Généraliste agressé à son cabinet : "Ils reviennent tous les jours et rigolent en me voyant"

03/05/2017 Par Fanny Napolier

Le coup de pied a causé une fracture du plateau tibial. La semaine dernière, le Dr Pierre Goidin, généraliste à Dunkerque, a été agressé par trois jeunes qui faisaient du bruit devant son cabinet. Le médecin a déposé deux plaintes et réclamé des mesures de protection. En vain. Chaque jour, ils reviennent et le narguent.

"Mardi, trois jeunes faisaient du bruit devant mon cabinet et me gênaient. Je leur ai demandé poliment de partir, je leur ai dit qu'ils avaient autre chose à faire que de venir faire du bruit devant un cabinet médical. Ça ne leur a pas plu. L'un d'eux m'a chopé et m'a donné un coup de pied très violent au niveau du tibia. J'ai eu une fracture du plateau tibial externe. Ça s'est passé dehors, dans la rue. Des gens m'ont aidé à rentrer dans mon cabinet, sinon je n'aurais pas été bien. Les trois jeunes se sont barrés. Ils n'assument pas leurs actes.

On prend une paire de béquilles et on vient travailler

Ces trois jeunes, je ne les connais pas. Ce ne sont pas des patients. C'est la première fois que je les vois, je n'avais jamais fait attention à eux avant. Dans le même après-midi, ils ont aussi agressé un masseur-kinésithérapeute du quartier. J'ai son témoignage, qui a été transmis au Procureur de la République. Après une agression comme ça, si on est salarié, on est arrêté. Si on est profession libérale, on prend une paire de béquille et on vient travailler. J'ai porté plainte et je suis retourné travailler le lendemain. Et le lendemain, les trois mêmes sont revenus. Ils ont mis de la musique devant le cabinet, ils n'ont pas arrêté de m'embêter. Le surlendemain aussi. Et vendredi, ça été très chaud. Ils m'ont attendu. Ça s'est passé quand je sortais, à 19 heures. Ce sont mes patients qui ont empêché une nouvelle agression.

Libérés aussitôt

Je suis retourné porter plainte. C'est là qu'ils ont été arrêtés et mis au gnouf. Les trois jeunes ont été appréhendés, mis en garde à vue et ils ont été libérés aussitôt. Que voulez-vous que la police fasse si le substitut du Procureur ne bouge pas ? Que voulez-vous faire ? Le problème, ce n'est pas la police. La police fait un travail magnifique, dans des conditions très difficiles. Mais si elle n'est pas suivie par la justice… Ces gens-là auraient dû être jugés immédiatement pour violence sur personne ayant autorité. Ils auraient dû passer tout de suite en comparution. Non, on les a laissés. Au moment où je vous parle, ils sont là, en face. Je les vois. Ils sont dans le square, ils rigolent en me voyant. Ils sont mineurs, ils font ce qu'ils veulent. Ce sont des gamins de 14 ans qui marquent leur territoire. Ils n'ont rien à faire devant mon cabinet, je ne veux plus les voir dans le quartier. Quand vous les voyez-là, encore en face de vous ce midi ? Qu'est-ce-que je dois faire ? Est-ce que je vais me faire agresser dans les cinq minutes, en raccompagnant un patient ? Aujourd'hui, je n'ai pas de date de procès, rien. J'attends. J'attends de me faire tabasser une nouvelle fois. Le Procureur de la République ne réagit pas. Il ne faut pas que ça le gène. Si on dit qu'il y a des agressions de médecins, de kiné, le même jour… on va penser que la ville de Dunkerque n'est pas sûre. Ce n'est pas bon pour l'image de la ville. C'est tout. Je suis dans un quartier sensible, populaire. Mais jusqu'à maintenant, je n'avais jamais eu de soucis. C'est un quartier qui aurait dû être mis en zone-franche, mais ça n'a jamais été fait. Je suis installé ici depuis 2014, mais j'ai 21 ans de travail sur le secteur. C'est la loi sur l'accessibilité qui m'a obligé à déménager ici. Je suis seul dans le cabinet. J'ai une secrétaire de temps en temps, mais la plupart du temps, je suis seul. Je travaille de 8 heures du matin à 21 heures. Et c'est la première fois que j'ai une violence gratuite comme ça.

Je vais arrêter les consultations le soir

Ce qui a changé dans ma pratique depuis l'agression ? Je ne peux plus faire de visites à domicile et je vais arrêter les consultations le soir. C'est tout. Il n'y aura plus de remplaçant. Je ne vais pas leur faire prendre des risques à venir travailler dans un cabinet médical. Mes patients sont un peu sous le choc. Le problème, c'est l'insécurité le soir. Si les voyous sont là, et qu'ils vont arracher les sacs à main… Ils sont en liberté ! Je réclame que les gens identifiés ne puissent plus venir devant mon cabinet. Je demande aussi une vidéo-surveillance devant mon cabinet. Mais de toute façon, on n'aura rien. Je n'y crois pas. Il n'y a pas eu de réaction ni de la mairie, ni du Procureur de la République, ni du sous-préfet.

La justice est du côté des agresseurs

Il y a un gros sentiment de colère. Quand vous les voyez en face, qui rigolent, et que vous vous avez une patte en moins et que vous ne pouvez pas faire vos activités, il y a un sentiment d'injustice. La justice est du côté des agresseurs, et pas des victimes."

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