Virus respiratoire chez l’enfant : une recherche de traitements pas toujours suivie de succès

24/11/2020 Par Corinne Tutin
Infectiologie Pédiatrie

Le congrès de la Société française de pédiatrie a abordé, sous forme digitale, du 2 au 4 novembre dernier, de nombreux thèmes concernant la santé de l’enfant. Une session phare a porté sur possibilités thérapeutiques contre les infections virales à ARN, dont la Covid-19. Efficace, la vaccination antigrippale devrait être élargie en pédiatrie. Pour le VRS et le Sars-CoV-2, les moyens thérapeutiques demeurent malheureusement limités.   « Souvent à ARN, les virus à tropisme respiratoire sont difficiles à combattre, car ils tendent à muter avec des risques d’émergence et de passage de la barrière d’espèce », a rappelé le Pr Jacques Brouard, chef de service de pneumopédiatrie au CHU de Caen. Ces virus font souvent le lit des surinfections bactériennes, à Streptococcus pneumoniae, Hæmophilus, ou Moraxella catarrhalis. D’où l’importance d’utiliser les vaccins anti-bactériens disponibles pour prévenir ces complications.  Pour ce même motif, il faudra penser à proposer plus largement la vaccination antigrippale, dont l’impact bénéfique est souvent ignoré en pédiatrie même par les autorités sanitaires, a regretté le Pr Brouard. « Plusieurs études ont en effet suggéré que le vaccin antigrippal diminue de 30 % la fréquence des otites purulentes chez l’enfant ». Surtout, « 50 % des décès par grippe se voient chez des enfants sans aucun facteur de risque », a rappelé le Pr Brouard. Pour l’instant cependant, cette vaccination n’est recommandée à partir de 6 mois que chez des enfants à risque de grippe grave (dysplasie broncho-pulmonaire, cardiopathie, déficit immunitaire...), ainsi qu’à leur entourage. « La réponse vaccinale semble tourner, comme chez l’adulte, autour de 60 %, mais comme l’ont montré des études américaines à la condition de respecter les 2 doses nécessaires (à un mois d’intervalle) en primovaccination car sinon elle peut s’abaisser à 25 % », a insisté le Pr Brouard. Quatre études randomisées ont aussi démontré que la vaccination des femmes enceintes, qui sont plus exposées aux formes graves, protège dans le même temps leurs nourrissons, dans une proportion de 50 à 60 %.  La prescription précoce d’oseltamivir (Tamiflu, Roche), un inhibiteur de neuraminidase, devrait aussi être plus étendue chez les enfants hospitalisés, a estimé le Pr Brouard, « car cet antiviral, sans avoir une efficacité spectaculaire, réduit de 36 heures les symptômes ». D’autres antiviraux sont en cours d’évaluation comme Fludase, une protéine contenant une sialidase empêchant le virus grippal de se fixer puis d’entrer dans les cellules respiratoires.   VRS : peu de traitement spécifique « S’agissant du virus respiratoire syncytial, une solution thérapeutique est recherchée depuis 60 ans », a admis le Dr Brouard. « En 1960, le premier vaccin inactivé au formol (VRS-IF) avait débouché sur une catastrophe en entraînant une aggravation des symptômes respiratoires lors d’une infection ultérieure. » Actuellement, on ne dispose comme traitement que d’une immunothérapie passive par le palivizumab (Synagis, AbbVie), un anticorps monoclonal dirigé contre la protéine de fusion du VRS. Cet anticorps a toutefois des indications très restrictives (grands prématurés, enfants avec une cardiopathie, une dysplasie broncho-pulmonaire) « alors que la majorité des hospitalisations pour infection à VRS concernent des enfants sains », a souligné le Pr Brouard. D’autres anticorps à demi-vie longue font l’objet d’essais cliniques chez des nourrissons, l’idée étant d’obtenir grâce à eux une protection de 6 mois dès le début des épidémies à VRS. La ribavirine à doses