En France, une guerre médiatique vient d'éclater entre anti et pro. Point de départ: une tribune au vitriol contre les "médecines dites alternatives" (au premier rang desquelles l'homéopathie), qualifiées de "fake médecines". Publiée le 19 mars par 124 médecins, cette tribune dénonce des "pratiques ni scientifiques ni éthiques, mais bien irrationnelles et dangereuses". Autre grief: elles sont "coûteuses pour les finances publiques" et ne devraient donc plus être remboursées (certains médicaments homéopathiques le sont à hauteur de 30% par l'Assurance maladie).
Depuis, les deux camps s'écharpent sur Twitter et par communiqués interposés, rappelant des controverses qui ont agité l'Italie ou l'Espagne. En France, tous les généralistes ou spécialistes peuvent prescrire de l'homéopathie, une pratique inventée en 1796 par le chimiste allemand Samuel Hahnemann. L'Hexagone compte 5.000 médecins homéopathes. Après leurs études de médecine, ils ont suivi une formation spécifique dispensée par certaines universités et des écoles privées, mais qui n'est pas reconnue comme une spécialité. La France est l'un des premiers consommateurs d'homéopathie en Europe, avec l'Allemagne: plus du tiers de la population y a régulièrement recours selon le Leem, l'association des entreprises pharmaceutiques. C'est aussi le pays du numéro un mondial, les laboratoires Boiron (618 millions d'euros de chiffre d'affaires et 78 millions d'euros de bénéfice net en 2017). Aucune preuve solide En septembre, le Conseil scientifique des académies des sciences européennes (Easac) a émis un avis très sévère sur l'homéopathie. "Il n'y a aucune preuve solide de l'efficacité des produits homéopathiques pour quelque maladie que ce soit, même s'il y a parfois un effet placebo", estimait cette institution. Pire, "l'homéopathie peut être nocive, en dissuadant le patient de solliciter un traitement médical approprié". "Cet avis avait pour but de susciter un débat et des prises de décision chez les politiques", explique à l'AFP le docteur Robin Fears, directeur du programme de biosciences de l'Easac. L'Easac juge que "l'homéopathie ne devrait pas être remboursée à moins de faire la preuve scientifique de son efficacité", comme n'importe quel médicament. Boiron a répliqué en présentant les résultats d'une vaste étude attestant, selon lui, de l'utilité de ses produits, mais dont la méthodologie est contestée par les anti. L'homéopathie consiste à administrer des substances extrêmement diluées sous forme de petits granules. Ses adversaires estiment que les granules ne sont ni plus ni moins que du sucre vendu à prix d'or. Ses partisans font valoir une approche globale du patient, l'écoute, et les bienfaits de produits sains, naturels. Manque de "fondement scientifique" L'an dernier, le service de santé britannique, le NHS, a "recommandé" aux médecins et aux hôpitaux d'arrêter de prescrire de l'homéopathie, faute de preuve de son efficacité. Elle ne lui coûtait pourtant qu'une somme modique, 92.412 livres (106.000 euros) en 2016. En Espagne, plusieurs universités qui dispensaient des formations d'homéopathie les ont supprimées ces dernières années, arguant du "manque de fondement scientifique". En Italie, une controverse avait éclaté en mai 2017 après la mort d'un enfant de sept ans des suites d'une otite traitée uniquement à l'homéopathie. D'ici à janvier, l'agence du médicament italienne (Aifa) doit agréer quelque 3.000 traitements homéopathiques. Une reconnaissance, certes, mais pas pour tous: ceux qui ne l'auront pas obtenue, soit 3.000 autres selon les estimations, seront bannis. L'homéopathie n'est pas remboursée dans ce pays, mais peut faire l'objet d'une déduction fiscale, ce qui représente 50 à 70 millions d'euros par an selon les médias italiens. Attachement des patients En Allemagne, on l'apprécie beaucoup. Le marché pesait quelque 600 millions d'euros en 2016 selon l'industrie pharmaceutique. Les différentes caisses publiques d'assurance maladie de ce pays la remboursent, parfois à 100%. Elles semblent le justifier par l'attachement des patients à cette pratique. "Bien que l'homéopathie ne soit pas une méthode de traitement médical reconnue par les scientifiques, elle reste appréciée et très utilisée", explique ainsi l'une de ces caisses, la Barmer.
Après avoir signé une tribune contre les médecines alternatives, le collectif de médecin appelle aujourd'hui à redistribuer les finances affectées au remboursement de ces pratiques. Dans un communiqué, le collectif proposer de "transférer l'enveloppe allouée actuellement au remboursement de pratiques non validées scientifiquement, dont les millions d'euros d'homéopathie, vers des soins à l'efficacité connue et des mesures d'éducation sanitaire, de prévention et valorisant le temps soignant". Et de proposer un meilleur remboursement des "consultation de diététique ou de psychologie clinique, permettant de diminuer les prescriptions médicamenteuses."
"L'homéopathie va à l'encontre de la nécessité de démédicaliser la société et d'arrêter d'inciter le réflexe un symptôme = un traitement médicamenteux", souligne l'un des signataires de la tribune. Surtout, rappelle Europe 1, l'argument selon lequel le recours à l'homéopathie ferait faire des économies à l'Assurance maladie ne tient pas :
En 2016, l'assurance maladie a remboursé 128,5 millions d'euros de médicaments homéopathiques. (+28% depuis 2010). Mais la consommation de médicaments classiques n'a jamais cessé d'augmenter, chaque année, en volume. #FakeMed
— Géraldine Woessner (@GeWoessner) 22 mars 2018
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