Cancer papillaire de la thyroïde après Tchernobyl : l’effet génomique de l’irradiation

25/05/2021 Par Pr Philippe Chanson
Endocrinologie-Métabolisme
En 1986, l’accident nucléaire de Tchernobyl (Ukraine) a exposé des millions d’habitants environnants à une contamination radioactive, ce qui a entraîné une augmentation de l’incidence du cancer papillaire de la thyroïde chez les enfants exposés à l’iode radioactif (131I). Jusqu’à présent, on ne dispose pas de biomarqueur fiable permettant de définir les cancers induits par cette irradiation ni de caractérisation à large échelle sur le plan génomique des tumeurs humaines après exposition à l’irradiation.  

Ceci a amené une équipe américaine et ukrainienne à analyser les caractéristiques génomiques, transcriptomiques et épigénétiques de 440 cancers de la thyroïde diagnostiqués chez 359 individus ayant eu une exposition à 131I dans l’enfance suite à l’accident de Tchernobyl et qui ont été comparés à 81 enfants non exposés et nés après 1986. La dose de radiation estimée moyenne chez les sujets exposés était de 250 mGy. En modèle multivarié, ajusté pour l’âge au moment du cancer papillaire de la thyroïde, et le sexe, on observe une augmentation dose-dépendante des petites délétions et des variants structuraux simples/équilibrés mais il n’y a pas d’association avec des variants ou des insertions d’un nucléotide. Il y a, d’autre part, des associations liées à l’irradiation avec des petites délétions ou des variations simples ou équilibrées traduisant des réparations non homologues clonales. Des drivers ont été identifiés pour 433 tumeurs (98.4 %) dont 401 avaient un seul driver candidat, ce qui illustre la nature très parcimonieuse de la carcinogenèse des cancers papillaires de la thyroïde. Plus de la moitié de ces drivers étaient des mutations survenant fréquemment dans BRAF. Les drivers restants étaient généralement des fusions impliquant fréquemment RET ou d’autres gènes des récepteurs à tyrosine kinase. En tout, 401 cancers papillaires de la thyroïde présentaient des drivers de la voie MAP kinase. Des effets des radiations sur les altérations génomiques étaient plus prononcés chez les sujets plus jeunes au moment de l’exposition. Il y avait une réponse dose linéaire pour la plupart des caractéristiques moléculaires associées aux irradiations. Les sujets ayant un cancer papillaire de la thyroïde et qui n’avaient pas été exposés à l’131I ou qui avaient des doses inférieures avaient un risque génétique supérieur. Les caractéristiques transcriptomiques épigénétiques étaient très associées au gène driver du cancer papillaire de la thyroïde mais non à la dose d’irradiation.  

En conclusion, ces résultats indiquent bien que ce sont les cassures de l’ADN double brin qui sont les événements carcinogéniques précoces et que l’exposition à l’irradiation environnementale va ensuite favoriser la croissance du cancer papillaire de la thyroïde.  

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Michel Lemariey-Barraud

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