croissantes est aussi utilisée en cas d’immunodépression, en association à des injections d’immunoglobulines polyvalentes. De nombreuses stratégies vaccinales sont testées, chez l’enfant mais également parmi le 3e âge, « qui paye lui aussi un lourd tribut aux infections à VRS », a complété le Pr Brouard. Récemment, un essai de phase 3 mené chez des femmes enceintes avec un vaccin à nanoparticules, le ResVax, a mis en évidence une certaine capacité de diminuer le nombre d’infections VRS chez les nourrissons (de l’ordre de 40 % par rapport au placebo) sans toutefois atteindre l’objectif primaire recherché (réduction des infections significatives à VRS au cours des 90 premiers jours de vie) (1). Malheureusement, ce vaccin a échoué à démontrer une efficacité dans les populations âgées. D’autres voies de recherche pourraient être représentées par des transferts transplacentaires d’anticorps en fin de grossesse, ou par des molécules capables de bloquer la machinerie réplicative du VRS (ARN interférents, inhibiteurs de la protéine de fusion F, ou inhibiteurs de réplication). Revenant sur le Sars-CoV-2, le Pr Brouard a admis que « les déceptions étaient récurrentes » Fin octobre, aucune efficacité sur la mortalité n’avait en effet été trouvée pour tous les médicaments testés (hydroxychloroquine, lopinavir/ritonavir, remdesivir, favipiravir), hormis la dexaméthasone. Des résultats négatifs ont aussi été observés avec le tocilizumab, un anti IL6, ainsi qu’avec l’anakinra, un anti-IL1, qui a même donné lieu à une surmortalité (ce qui a conduit à suspendre l’essai français Anaconda-Covid-19) ; ou encore, malgré la guérison d’un président américain, avec des anticorps de synthèse neutralisants (bamlanivimab). Les anticorps de plasma de patients ne semblent pas non plus réduire le nombre de décès ou freiner la progression vers une maladie sévère, vient de conclure l’essai indien Placid mené chez 464 patients adultes, « même si ce traitement semble être bénéfique pour améliorer un peu les symptômes d’asthénie ou de détresse respiratoire » (2).   Vaccin anti-Covid : peu d’essai chez les enfants « Fort heureusement, la létalité est très faible (0,001 %), chez les enfants », s’est félicité le Pr Brouard, « lesquels sont aussi moins sensibles à ce virus, probablement du fait d’une moindre expression du récepteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 au niveau de l’épithélium nasal » (3). Ceci expliquant probablement cela, les études thérapeutiques sont très peu nombreuses en pédiatrie, et seulement 2 des 10 études de phase 3 sur des vaccins concernent des populations pédiatriques (vaccin Pfizer chez des plus de 12 ans aux États-Unis et vaccin AstraZeneca chez des 5 à 12 ans au Royaume-Uni). Vu la faible gravité de la maladie en pédiatrie alors que des effets adverses vaccinaux sont possibles, des interrogations éthiques pourraient toutefois se faire jour quant à une utilisation pratique de ces vaccins. La question de la sécurité au long cours des vaccins anti-Sars-CoV-2 devra en tout cas être vérifiée : immunité persistante, absence de risque de formes plus sévères en cas de réexposition au virus, « comme on l’a observé pour le VRS et la dengue ».    

  1. Madhi, S.A., et al. N Engl J Med 2020 Jul 30;383(5):426-439.
  2. Agarwal A, et al. BMJ. 2020 Oct 22;371:m3939. doi: 10.1136/bmj.m3939.
  3. Bunyavanich S, Do A, Vicencio A. JAMA 2020 Jun 16;323(23):2427-2429.

Limiter la durée de remplacement peut-il favoriser l'installation des médecins ?

François Pl

François Pl

Non

Toute "tracasserie administrative" ajoutée ne fera que dissuader de s'installer dans les zones peu desservies (et moins rentables)... Lire plus

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