. Lorsque les vaisseaux lymphatiques sont impactés, des poussées inflammatoires apparaissent. Une hémi-mégencéphalie peut être peu symptomatique, générer des épilepsies ou s’accompagner d’importants retards d'acquisition avec des syndromes autistiques. Des douleurs et de la fatigue apparaissent presque systématiquement dans tous les cas et vont s'accentuer avec l’âge. Quelle en est la prévalence en France et dans le monde ?
Nous n’en avons pas une idée précise car ces syndromes ne sont pas enseignés pendant les études de médecine et donc les médecins ne sont pas formés à prendre en charge ces anomalies génétiques. Pourtant, ces pathologies sont présentes, dans 99 % des cas, dès la naissance. Les néonatalogistes pourraient être alertés lorsqu’un enfant naît avec une malformation et une étude recherchant une anomalie du gène PIK3CA pourrait être réalisée. Nous estimons toutefois la prévalence de ces syndromes à 1/20 000 dans tous les pays du monde. Ces pathologies n’ont pas de lien avec l’ethnie, ni avec la richesse du pays, ni avec le mode de vie, ni avec l’exposition à un toxique particulier. Actuellement, c‘est un sujet de recherche. Existe-t-il une errance diagnostique ?
Elle est majeure. Les médecins se retrouvent souvent désemparés devant ces anomalies morphologiques et ne savent pas quelle solution thérapeutique proposer hormis des traitements symptomatiques. Les patients peuvent errer de nombreuses années avant de consulter un spécialiste connaissant ces syndromes. Notre objectif est que cette maladie soit mieux connue des médecins et que les patients puissent être adressés dans un CHU référent. Quels sont les résultats de l'étude EPIK-P1 ?
L’alpelisib est un inhibiteur pharmacologique du gène PIK3CA responsable de mutations dites « gains de fonctions ». Ces dernières sont également retrouvées dans 1/3 des cancers du sein, 1/4 des cancers du côlon. L’alpelisib est approuvé aux Etats-Unis... et en Europe pour le cancer du sein (mais pas en France pour une question de rapport efficacité / coût). Nous avons repositionné cette molécule, il y a plusieurs années, pour les patients présentant une forme sévère du syndrome de surcroissance. Nous avons montré son efficacité dans une étude préclinique puis dans l’essai clinique EPIK-P1 chez 57 patients, adultes et enfants âgés de plus de deux ans, lors d'un protocole d’accès compassionnel. Tous les patients, à des degrés divers, ont répondu au traitement. Certains ont été des répondeurs exceptionnels. C’est le cas d’une petite fille paraplégique qui a recouvré la marche ou encore d’un tout premier patient dont le pronostic vital était engagé à très court terme et qui est toujours en vie sept ans après, avec une amélioration spectaculaire de son état général. Chez d'utres patients multi-opérés (de 30 à 100 fois pour certains) l'impact du traitement est visible en termes de symptômes (moins de douleurs, moins de fatigue, moins de suintements, moins de saignements…). Suite à nos travaux, la FDA a donné son autorisation en avril dernier et ce médicament est commercialisé aux Etats-Unis pour les syndromes de surcroissance liés à une mutation du gène PIK3CA. Des discussions sont actuellement en cours entre Novartis, propriétaire de la molécule, et d’autres agences du médicament. Nous espérons qu’il sera accepté en Europe et en France. Existe-t-il des effets secondaires ?
L’alpelisib est un traitement oral au long cours à prendre en une prise quotidienne. Effectivement, il existe des effets secondaires qui sont similaires à ceux observés dans le traitement du cancer du sein (risque d’hyperglycémie, aphtes, sècheresse cutanée, alopécie partielle, diarrhées, rash cutané…). Cependant, nous donnons des doses relativement faibles pour bloquer la prolifération cellulaire et induire des régressions à la différence des doses prescrites dans le cancer du sein. A ces doses-là, le traitement est relativement bien toléré avec peu d'effets secondaires que ce soit chez les adultes ou les enfants. En revanche, ce traitement est possiblement à prendreà vie et nous n’avons pas le recul suffisant (le premier patient est traité depuis 7 ans) pour pouvoir informer les patients sur les risques à très long terme. Pour le moment, nous n’avons pas d’alerte sur la puberté et la croissance des enfants. En France, ce traitement bénéficie d'une ATU nominative à titre compassionnel. Quelles sont les prochaines étapes ?
À Necker, nous avons un peu plus de 200 patients avec des formes graves traités dans ce protocole. D'autres centres sont également impliqués (Lille, Lyon, Bordeaux, Montpellier). En Europe, EPIK-P2 a débuté en août 2021. C’est un essai clinique international randomisé en double aveugle (placebo /alpelisib) qui rassemblera un peu plus de 170 patients représentatifs. Les premières analyses seront attendues dans un an environ. *Le Pr Canaud déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour Novartis, BridgeBio, Ipsen, Alkermes, Vaderis.
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