Hyperphagie : les espoirs du setmélanotide dans l’obésité génétique rare

07/04/2022 Par Marie Ruelleux-Dagorne
Nutrition

Alors que l’obésité progresse à un rythme relativement significatif qui inquiète les spécialistes, la pharmacopée contre cette pathologie connaît un nouveau souffle. Et notamment avec l’arrivée du setmélanotide, premier médicament pour le traitement des formes génétiques graves et précoces, qui pourrait bien changer la donne. Les explications de la Pr Karine Clément, médecin chercheur à l’Inserm et endocrinologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université à Paris.   Egora : De manière générale, l’obésité est en constante augmentation aujourd’hui en France. Quelle est la prévalence de cette pathologie ?

Pr Karine Clément : L’obésité commune ne cesse effectivement de prendre de l’ampleur en France depuis les années 90 et représente aujourd’hui 17% de la population avec un gradient Nord-Sud. Dans certaines régions du Nord, cette pathologie peut atteindre plus de 20% de la population tandis que le taux est un peu plus faible dans le Sud.   Qu’en est-il des obésités d’origine génétique ? L’obésité génétique ne concerne que de rares cas mais en prenant tous les variants génétiques confondus, on estime la prévalence de cette pathologie à environ 5 à 10% des cas d’obésité sévère et précoce.   Le setmélanotide a obtenu mi-janvier un accès précoce par la Haute Autorité de santé pour le traitement des obésités génétiques. Un mot sur la découverte de cette molécule ? À la fin des années 1990, notre équipe a identifié des patients souffrant d'obésité génétique par dysfonctionnement de la voie leptine/mélanocortine dans l'hypothalamus, une voie clé pour le contrôle de la prise alimentaire et de la dépense énergétique. Chez les individus concernés, ces anomalies génétiques provoquent une hyperphagie sévère conduisant à une obésité grave et précoce, pouvant s’installer dès les premières semaines de la vie. Face à ces patients, des molécules potentiellement à même de restaurer l’activité de la signalisation de la leptine/mélanocortine ont alors été développées, l’une d’entre elles se dégageant particulièrement : le setmélanotide. Aujourd’hui, les essais démontrent l’intérêt du setmélanotide dans le contrôle de l’hyperphagie et la perte de poids ainsi que sur l’amélioration de la qualité de vie chez les patients adultes. D’autres essais cliniques chez les enfants sont en cours actuellement. Le maillage national organisé par le réseau FORCE, réseau national de recherche clinique labélisé F-CRIN, spécialisé dans l’étude des obésités et des maladies métaboliques associées, permet d’organiser la détection des patients en lien avec les centres de maladies rares et les centres de soin « obésité ». Quelles sont les voies d’action du setmélanotide ? Cette molécule est un agoniste du récepteur au mélanocortine de type 4 – hormone jouant un rôle clé dans la régulation du poids corporel -  qui permet de contrôler l’hyperphagie sévère et le poids des patients porteurs de variants génétiques rares sur la voie leptine/mélanocortine dans l’hypothalamus. L’AMM obtenue pour cette molécule est une véritable victoire pour les experts de l’obésité et les patients. En agissant directement sur le récepteur hormonal clé de la régulation du poids, la molécule permet de contrôler à la fois l’hyperphagie, la perte de poids et la qualité de vie des patients. Ce médicament est aujourd’hui délivré sous forme d'une injection par jour à l'hôpital par des médecins spécialistes de l'obésité sévère dans un cadre médical surveillé. L’idée d’un passage à une injection hebdomadaire est en cours de développement actuellement. L’effet est surprenant. Le setmélanotide permet de rétablir la satiété, une impression que ces patients n’ont jamais connue puisqu’ils souffrent d’une sensation de faim biologique irrépressible depuis leur naissance.   Des effets indésirables ont -ils été signalés ? Certains troubles digestifs en début de traitement et une hyper­pigmentation ont été rapportés le plus souvent. Un effet qui peut s’expliquer par la fixation de cette molécule à un récepteur proche du MC4R (le MC1R) situé dans les mélanocytes. Une surveillance dermatologique doit donc être assurée. On attend des molécules d’une nouvelle génération qui seraient plus spécifiques du récepteur MC4R. Il faut rester aussi vigilant sur les effets psychiques comme pour tous les médicaments à effet sur le système nerveux central, ainsi que sur les effets indésirables à long terme car c’est un médicament nouveau.

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