Le Conseil national de l'Ordre des médecins dévoile aujourd'hui son Atlas 2017 de la démographie médicale. Cette année l'institution ordinale s'est penchée plus particulièrement sur les flux migratoires. Qui sont les médecins étrangers ? Où ont-ils été diplômés ? Combien sont-ils ? Le Dr François Arnault, délégué général aux relations internes qui a coordonné le rapport répond aux questions d'Egora.
Egora.fr : Est-ce la première vaste étude de l'Ordre sur les flux migratoires ? L'ordre s'intéresse aux flux migratoires depuis qu'il s'intéresse à la démographie. En revanche, les conditions des flux migratoires se sont sensiblement modifiées et ont des impacts qu'ils n'avaient pas auparavant. D'autant qu'ils surviennent dans un contexte de raréfaction de l'offre de santé en France. Cela interpelle parce que ça laisse supposer que ce sont les médecins étrangers qui viennent combler nos déficits, ce qui est faux. Le CNOM et les autres conseils de l'Ordre européens mènent conjointement des études au sein de l'observatoire européen de la démographie médicale dans lesquelles on se rend compte que tout le monde dépend des autres. La démographie ne peut plus se voir au niveau d'un Etat. Elle se voit au moins au niveau de l'Europe, où on a harmonisé la législation, et puis avec le reste du monde. Les flux migratoires de médecins entrent dans ces grands vases communicants mondiaux qui touchent toutes les professions qualifiées. On n'y échappe pas. Notre réflexion est plutôt guidée par le besoin de s'harmoniser avec nos voisins, européens et extra-européens sur le sujet. L'étude de l'Ordre est scindée entre les nés hors de France et les diplômés hors de France. Pourquoi cette distinction ? Il s'agit de distinctions statistiques. Globalement, cela ne change pas le problème à la démographie. Quand un médecin s'installe, on regarde si son diplôme est valable en France mais on ne regarde pas son pédigré ni son lieu de naissance. Ce qui est en train de se modifier, c'est la proportion des diplômes extra-européens par rapport aux diplômes européens. Jusqu'à maintenant les diplômés non européens, du Maghreb ou de la Syrie étaient majoritaires parmi les médecins étrangers. Ils le restent aujourd'hui mais cette proportion est en train de s'inverser au profit des diplômes européens. Votre étude relève notamment une hausse de 659% du nombre de médecins roumains. Comment expliquez-vous ce phénomène ? La hausse du nombre de Roumains venus s'installer en France débute en 2007, avec l'entrée de la Roumanie dans l'espace européen. Il y a eu à ce moment-là une validation des diplômes roumains. La Roumanie qui est une nation francophile et francophone a créé en 2000 une université francophone de médecine. Cela a abouti à une vraie migration roumaine vers la France, ce qui n'est pas sans poser problème à l'Etat roumain. Le pays se dit au bord de la catastrophe sanitaire à cause de ce départ massif de médecins roumains. L'université roumaine "fabrique" surtout des médecins roumains. Elle valide très peu d'autres nations dans ses universités. Mais elle ne garde pas ses médecins. De plus en plus de Français partent pourtant se former en Roumanie ? Ce phénomène est assez modéré. Il s'agit d'étudiants qui soit font toutes leurs études en Roumanie et obtiennent un diplôme roumain, soit débutent leurs études en Roumanie mais reviennent passer l'ECN en France. Nous sommes en train de nous pencher sur ce problème, mais étant donné qu'ils ne sont pas encore inscrits à l'Ordre nous pouvons difficilement les quantifier. Nous nous sommes rapprochés du CNG (centre national de gestion) pour voir de quel volume il s'agit. Il semblerait que ça ne soit pas très important. Comment être certain du niveau de compétence des médecins à diplômes européens ? Ils n'exercent en France qu'après avoir été inscrits au Conseil de l'Ordre. Ils passent obligatoirement par l'évaluation du conseil départemental de l'Ordre de la zone où ils veulent exercer. S'ils ne maîtrisent pas la langue française, ils ne sont pas inscrits. En ce qui concerne les diplômes, il s'agit d'accord d'Etat à Etat. Les ministères ont fixé entre eux des équivalences. Si elles sont respectées, on considère que le diplôme est valable. J'ai de mon côté une petite expérience de terrain avec pas mal de médecins roumains et je confirme que leur niveau de compétence est tout à fait suffisant. Je ne vois pas de différence entre les médecins roumains et les autres. Le seul problème qu'il y a avec les médecins roumains, c'est la compréhension de notre système de santé. Quand on décide d'accorder à un médecin roumain la possibilité de s'installer il faut vérifier qu'il ait bien compris comment fonctionne le système. C'est à nous de l'accueillir. On ne peut pas lui dire "Installez-vous et débrouillez-vous". Nous devons discuter avec eux, éventuellement les voir plusieurs