Diabète de type 1 : la quête d’une boucle totalement fermée

22/04/2023 Par Romain Loury
Diabétologie Congrès de la Société francophone du diabète 2023
Depuis la commercialisation en France d’un premier modèle en 2019, le "pancréas artificiel" gagne de l’ampleur dans la prise en charge du diabète de type 1. Les recherches se poursuivent pour le rendre totalement autonome, au bénéfice du contrôle glycémique comme de la qualité de vie.  

 

A ce jour, "entre 7 000 et 10 000 personnes" sont équipées en France d’une boucle fermée, dispositif d’insulinothérapie automatisée également connu sous le nom (abusif) de "pancréas artificiel", estime le Pr Eric Renard, chef du service endocrinologie, diabétologie et nutrition de l’hôpital Lapeyronie (CHU de Montpellier). Réservée au diabète de type 1, la boucle fermée consiste en "un système de mesure continue du glucose, qui envoie ses informations à un algorithme de contrôle intégré à la pompe, à un terminal ou à un smartphone. Ce qui va entraîner la délivrance d’insuline par la pompe, afin de maintenir la glycémie dans la fourchette la plus normale possible", rappelle-t-il. 

Selon une méta-analyse regroupant 11 études contrôlées, le temps passé dans la cible glycémique (TIR, pour Time in Range) enregistre une hausse de 10,32% par rapport à la pompe à insuline standard*. Le temps passé au-dessus de la cible (hyperglycémie) diminue de 8,89%, celui en-dessous (hypoglycémie) de 1,09%. De même, le taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c) connaît une légère diminution (-0,3%). Ces résultats ont été confirmés en vie réelle, lors d’une étude menée sur 9 451 patients : de 64% avant la mise boucle fermée, le TIR atteignait 75% à un mois, 74% à un an**. 

 

Le poids du fonctionnement "hybride"

Toutefois, une boucle fermée ne l’est jamais complètement, d’où le terme plus exact de "boucle fermée hybride". Dans les nombreuses situations où la glycémie évolue rapidement, ces systèmes ne sont pas encore assez performants pour fonctionner en totale autonomie. Ce qui nécessite l’intervention fréquente du patient, lors des repas ou à l’occasion d’une activité physique, afin d’informer le dispositif pour qu’il ajuste sa libération d’insuline. 

Du fait de la nécessité d’un usage hybride, la boucle fermée n’a probablement pas atteint tout son potentiel en termes de qualité de vie. C’est d’ailleurs ce que reflètent les données en demi-teinte de l’étude française Implique. Lors de cet essai, les chercheurs ont analysé plusieurs scores de qualité de vie, dont le PAID (Problem Areas in Diabetes). D’une valeur allant de 22 à 144, cet indice reflète aussi bien les émotions négatives vis-à-vis de la maladie, la pression qu’elle exerce sur le quotidien, la solitude que l’appréhension de l’avenir. 

Les résultats s’avèrent particulièrement mitigés pour les 55 adolescents inclus dans l’étude. Si 75% d’entre eux déclaraient une bonne qualité de vie globale à l’inclusion, 42% présentaient un score PAID supérieur à 40, signe d’une sensation de détresse vis-à-vis de leur maladie. Or après six mois sous boucle fermée, "le fardeau du diabète n’avait pas diminué de manière significative" : le score PAID moyen était passé de 34,3 à 34,6, et 36% des patients demeuraient au-dessus du seuil de 40, note la Dre Elisabeth Bonnemaison, du service de médecine pédiatrique du CHRU de Tours. Et ce malgré des gains métaboliques, une moindre appréhension des épisodes hypoglycémiques sévères et une activité physique accrue. 

Pourtant, si la boucle fermée réduit peu la charge mentale des jeunes diabétiques, ses bénéfices sont manifestes, y compris sur leur développement cérébral. Lors d’une récente étude américaine portant sur des adolescents au diabète mal contrôlé (TIR d’environ 40% à l’inclusion), le dispositif permettait non seulement un bond de 16,43% du TIR, mais améliorait aussi plusieurs paramètres d’imagerie cérébrale, tout en engendrant un gain de performances cognitives***. 

 

La boucle complètement fermée à portée de vue ? 

Selon le Dr Marc Breton, chercheur au Center for Diabetes Technology (université de Virginie, Etats-Unis), "un système hybride n’enlève pas le poids de la maladie au patient. Certaines études montrent même que, dans certains cas, cela l’augmente : dans un système hybride, le patient doit prendre en compte les nombreux facteurs qui vont modifier sa glycémie, et qui affectent le fonctionnement du dispositif". "Dans les prochaines années, nous espérons pouvoir démontrer qu’il est possible de créer des systèmes de boucles complètement fermées, avec une qualité de contrôle glycémique équivalente à ce que nous obtenons aujourd’hui avec un système hybride", ajoute le chercheur. 

De teneur avant tout mathématique, les recherches vont bon train pour aboutir à cette insulinothérapie totalement automatisée, capable d’intégrer les brusques variations de la glycémie. En clôture du congrès de la SFD, Marc Breton a dévoilé ses avancées sur un système "anticipatif", dans lequel cinq algorithmes interagissent pour évaluer la probabilité d’un repas au cours des prochaines heures. Après de premiers résultats prometteurs, menés sur des diabétiques logés pendant trois jours à l’hôtel, une première étude clinique, au domicile des patients, aura lieu à l’automne. 

 

 

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