Violences conjugales : les médecins généralistes en première ligne
Les professionnels de santé sont en première ligne pour repérer les femmes victimes de violences conjugales. "Près d’une femme sur dix déclare avoir été victime de violences conjugales et une femme meurt tous les trois jours dans ce contexte aujourd’hui en France. 121 féminicides ont été recensés en 2018 et 122 sur l’année 2019", rappelle le Dr Véronique Carton, responsable de l'unité gynécologie médicale au CHU de Nantes, à l’occasion d’une conférence de Pari(s) Santé Femmes 2020 qui s’est tenue fin janvier dernier. Ce phénomène concerne tous les âges et tous les milieux sociaux. Or, la plupart des femmes ne parlent pas spontanément des violences qu’elles subissent parce qu’elles ont honte, ou parce qu’elles ont peur des représailles. "Il est donc crucial de comprendre que les professionnels de santé et notamment les médecins généralistes, les gynécologues, les sages-femmes, les pédiatres et tous les professionnels du pôle Mère-Enfant sont en première ligne dans le repérage des violences infligées aux femmes et dans leur orientation", insiste le Dr Marie-Laure Gamet, praticien hospitalier au CHU de Lille. Le médecin généraliste, "personne-ressource" dans la prévention et le dépistage Bien souvent, le cabinet médical est l’unique endroit où les femmes victimes peuvent se rendre seules et avoir ainsi l’occasion de se confier. Le médecin généraliste occupe une place essentielle dans ce repérage car il connaît et suit ses patients depuis plusieurs années durant lesquelles une relation de confiance a pu s’instaurer. Alors que la grande majorité des femmes victimes de violences hésitent à porter plainte, elles sont souvent plus disposées à se tourner vers un professionnel de santé.
Ce qui fait du médecin traitant la "personne-ressource" dans la prévention et le dépistage des violences conjugales. Mais la plupart des professionnels de santé s’avouent démunis face à cette problématique qu’ils connaissent peu ou mal. La question de leur formation et de la mise à disposition d’outils permettant ce repérage est posée. Comment repérer les violences et comment agir ? La nécessité de se former et de s’informer Le médecin doit connaître la problématique, le contexte, et savoir identifier les différents signes d’alerte. "Lors des consultations, le professionnel doit systématiquement aborder la question des violences avec chacune de ces patientes – et ce même en l’absence de signes d’alerte - en s’appropriant une formulation avec laquelle il est à l’aise. Ne pas hésiter à formuler des questions ouvertes à plusieurs reprises et à les reformuler si nécessaire. Comment ça se passe à la maison ? Vous arrive-t-il de vous disputer avec votre conjoint ? Quelles sont les raisons de ces disputes ? Comment se passent vos rapports intimes ? Et en cas de désaccord ? Avez-vous peur pour vos enfants ? Avez-vous déjà été victime de violences (physiques, verbales, psychiques, sexuelles) au cours de votre vie ?" détaille le Dr Carton. Certains signes doivent également alerter : troubles dépressifs ou psychosomatiques, symptômes physiques chroniques inexpliqués, lésions traumatiques répétées et accompagnées d'explications vagues ou peu plausibles. La notion de temps est ici primordiale. Le praticien ne doit pas hésiter à faire revenir la patiente sous prétexte de la réception de résultats d’analyses par exemple.
Sur la question de l’aide à apporter à la victime, "le professionnel doit connaître les différentes structures associatives, judiciaires et sanitaires qui pourront aider la femme qui se déclare victime de violences", insiste le Dr Carton. Et d’ajouter "tous les professionnels de santé doivent disposer d’un annuaire de professionnels partenaires comme les structures hospitalières d’accueil, le nom d’un juriste à qui poser toutes les questions, le numéro du bureau d’aide aux victimes de son agglomération, les coordonnées d’une assistante sociale, d’un psychologue… ". Le professionnel peut aussi être amené à rédiger un certificat médical qui pourra être utilisé pour faire valoir les droits de la victime et obtenir une mesure de protection. La consultation et l’examen clinique de la patiente restent un préalable indispensable à la rédaction de ce certificat qui ne doit pas faire apparaître le nom du tiers responsable. Des enfants co-victimes 21 enfants sont morts en 2018 tués par l’un de leur parent dans un contexte de violences au sein du couple, 118 sont orphelins et 40% des enfants subissent de la maltraitance par le partenaire violent de leur mère. Il est donc primordial de se préoccuper systématiquement de la présence d'enfants au domicile et d'informer les femmes victimes des risques qu’ils encourent.
À l'occasion de la journée internationale contre les mutilations génitales féminines le 6 février dernier, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié des recommandations de bonne pratique sur l’accueil et la prise en charge des victimes par les professionnels de premier recours.
En France, quelque 125 000 femmes en seraient victimes et 11 % de leurs filles le seraient aussi. « Ces mutilations sont de natures diverses : altération des organes sexuels, ablation partielle ou totale des lèvres ou du clitoris (excision) ou sutures des lèvres (infibulation) pour les principales. Il est essentiel que les professionnels de santé connaissent mieux ces maltraitances afin de participer au repérage des risques, de les prévenir mais également afin de savoir comment réagir s'ils découvrent une mutilation sexuelle chez une de leurs patientes, qu'elle soit mineure ou majeure » note la HAS. Elle rappelle les facteurs de risque qui doivent alerter le professionnel de santé, à commencer par la région d'origine et le pays de naissance des parents, leur communauté, et les pratiques familiales.
Face à un risque imminent ou des mutilations constatées sur une mineure, le professionnel doit faire un signalement auprès du Procureur de la République. Lorsque le risque ne semble pas imminent, le médecin est incité à transmettre une information à la cellule de recueil des informations préoccupantes du conseil départemental (CRIP). La levée du secret professionnel est prévue pour les cas de mutilation sexuelle. En revanche, lorsque la victime est majeure, le professionnel ne peut émettre de signalement sans son consentement. La loi prévoit néanmoins une exception quand la patiente « n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ».
D’après un communiqué de presse de la HAS sur les mutilations sexuelles féminines (6 février 2020)
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