Présidentielle : sur quoi s’accordent les candidats pour lutter contre les déserts médicaux ?

01/03/2022 Par Louise Claereboudt
Démographie médicale
Ce mardi 1er mars, quatre candidats à l’élection présidentielle 2022 (Fabien Roussel, Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Valérie Pécresse) ont présenté les grandes lignes de leur programme santé lors d’un Grand Oral organisé par la Mutualité française. L’accès aux soins était au cœur des propositions.
 

Alors que 66% des Français estiment que la santé est la grande oubliée de l’élection présidentielle, d’après les résultats d’un sondage Harris Interactive dévoilés ce jour, quatre candidats ont tenté de renverser la balance. Ce mardi 1er mars, à un peu plus d’un mois du premier tour de l’élection, Valérie Pécresse (LR), Yannick Jadot (EELV), Anne Hidalgo (PS) et Fabien Roussel (PCF) se sont prêtés au jeu d’un Grand Oral, organisé au Palais Brongniart, à Paris, par la Mutualité française. Hôpital, protection sociale, prévention, autonomie et Ehpad… Les thèmes abordés étaient bien sûr larges, mais de nombreuses propositions se sont focalisées sur la lutte contre les déserts médicaux, dont souffrent aujourd’hui des millions de Français. Plus de la moitié (58%) d’entre eux indiquent avoir déjà dû renoncer à des soins à cause des délais d’obtention de rendez-vous trop longs, d’après le sondage Harris Interactive. L’Assurance maladie évalue par ailleurs à 6 millions le nombre de concitoyens dépourvus de médecin traitant, dont 600.000 en ALD.

