Egora : Comment expliquer l’augmentation de l’exposition au bruit en milieu professionnel ? Dr Cédric Aubert : Le bruit est le seul risque physique qui ne diminue pas, selon l’enquête Sumer 2017. Il existe différents niveaux d’exposition selon l’intensité sonore et le temps d’exposition. Les entreprises doivent déclencher de premières actions de prévention à partir d’un bruit de fond de 80 dB(A) sur 8 heures ou d’un bruit de crête ou impulsionnel de 135 dB(C). Au-delà de 85 dB(A) et 137 dB(C), le port de protections individuelles est obligatoire. Les valeurs limites d’exposition (VLE) de 87 dB(A) et 140 dB(C) ne doivent surtout pas être dépassées. Ces seuils règlementaires n’ont pas été mis à jour depuis 2006. Le nombre de surdités professionnelles reconnues en France est d’environ 500 par an. C’est très en-dessous de la réalité : en Amérique du Nord, c’est la maladie professionnelle la plus reconnue. Les moyens de prévention se sont considérablement développés ces dernières années, permettant de protéger les jeunes dès l’entrée dans la vie active, mais les personnes en poste depuis longtemps peuvent avoir été exposées à des bruits traumatiques. Y a-t-il des activités et des personnes plus à risque ? Les trois secteurs les plus exposés en intensité et en nombre de postes concernés sont le BTP, l’industrie et l’agriculture. De nombreuses personnes sont exposées à des niveaux inférieurs aux seuils règlementaires : secteur tertiaire, travail en open space, secteur de la vente, centres d’appels téléphoniques, radio, télévision, monde de la musique… Les personnes les plus à risque de développer une surdité liée au bruit sont les femmes enceintes, les patients ayant une pathologie ORL aiguë ou chronique et ceux traités par un médicament ototoxique (aminosides, sels de platine…). Il existe d’autres produits ototoxiques : quels sont-ils ? comment peuvent-ils agir sur l’ouïe ? En milieu professionnel, il s’agit surtout de solvants aromatiques (xylène, toluène, dérivés du benzène) et de certains métaux (plomb…). Ces produits peuvent être présents dans l’industrie automobile, le secteur de la chimie ou de la recherche scientifique. L’exposition peut se faire par voie respiratoire ou cutanée. Le mécanisme d’action est double : toxicité directe au niveau du système nerveux central et atteinte des cellules ciliées de l’oreille interne à l’origine d’une potentialisation de l’effet du bruit sur la cochlée. Quels peuvent être les impacts physiologiques et psychologiques des nuisances sonores ? Les premiers signes de l’atteinte auditive sont souvent peu marqués : la personne fait répéter certains mots, a des acouphènes parfois résolutifs ou une sensation de plénitude de l’oreille. Ces symptômes s’aggravent si l’exposition persiste. L’hypoacousie secondaire à une exposition chronique au bruit est définitive. En revanche, la surdité aiguë traumatique, par exemple après une explosion, associée ou non à une lésion du tympan, peut être récupérée avec une corticothérapie per os à forte dose. Les effets extra-auditifs peuvent être neuropsychologiques : asthénie, fatigabilité, céphalées, troubles de l’attention entraînant une augmentation du risque d’accident, troubles du sommeil. Il existe aussi des effets cardiovasculaires et cérébro-vasculaires. De nombreuses études épidémiologiques internationales ont mis en évidence une surreprésentation de l’infarctus du myocarde et de l’AVC chez les travailleurs exposés à des niveaux de bruit importants en particulier au-delà de dix ans. Quelles sont les obligations qui incombent aux entreprises pour protéger leurs salariés ? La prévention doit avant tout être collective, avec un travail sur la réduction du bruit à la source, l’acoustique des locaux et la sensibilisation des travailleurs. La mise à disposition de protections individuelles adaptées est nécessaire mais intervient en dernier recours. Quel peut être le rôle du médecin généraliste dans ce domaine ? Il est primordial d’interroger le patient sur son métier et son environnement de travail. En cas d’exposition au bruit rapportée ou suspectée, l’interrogatoire doit rechercher une symptomatologie d’hypoacousie et des acouphènes. L’examen otoscopique et les tests acoumétriques de Rinne et Weber au diapason permettent d’orienter la prise en charge. Si une surdité est dépistée, le patient doit être adressé à un spécialiste ORL. *Le Dr Aubert déclare avoir des liens durables ou permanents (contrat de travail, rémunération régulière…) avec l’entreprise Becton Dickinson (BD) France. Les autres articles de ce dossier : - Cancers : une origine professionnelle largement méconnue
- Troubles musculo-squelettiques : une prévention précoce est nécessaire
- Risques psycho-sociaux : identifier les signaux d'alerte
- Changement climatique, un impact global direct et indirect sur la santé au travail
La sélection de la rédaction
Les complémentaires santé doivent-elles arrêter de rembourser l'ostéopathie ?
Stéphanie Beaujouan
Non
Je vois beaucoup d'agressivité et de contre vérités dans les réponses pour une pratique qui existe depuis 1,5 siècle . La formatio... Lire plus