Epidémie de Covid oblige, la session scientifique 2020 du congrès de l’American society of clinical oncology (Asco), grand messe de l’oncologie mondiale, s’est tenue virtuellement cette année du 29 au 31 mai. Et malgré les difficultés d’organisation, ce sont tout de même près de 5 000 communications, dont quelque 450 françaises, ainsi que les résultats de plus de 2 200 études qui ont été présentées. Cancer de vessie : une immunothérapie en traitement d’entretien en 1ère ligne Alors quelles sont les nouveautés qui en ressortent ? L’un des points forts a été la présentation, en session plénière, de données positives concernant l’utilisation de l'avélumab (Bavencio, Merck Serono), un anticorps anti-PD-L1 (inhibiteur de check-point), en traitement d’entretien dans la prise en charge de première ligne du cancer de la vessie. Ce cancer est le 7ème cancer le plus fréquent en France, et le 2ème cancer urinaire après celui de la prostate. Dans cette étude nommée Javelin bladder 100 (financé par Pfizer, abstract LBA1), près de 700 patients présentant un carcinome urothélial (qui représentent 90% des cancers de la vessie) ont été inclus.
Ils présentaient une tumeur non résécable localement avancée ou métastatique sans progression de la maladie après 4-6 cycles de chimiothérapie. Le bénéfice a été majeur avec un risque de décès diminué de 31% par l'avélumab (HR de 0, 69) et une médiane de survie globale de 21,4 mois avec l’immunothérapie contre 14,3 mois avec le traitement standard. Il s’agit de la première étude de phase III démontrant...
un avantage en survie globale en 1ère ligne de traitement de ces carcinomes urothéliaux depuis longtemps. Selon les experts, ces données pourraient donc rapidement amener à un changement de pratiques dans ce cancer. Tumeurs trophoblastiques ; première preuve d’efficacité de l’immunothérapie L’avélumab a par ailleurs montré son efficacité dans un tout autre domaine. Les données prometteuses d’une étude française menée par une équipe des Hospices Civils de Lyon, ont ainsi été présentées pour la prise en charge des tumeurs trophoblastiques gestationnelles. Il s’agit de maladies rares de la femme jeune, qui se développent dans l’utérus et prennent naissance dans les cellules du placenta, durant la grossesse. Il en existe des formes bénignes appelées « grossesse môlaire », et des formes malignes, les tumeurs trophoblastiques gestationnelles (environ 1 pour 10 000 grossesses), faisant suite à une grossesse molaire ou à un accouchement. Elles se traduisent par la persistance de taux élevés d’hCG, malgré le curetage de l’utérus.
Si seulement 200 patientes sont concernées chaque année en France, ces cancers trophoblastiques ont un fort potentiel métastatique et nécessitent donc un traitement précoce et adapté. Jusqu’à présent, le traitement reposait sur la chimiothérapie, en monothérapie en cas de bas risque, ou en polychimiothérapie en cas de résistance. Or, «parmi les protocoles utilisés pour traiter les tumeurs solides, le protocole EMA-CO utilisé dans cette situation depuis des dizaines d’années fait partie des traitements les plus toxiques que nous ayons à administrer, explique le Pr Benoît You (Hospices civils de Lyon). Il est indispensable que le développement des nouvelles thérapeutiques ciblées puisse profiter également aux patientes atteintes de tumeurs trophoblastiques, afin de rechercher des alternatives à la chimiothérapie ». C’est dans ce contexte qu’a été mis en place l’essai Trophimmun (abstract LBA6008), conduit, chez 15 patientes atteintes de tumeurs...
trophoblastiques en résistance à la monochimiothérapie, visant à tester l’efficacité de l’avélumab. Les résultats sont porteurs d’espoir. L’immunothérapie a, en effet, permis d’améliorer le taux de guérison de plus de 50%. 8 patientes ont été considérées comme « vraisemblablement guéries », avec des taux de hCG normalisés, alors même que le traitement était arrêté. « Nous avons un recul de 29 mois aujourd’hui, complète le Pr You, mais dans ce types de cancers, nous savons que les rechutes sont le plus souvent observées dans les 12 premiers mois ». Le profil de tolérance a été « excellent, avec très peu d’effets indésirables », reconnait-il. En outre, une patiente guérie a pu tomber enceinte, à l’issue des traitements, et donner naissance un bébé en bonne santé. Cancer du poumon non à petites cellules de stade précoce: efficacité de l’osertinib Les résultats de l’étude de phase III Adaura (Abstract LBA5) montrent que l’osimertinib (Tagrisso, AstraZeneca), un anti EGFR de 3eme génération est efficace en traitement adjuvant des patients atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules EGFR muté, de stade précoce (non métastatique) après chirurgie complète (IB, II et IIIa). Il permet une amélioration statistiquement significative et cliniquement pertinente de la survie sans maladie (SSM), et une diminution majeure du risque de rechute à 3 ans. Dans cette étude, près de 700 patients ont été randomisés, entre Tagrisso et placebo. Les résultats montrent un bénéfice majeur de l’osertinib puisqu’il entraine une réduction du risque de récidive de la maladie ou de décès de 83 % (HR de 0,17) chez les patients au stade II à IIIA. Et pour l’ensemble des patients de l’étude (stades IB à IIIA), cette réduction est de 79%.