fois. L'évaluation ordinale ne juge-t-elle que la langue ou s'intéresse-t-elle aussi aux compétences ? Il n'y a pas d'évaluation des compétences. Pas plus que pour un diplôme français. Il s'agit de la libre circulation des travailleurs qualifiés en Europe. Si les conditions requises par les ministères sont validées, nous n'avons pas de raison de vérifier les compétences. Un grand nombre de médecins étrangers s'installent en France, mais est-il possible de savoir combien repartent dans leurs pays ? Nous n'avons pas ce chiffre. Ils sont très peu nombreux à repartir. Lorsque nos confrères étrangers n'arrivent pas à se stabiliser du premier coup dans une installation et qu'ils changent plusieurs fois de lieux d'exercice, parfois ils repartent. Mais la plupart finissent par s'intégrer. On note dans l'étude une distinction entre médecin français et étranger en ce qui concerne le mode d'installation. Comment expliquer que 62% des médecins étrangers choisissent le salariat ? Cela s'explique notamment par le grand nombre de postes hospitaliers non pourvus par des médecins français. Il y a par exemple beaucoup de radiologues roumains dans les hôpitaux. C'est peut-être aussi plus facile pour un médecin qui arrive en France de prendre un poste hospitalier. Je ne dis pas cela au sens péjoratif du terme. Cela est aussi lié à la complexité du système de santé français. Certain peuvent passer au libéral dans un second temps. C'est d'ailleurs un peu ce qui se passe pour les roumains. Petit à petit la proportion d'activité libérale augmente. Peut-on dire que les médecins étrangers sont une solution pour la désertification médicale ? C'est une idée fausse qui est assez répandue. Quand on regarde les cartes d'installation, on constate que les lieux d'installation des médecins étrangers ne couvrent pas les zones sous-denses. Ils continuent à s'installer, comme les médecins français, dans les zones qui ne sont pas défavorisées du tout. Les médecins étrangers ne viennent pas combler nos déserts médicaux. Constatez-vous une hausse du nombre de médecins à diplôme étranger par rapport à avant ? Ou est-ce stable ? Faut-il s'en inquiéter ? S'en inquiéter non. En fait, il ne faut pas se baser là-dessus. Ça existe parce que c'est l'Europe. C'est l'ouverture des frontières européennes, et une nouvelle organisation mondiale. C'est pour cela que des médecins étrangers viennent, et pas parce qu'on manque de médecins. En tout cas, ça augmente régulièrement. En 2007, on était à 14 000 et quelques, et nous sommes à 26 000 aujourd'hui. Ça a augmenté de 90% en 10 ans. C'est beaucoup. On arrive à près de 20% de médecins étrangers sur notre territoire toute activité confondue, par rapport au nombre de médecins inscrits à l'Ordre. Le problème, c'est qu'il ne faut pas raisonner à partir de ça. Il y a 15, 20 ans, notre système de sélection a été hyper sélectif et trop sélectif. On a réduit considérablement le nombre de médecins formés, ce qui pose des problèmes aujourd'hui. Mais je ne suis pas sûr que ce soit ça qui soit à l'origine de l'arrivée des médecins roumains. La preuve, ils ne s'installent pas dans les zones où on manque de médecins. Et les projections sont impossibles à faire. Chaque Etat va modifier ses règles. Il est évident que la Roumanie ne va pas rester inerte et sans réponse face à ce flux migratoire qui appauvrit son offre de soins. Les conditions à moyen terme vont changer. En France, on va modifier certainement le système de formation, le numerus clausus qui est revenu au niveau où il était en 1972. Ça va avoir un impact, mais dans 10 ans. On peut difficilement savoir ce qu'il va se passer puisque toutes les prévisions qui ont été faites dans les années 80 se sont avérées fausses. Il y a des paramètres importants qui changent. On ne peut pas prévoir. Dans la mesure où nous sommes dans un système ouvert, dans une Union européenne, et que des travailleurs qualifiés circulent entre les pays, ça ne peut pas être considéré comme quelque chose d'inquiétant. Ce serait inquiétant si on considérait qu'ils n'ont pas le niveau pour soigner les gens et qu'on les laisse entrer. Mais c'est une idée fausse. Ces médecins sont compétents et nous devons les accueillir et les aider. La confraternité et la déontologie ne s'arrêtent pas aux frontières de l'Hexagone. Changer de pays pour un médecin ou pour quelqu'un d'autre, c'est un choc assez violent. On change de langue, de culture, de système de soin, on s'éloigne de sa famille. Ce sont des gens courageux. Avez-vous le sentiment qu'ils sont bien accueillis ? Il y a de la méfiance, mais pas tellement de la part des confrères. Il s'agit d'une méfiance de la population qui a tendance à considérer qu'ils ne sont pas pareils. C'est aux acteurs du système de soins de montrer qu'ils ne sont pas différents.
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