Certificats et divorce : les pièges à éviter

16/11/2020

Les procédures de divorce ou de séparation représentent un risque important pour un médecin: celui de se voir reprocher, dans la délivrance d’un certificat, une violation du secret professionnel ou une immixtion abusive dans un conflit familial.   « En matière de divorce, le meilleur certificat est celui que l’on n’écrit pas » écrivent les Drs Ariel Toledano et Dr Philippe Garat (1). Une catégorie de certificats qui représente, selon ces auteurs, 75% des certificats mis en cause devant les chambres disciplinaires de première instance. Quel médecin, notamment généraliste, n’a  pas été sollicité par l’un de ses patients, en instance de divorce, pour témoigner contre son ex-conjoint, sous la forme d’un certificat, pour se voir attribuer la garde de ses enfants ? Autres exemples, tirés de la jurisprudence ordinale : « le mari de l’une de mes clientes, que je connais bien pour le soigner également, me demande un certificat médical attestant que sa femme est atteinte de crises nerveuses importantes. Puis-je le lui établir ? ». « Une de mes patientes m’appelle pour me faire constater des traces de coups qu’elle a reçus. Elle prétend que c’est son mari qui l’a frappée. Me réclamant un certificat, puis-je le lui délivrer ? ». « Médecin traitant d’une famille, ayant soigné surtout la femme, celle-ci me réclame un certificat attestant que son mari est non seulement alcoolique mais également paranoïaque. Puis-je rédiger un tel certificat ? ». On pourrait multiplier les exemples de situations souvent délicates où le médecin peut être amené, souvent inconsciemment et de bonne foi, à s’immiscer dans des conflits familiaux, et à rédiger des certificats maladroits et complaisants,  parfois à la demande de tiers comme des avocats, pour conforter le dossier de leurs clients.

  Condamnations fréquentes Si ces certificats malencontreux font souvent l’objet de plaintes ordinales et parfois même pénales, les condamnations disciplinaires ne se limitent pas toujours à un blâme ou un avertissement. Dans certaines circonstances, l’Ordre peut condamner plus sévèrement, notamment à une suspension d’exercice. Un exemple de condamnation de l’Ordre national  à un mois de suspension envers un médecin généraliste pour avoir délivré un certificat à une mère au sujet de la garde de ses enfants, en ces termes : « L’attitude du père s’apparente à un chantage sentimental dans lequel des enfants ne retirent que des avantages fictifs liés à la laxité de l’enseignement paternel ». Et ce médecin de conclure son certificat par ce conseil...

 « Il semble nécessaire de mettre fin immédiatement à cet état de choses en faisant en sorte que les enfants soient confiés à leur père un week-end sur deux seulement ». Ce qui était reproché à ce praticien, c’est de n’avoir jamais rencontré le père de ces enfants alors qu’il savait que son certificat serait produit en justice par l’épouse dans l’instance  judiciaire l’opposant à son mari au sujet de la garde de leurs enfants.   Ferme abstention Pour ne pas se laisser piéger, un médecin ne doit jamais délivrer un certificat à un tiers (conjoint, avocat…) mais le remettre exclusivement et directement à l’intéressé. Ce certificat ne doit comporter que des constatations médicales le concernant. Un médecin sollicité par une personne mariée ou en couple pour obtenir un certificat concernant son conjoint doit refuser de répondre. Un médecin ne doit faire état que de constatations en rapport avec la santé de celui des conjoints auquel il le remet, sans porter le moindre jugement sur l’autre époux et sans se substituer au juge sur l’appréciation, par exemple, du droit de garde des enfants.

Si la délivrance d’un certificat descriptif de lésions présentées par un patient ou une patiente est possible, un médecin ne peut affirmer que ces lésions proviennent de telle ou telle personne, dès lors qu’il n’a pas constaté lui-même l’origine de ces lésions, que cette personne avait été battue par son conjoint. N’écrire que ce que vous avez personnellement constaté, respecter le secret médical et le Code de déontologie et ne jamais mettre en cause une tierce personne.   (1) Dr Ariel Toledano, Dr Philippe Garat : Le guide des certificats et autres écrits médicaux. Med-Line Editions, 2019    

Par Nicolas Loubry, juriste. 
 
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