Cancer bronchique : un pronostic transformé par l’immunothérapie

24/02/2021 Par Corinne Tutin
Cancérologie
Le Dr Didier Debieuvre, président du Collège des pneumologues des hôpitaux généraux et onco-pneumologue au groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud-Alsace (hôpital Émile Muller, Mulhouse) revient, à l’occasion du 25ème Congrès de pneumologie de langue française (29 janvier 2021), sur les apports de l’immunothérapie dans le cancer bronchique. De nombreux cancers bronchiques sont concernés par cette thérapeutique, qui est parfois associée à la chimiothérapie.

  Egora : Quelle est aujourd’hui la place de l’immunothérapie dans les cancers bronchiques à petites cellules ? Dr Didier Debieuvre : Les cancers bronchiques à petites cellules (CBPC) représentent environ 15 % de l’ensemble des cancers bronchiques, contre 25 à 30 % de cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) épidermoïdes et 45 % à 50 % de CBNPC non épidermoïdes, principalement alors des adénocarcinomes. Le CBPC, qui est malheureusement décelé souvent au stade métastatique en raison de sa rapidité d’évolution, était un peu orphelin de traitement depuis 40 ans. L’utilisation de l’immunothérapie, qui est associée à une chimiothérapie à base de cisplatine ou de carboplatine et d’étoposide, représente un progrès significatif dans cette tumeur de pronostic très sombre, même si l’amélioration de la durée de survie globale peut sembler modeste : environ 3 mois pour les stades diffus. Nous employons l’atézolizumab, qui a une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication, ou le durvalumab, qui est disponible dans le cadre d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) et devrait recevoir une AMM prochainement. Cette combinaison d’immunothérapie et de chimiothérapie, qui est proposée sous forme de cycles à 3 semaines d’intervalle, est assez bien tolérée. Mais, bien sûr, nous ne la proposons pas à des patients à l’état général trop dégradé. Dans les rares CBPC, qui restent assez localisés, on peut aussi réaliser une chimiothérapie associée à la radiothérapie concomitante. Des études sont en cours pour déterminer si l’association chimiothérapie-immunothérapie-radiothérapie pourrait encore améliorer les résultats. Mais, il serait en fait essentiel de pouvoir repérer plus tôt ces cancers, qui sont plus fréquents chez les gros fumeurs, en mettant en place un dépistage ciblé. Il est aussi indispensable de les prendre en charge rapidement.   Qu’en est-il dans les CBNPC ? La prise en charge est un peu différente. Mais, l’immunothérapie est désormais utilisée en première ligne dans beaucoup de ces cancers. Nous analysons le statut PDL1 et recherchons systématiquement en plus, dans les cancers non épidermoïdes, la présence de mutations : EGFR (11 % des adénocarcinomes), réarrangement ALK (4 %), ROS1 (1 à 2 %), BRAF (1 à 2 %)... Dans les adénocarcinomes, quel que soit le statut PDL1, le traitement repose en premier lieu sur une thérapie ciblée (inhibiteur de tyrosine kinase), s’il en existe une pour la mutation identifiée. Après apparition de résistances, on passe à un second inhibiteur de tyrosine kinase, à un troisième, éventuellement sous forme d’ATU ou dans le cadre d’un essai clinique. Environ 20 % des CBNPC peuvent bénéficier de ces thérapies ciblées. Mais, ce chiffre pourrait beaucoup augmenter avec l’arrivée de traitements dirigés contre KRAS, une mutation très fréquente (20 à 25 %), et pour laquelle nous ne disposions pas jusqu’ici de traitement ciblé. Dans les autres CBNPC, on débute le traitement par une immunothérapie seule en cas de surexpression de PDL1 de plus de 50 %, et par une combinaison d’immunothérapie et de chimiothérapie sous formes de 4 cycles toutes les 3 semaines dans les autres cas. En cas de réponse, un traitement d’entretien sous forme de cycles de 3 semaines est instauré, lequel repose sur l’immunothérapie seule (dans les cancers épidermoïdes) et sur l’immunothérapie et une chimiothérapie sans sel de platine (pour diminuer la toxicité) dans les cancers non épidermoïdes. Vingt pour cent des patients répondent globalement à l’immunothérapie, 50 % chez ceux avec une surexpression de PDL1. On observe chez certains de ces malades métastatiques ou localement avancés des survies très longues, 4-5 ans. Mais, nous n’avons pas encore de biomarqueurs prédictifs de la réponse à l’immunothérapie. Actuellement, des études d’immunothérapie adjuvante et surtout néoadjuvante sont menées dans l’espoir d’obtenir un taux de guérison plus important dans les stades localisés. C’est nécessaire, car un patient sur deux ayant pu être opéré d’un CBNPC développera une récidive.   *Le Dr Debieuvre déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour AstraZeneca, BMS, MSD, Roche, Pfizer, Gilead, Novartis, Takeda, Sandoz, Chugaï, GSK, Chiesi, Boehringer-Ingelheim, OSE Immunotherapeutics, Lilly, Bayer, Janssen    

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