Menace d'arrêter la pratique des IVG : le Syngof s'attire les foudres de la ministre et de l'Ordre
"Dans la situation très dangereuse qui est la nôtre, nous devons faire scandale", appelle le Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France dans sa newsletter. Mission réussie. La menace d'arrêter de pratiquer les IVG si le ministère ne reçoit pas le syndicat sur la question du fonds de garantie a suscité l'indignation générale.
"Préparez-vous à ce que le syndicat vous donne l'ordre d'arrêter les IVG si la ministre de la Santé refuse de nous recevoir", écrit un représentant du Syngof dans la newsletter envoyée aux adhérents du syndicat. Quelques mois après les propos polémiques sur l'IVG tenus par son président, le Dr Bertrand de Rochambeau, le Syngof refait parler de lui. Repris sur Twitter, cet appel a suscité l'indignation générale.
"Menacer de priver des femmes de l’accès à l’IVG est totalement contraire à la déontologie médicale", tance le Conseil national de l'Ordre des médecins dans un communiqué diffusé mercredi après-midi. Moins de deux heures après, c'est au tour d'Agnès Buzyn de condamner ces propos. Dans un communiqué, la ministre de la Santé souligne "le caractère inadmissible de ces menaces" et "regrette également l’image faussée des médecins gynécologues obstétriciens de France que renvoient ces nouvelles déclarations inacceptables de la part d’un syndicat qui entend les représenter". Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a également réagi par communiqué, tenant à préciser qu'"il ne s'associe en rien à la menace de grève des IVG proférée par le Syngof". "Cette menace est en contradiction avec toutes les règles déontologiques, mais aussi avec les principes mêmes des gynécologues-obstétriciens qui ont choisi, par vocation, d’aider les femmes dans toutes les circonstances qui requièrent nos compétences", assène la société savante.
Le Collège National des Gynécologues & Obstétriciens est en total désaccord avec le SYNGOF sur une éventuelle grève des IVG. Le gros problème d’assurance des Gynécologues et obstétriciens doit être réglé par la négociation. Hors de question de gêner les femmes en quoi que ce soit
— Israël Nisand (@inisand) 13 mars 2019
"Il est, pour nous, intolérable de prendre en otage la population de femmes en situation de fragilité", lancent de leur côté Les Spés-CSMF, qui se "désolidarisent" du Syngof. Sur les réseaux sociaux, nombre sont ceux qui réclament une sanction à l'encontre du syndicat, tandis que d'autres remettent en cause la clause de conscience.
Bonjour. Les mots, c'est bien. Les actes, c'est mieux.
— Moule à Gaufres (@MaryJPopps) 13 mars 2019
Nous réclamons une sanction pour cet acte politique qui menace de mettre nos vies en danger. On ne joue pas avec la santé, il va falloir leur faire comprendre une bonne fois pour toute. Les femmes ne sont pas des otages.
Le 1er syndicat des gynécos du pays n'est pas content qu'on touche à son système d'assurance. Il donne donc "l'ordre" aux medecins adhérents d' "arrêter la pratique des IVG".
— Anaïs Leleux (@AnaisLeleux) 13 mars 2019
Pourquoi aller manifester devant le ministère quand on peut prendre le corps des femmes en otage, hein? https://t.co/2stG48aI04
Et si on profitait de ce chantage infâme pour supprimer "la clause de conscience" qui permet ce genre de dérive ? cc @agnesbuzyn
— Le toucan rouge (@lcor1979) 13 mars 2019
A l'origine de cette polémique, le combat du Syngof pour défendre les obstétriciens condamnés à verser des millions d'euros d'indemnités pour des sinistres survenus avant 2012. Cette année-là, la profession a obtenu la création d'un fonds de garantie, auquel cotisent tous les professionnels de santé libéraux, censé couvrir ces derniers lorsque l'indemnité d'un sinistre dépasse le plafond de 3 millions d'euros. "Mais pour les sinistres survenus avant 2012, ils ne sont pas couverts, explique à Egora le Dr Jacques de Rivoallan, secrétaire générale adjoint du Syngof. Une quinzaine d'obstétriciens sont menacés de ruine et se retrouvent à payer 10 millions d'euros alors qu'ils ne sont couverts qu'à hauteur de 3 millions." "Nous découvrons que notre protection par le fonds FAPDS au-dessus du plafond a la fragilité du papier crépon", écrit un représentant du Syngof dans la newsletter litigieuse. "Nous sommes tous, 15 000 praticiens à risque, menacés par cette fragilité que les pouvoirs publics veulent cacher." D'où la menace de "faire scandale" pour obtenir d'être reçu par la ministre à ce sujet.
"C'est une menace complètement délirante à l'époque actuelle", réagit le Dr Jacques de Rivoallan, qui pointe une initiative personnelle du Dr Jean Marty, ancien président du syndicat, désormais trésorier. "Le message a été diffusé sur la newsletter sans en référer à l'ensemble du bureau", assure le secrétaire générale adjoint. Ce jeudi 13 mars, au lendemain d'un conseil d'administration "houleux", le Syngof a fini par réagir à la polémique par voie de communiqué. "Les gynécologues du Syngof soutiennent sans réserve le droit à l'IVG", assure le syndicat, avant de déplorer que "le seul moyen aujourd'hui de se faire entendre est de générer une fausse polémique sur les réseaux sociaux dont on n’ignore pas l'impact négatif sur l'image des gynécologues obstétriciens et du Syngof". Et d'embrayer sur le "problème assurantiel qui concerne les gynécologues mais aussi les anesthésistes et les chirurgiens". "Aujourd’hui il nous est répondu que le fonds est trop fragile pour prendre en charge ce petit nombre de médecins torturés par leur risque de ruine. Les nouvelles générations s’interrogent donc légitimement sur la capacité de ce Fonds de garantir leur profession à risque", explique le syndicat, qui en appelle à Agnès Buzyn.
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