En outre, à 2 ans, 89% des patients de l’étude traités par Tagrisso étaient en vie et sans maladie contre 53% des patients sous placebo. Les résultats apparaissaient similaires quelques soient les sous-groupes (patients traités par chirurgie suivie d’une chimiothérapie; patients traités par chirurgie seule ; patients asiatiques comme non-asiatiques). Ces données pourraient aussi changer...
les pratiques dans un avenir proches car ce type de cancer entrainaient jusqu’à présent des taux de récidive élevés, y compris après le succès de la chirurgie. Capri : efficacité d’un dispositif de télésuivi des patients atteints d’un cancer métastatique L’étude Capri, présentée dans les « Highlights of the day » de l’Asco, apporte pour la première fois la preuve scientifique qu’un dispositif alliant technologie numérique et nouvelle organisation humaine, améliore significativement le suivi clinique de patients traités par thérapies anticancéreuses orales. L’impact est apparu majeur sur les toxicités liées au traitement, ainsi que sur le risque d’hospitalisation. Le télésuivi Capri (acronyme de CAncérologie, Parcours, Région, Ile de France) a été développé à l’Institut Gustave Roussy depuis 2015 avec le soutien de la Fondation Philanthropia, mécène majeur de l’institution. Il s’appuie sur plusieurs piliers : humain (2 infirmières de coordination formées) ; et une interface numérique (plateforme internet et application mobile). Dans le cadre de l’étude, un suivi hebdomadaire pendant un mois et demi était assuré, espacé ensuite peu à peu.
609 patients, atteints de tout type de cancers métastatiques, ont ainsi été recrutés entre 2016 et 2019. Tous étaient traités par un anticancéreux oral, thérapie ciblée ou chimiothérapie, à l’exclusion de l’hormonothérapie seule ; 47 % d’entre eux avaient précédemment déjà reçu deux ou trois lignes de traitement préalables ; 41 % étaient âgés de plus de 65 ans (et même 14 % de plus de 75 ans). Les patients ont été répartis en deux groupes, la moitié bénéficiant, en plus du suivi standard par leur oncologue-référent, du télésuivi Capri. Le critère principal de l’étude portait...
sur l’évaluation de la dose intensité relative (RDI) à six mois. Ce paramètre est important en oncologie. « On estime que pour les anticancéreux oraux, cette dose intensité relative ne dépasse pas les 85 % » explique le Dr Mir, oncologue médical à l’Institut Gustave Roussy et investigateur principal de l’étude. Cela signifie que 15 % des patients sous thérapie orale suspendent momentanément leur traitement anticancéreux ou doivent réduire les doses qui seraient nécessaires pour soigner leur cancer. Les résultats de l’étude ont montré qu’au terme d’un semestre, la RDI était significativement plus élevée dans le bras Capri (93,4 %) que dans le groupe « suivi standard » (89,4 %). Le télésuivi permettait aussi d’améliorer l’expérience-patient (utilité de l’intervention mesurée par le score Pacic). Par ailleurs, l’impact sur la tolérance du traitement a été clairement établi. Ainsi, les toxicités sévères de grade 3-4 étaient diminuées (27,6 % contre 36,9 % dans le groupe sans télésuivi Capri). Le nombre d’hospitalisations en cours de traitement oral a été diminué (15,1 % contre 22 %), ainsi que le nombre de journées d’hospitalisation (2,82 jours en moyenne contre 4,44 jours). Enfin aucun patient n’a été « perdu de vue » ; et malgré l’âge parfois élevé des patients, l’usage d’une plateforme numérique n’a pas été ressenti comme un frein. Ces données sur Capri « lui permettent de s’imposer comme nouveau standard de suivi des traitements anticancéreux oraux », considère le Dr Olivier Mir. « À condition de mettre les moyens dans l’organisation humaine et de former les infirmières d’oncologie à ce nouveau métier d’infirmière de coordination, le dispositif est parfaitement transposable à tous les centres de traitement de cancers » souligne-t-il.
Le pembrolozumab en première ligne dans une forme rare de cancers colorectaux Enfin, parmi les autres données de cette session 2020 de l’Asco, on peut retenir l’essai Keynote 177 (Abstract LBA4) qui a montré que le pembrolizumab (Keytruda, MSD) permettait une amélioration clinique significative de la survie sans progression, en tant que traitement de première intention, pour les patients ayant un cancer colorectal métastatique Micro Satellite Instable (MSI), des tumeurs caractérisées par caractérisées par un haut niveau de mutations de gènes. La médiane de SSP était doublée dans le bras expérimental atteignant 16,5 mois contre 8,2 dans le groupe de patients ayant reçu une chimiothérapie.
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