  Former plus de médecins Dénonçant un "scandale en termes de promesses républicaines", le candidat écolo Yannick Jadot, premier à s’exprimer, a assuré que ces difficultés d’accès aux soins participaient "à la division des Françaises et Français", mais aussi, "très largement", à "la montée des populismes" en France. Ce dernier a ainsi plaidé pour une "montée en puissance sur la formation des médecins". Pour limiter les "ruptures" de soins dans les années à venir, il entend notamment "doubler" les capacités d’accueil dans les facultés de médecine. Anne Hidalgo, la candidate socialiste et maire de Paris, souhaite "totalement" supprimer le numerus clausus – aujourd’hui remplacé par un numerus apertus par le Gouvernement. Objectif : former 15.000 médecins chaque année. L’idée de former davantage de médecins est également partagée par le candidat du parti communiste Fabien Roussel. Ce dernier veut ouvrir les études de médecine à 12.000 jeunes par an, contre 8.000 à l’heure actuelle. Une mesure qu’il n’a cependant pas détaillée lors de ce Grand Oral. Pour contrer les effets du numerus clausus, la candidate de la droite, Valérie Pécresse, entend former 20.000 nouveaux praticiens chaque année d’ici la fin du quinquennat.   Contraindre les jeunes praticiens à aller dans les déserts Valérie Pécresse souhaite également miser sur la quatrième année de DES de médecine générale, prévue dans le cadre de la réforme du 3e cycle. Mais, dans son programme, elle prévoit que les internes en médecine générale effectuent cette dernière année dans un désert médical, "dans une maison de santé ou dans un cabinet de groupe". Cette mesure serait d’abord enclenchée à la rentrée 2022 sur la base du volontariat. Les jeunes intéressés pour exercer dans une zone sous-dotée verraient leurs actes bonifiés. Mais à partir de 2025, cela deviendrait une obligation. Une contrainte que Valérie Pécresse voit comme une "contrepartie de la revalorisation du tarif de consultation" prévue dans son programme. Cette dernière entend en effet monter le tarif de la consultation des généralistes à 30 euros, mais aussi démarrer une révision des prix pour toutes les consultations des spécialistes. Pour la candidate LR, cette année de Docteur Junior serait finalement "un moyen d’éviter l’obligation d’installation" et "pourrait donner envie" aux jeunes "de s’installer" et, ainsi, de "provoquer une installation peut être plus précoce". Pourtant d’un bord politique opposé, Anne Hidalgo suggère elle aussi de mettre en place une quatrième année qui serait "une année professionnalisante" et que les jeunes médecins effectueraient dans un désert. Ces jeunes – qui seraient accompagnés par des médecins plus expérimentés – seraient rémunérés 3.500 euros pour cette quatrième année. Cela pourrait permettre de déployer, selon elle, au moins "4.000 jeunes médecins dans des déserts médicaux". Une mesure qu'elle estime "urgente" car "il faut dix ans pour former les médecins". Durée que les Français isolés du système de santé n’ont pas. De son côté, le candidat écolo a déclaré que "oui, il faudra mettre en place une obligation d’installation". "S’il y a une nécessité absolue, il faudra qu’il y ait des médecins qui aillent dans des déserts médicaux pour que les Français aillent se soigner", a-t-il expliqué, en particulier lors de la dernière année d’internat et durant les deux premières années d’exercice. Ce dernier s’est positionné en faveur d’un conventionnement sélectif dans les zones surdotées, affirmant toutefois qu’il sait "que cela déplaît profondément aux médecins. C’est une réalité et je la comprends parfaitement." Fabien Roussel entend lui aussi conditionner l’installation d’un médecin dans une zone dense au départ d'un autre médecin à la retraite. Par ailleurs, il estime qu’"il faut accompagner les médecins qui sortent de l’école. Après douze ans d’études, il faut leur donner envie de venir s’installer", a-t-il déclaré. "Il faut partir de ce que ces jeunes médecins ont dans la tête : ils ne veulent plus travailler 70 heures par semaine […] Ils veulent élever leurs enfants et vivre en famille, avoir une sécurité financière, des médecins qui les accompagnent dans leurs débuts. Tout ça à la fois, il faut leur permettre d’y avoir accès." Cela passe notamment par un accompagnement par les municipalités.   Décentraliser la gestion de l’offre de soins Outre l’installation des médecins, le candidat écologiste a appelé à "construire notre système politique de santé à partir des bassins de santé, des territoires de 50.000 à 150.000 personnes". Il suggère ainsi de mettre l’ensemble des acteurs autour d’une table (hôpitaux, cliniques, médecins de ville, mutuelles…) afin de répondre aux besoins de la population de ce bassin en trouvant des solutions adaptées : création de maison de santé, de centre pluriprofessionnel… Cette refonte du système impose par ailleurs selon Yannick Jadot de "repenser les missions des agences régionales de santé". Celles-ci ne doivent plus être "des canaux de contrôle et d’injection de la politique pensée à Paris" mais "de vrais lieux de coordination de l’offre de santé à l’échelle des territoires".

Valérie Pécresse juge également nécessaire de "changer complètement de modèle". Il faut désormais "partir de la demande de santé des territoires", soutient-elle aussi, "décentraliser la gestion de l’offre de soins dans les territoires". Ainsi, elle entend "donner la présidence des ARS aux régions, et faire du département le pilier de la politique médico-sociale, y compris de la médecine scolaire". "On est face à un mur qu’on doit escalader. Et quelle est la recette ? La recette, c’est la décentralisation, l’alliance territoriale de santé." Cette dernière a évoqué la possibilité de "déroger à la procédure", si les besoins l’imposent dans certains territoires, en permettant la validation des acquis de l’expérience (VAE), mais aussi de "faire progresser en responsabilités les professionnels de santé qui sont sur les territoires", les infirmières par exemple. S’il manquait ce mardi de nombreux candidats qui prétendent devenir les futurs locataires de l’Elysée, ils seront amenés à s’exprimer de nouveau sur leur programme santé à l’occasion d’un grand débat organisé le 17 mars prochain par la Fédération hospitalière de France à l’occasion de la Journée d’hommage aux soignants.

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