Gâchis humain, sélection, programmes : rien ne va dans la réforme de la Paces pour l’Anemf

19/11/2020 Par Marion Jort

Pour préserver la santé mentale des étudiants en santé, dépassés par la mise en place chaotique de la réforme du premier cycle et confrontés au confinement ainsi qu’aux cours en distanciel, l’Association nationale des étudiants en médecine de France et cinq autre associations représentatives des étudiants en santé formulent une série de propositions afin de limiter les troubles psycho-sociaux des nouveaux Pass/LAS. “Pronostic mental engagé", martèle l’Anemf depuis une semaine dans le cadre d’une grande campagne de prévention lancée sur les réseaux sociaux. L’association représentative des étudiants en médecine de France s’inquiète de la mise en place mal gérée de la réforme du premier cycle des études de médecine. Elle pointe surtout du doigt l’objectif vanté par le Gouvernement de vouloir mettre en place un modèle moins inhumain que la Paces, raté. “Le système est absurde et il nous faut le regarder en face” déclarait Emmanuel Macron le 18 septembre 2018. Et pour cause, les dérives liées à la Paces sont connues de tous : modèle unique, trop coercitif, inhumain, inégalitaire. Dans le cadre de cette réforme du premier cycle (RC1), décision a donc été prise par le ministère de l’Enseignement supérieur de diviser l’ex-Pace en deux nouvelles voies d’accès : les Pass et les L.AS. “L'accès aux études de santé se décline en 35 PASS, 227 mineures santé et 457 L.AS, répartis sur l'ensemble du territoire, y compris dans des universités qui ne comptent pas de faculté de médecine”, dévoilait la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal lors de son discours au colloque de la Conférence des Présidents d’Université le 24 septembre 2020.

Plus de Paces, mais pour quels changements ? L’ambition affichée est de supprimer le numerus clausus, de diversifier le profil des étudiants en leur permettant d’accéder aux études de médecine via plusieurs voies d’accès. L’évaluation rédactionnelle et orale est aussi privilégiée, afin de mettre en exergue les compétences réflexives et relationnelles des futurs professionnels de santé́. Possibilité est également faite aux étudiants de pouvoir se réorienter vers d’autres filières de la faculté, à défaut de pouvoir redoubler leur première année de Pass. En place depuis septembre, cette réforme ne remplit cependant pas tous ces beaux objectifs. “Trois mois après la rentrée universitaire 2020 et donc la mise en place de la réforme, nous constatons déjà les ravages qu’elle cause chez les étudiants. Trois mois après la rentrée universitaire 2020, nous constatons la dégradation criante de...

leur santé mentale. Trois mois après la rentrée universitaire 2020, nous constatons tous les jours les inquiétudes des étudiants, leur appel à l’aide en quête de réponses et leur détresse psychologique”, affirme l’Anemf. Refusant de cautionner la tournure de la R1C, l’Anemf, ainsi que 5 autres représentatives des étudiants en santé*, formule une série de propositions pour une application juste de la réforme, basée sur cinq axes principaux.  

  Limiter le gâchis humain en favorisant l’orientation et facilitant la réorientation L’Anemf dénonce d’abord le manque de coordination entre les différentes voies d’entrées aux études de médecine, alors que c’est via ce point précis que les autorités vantent la diversification des profils. “Si les UFR Santé ne sont plus les seules à proposer des formations permettant d’accéder aux études de santé, il semblerait que la réforme se soit imposée aux autres composantes, sans qu’elles en comprennent réellement le fonctionnement et les enjeux”, estime le rapport. Problème, la diversification des profils passe par l’alliance de plusieurs UFR dans le cas des L.AS. Il semble que ces dernières se soient vues imposés la R1C sans trop en comprendre les enjeux. Mais conséquences, les étudiants de L.AS se sentent délaissés, déboussolés. Ce que l’Anemf propose pour y remédier :

Le rapport dénonce aussi le "gâchis humain” d’étudiants dont l’inscription a été chaotique. D’abord, les capacités d’accueil dans...

les universités ont diminué, pour 4 établissements sur 10, de 5%. Certains bacheliers n’ont donc pas pu obtenir la formation de leur choix et se rabattre “par défaut”, sur une autre formation. Autre travers de la réforme : la stratégie déployée par des étudiants qui ont préféré faire leurs choix en fonction de leurs chances de réussite, contrairement à leurs centres d’intérêts. “Cette problématique témoigne d’un mal-être bien plus profond de l’enseignement supérieur, dont l’insuffisance de financements n’est plus à prouver. Cette réforme n’impacte pas seulement les étudiants se dirigeant vers des études de santé, mais bien tous les étudiants. L’augmentation du nombre d’étudiants en licence via les L.AS empêche certains lycéens d’obtenir une place dans des filières déjà en tension, renforçant la sélection à l’université alors même que certaines personnes ont obtenu une place dans cette filière faute de mieux, sans que cela ne relève de leur projet professionnel”, détaille le rapport.

  Rendre la première année formatrice et non plus uniquement sélective L’objectif de la réforme était de mettre fin à un bachotage pur et dur. Mais compte-tenu de la mauvaise mise en place de la réforme, certaines universités ont été contraintes de reprendre...

le programme de la Paces "quasiment à l’identique”, pour le transposer à la PASS. Cette réforme exigeant par ailleurs aux Pass de prendre une matière mineure (droit, économie, langues, etc..) en plus de leur enseignement en santé, les associations dénoncent, la charge de travail qui pèse sur les nouveaux étudiants est très importante. Pour éviter que ces derniers ne soient contraints de “choisir” des matières à réviser plutôt que d’autres, le rapport préconise donc de mieux répartir les ECTS (European Credits Transfer System). “Les ECTS d’une année de PASS ou L.AS ne doivent pas s’élèver au-dessus de 60 ECTS, soit le nombre d’ECTS d’une licence classique et les ECTS attribués doivent respecter le volume horaire inscrit dans l’arrêté fixant le cadre national des formations conduisant à la délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master (25 à 30h de travail, y compris personnel, correspondant à 1 ECTS). C’est seulement en respectant ce principe qu’un un meilleur équilibre entre la majeure et la mineure permettra à l'étudiant de tirer des bénéfices, aussi bien de sa formation majeure que mineure”, précise le rapport. Parmi ses autres propositions, ce rapport met également en avant le fait de proposer des options mineures cohérentes avec le projet professionnel, de réfléchir à l'articulation entre les enseignements de santé et les enseignements disciplinaires, de repenser le premier cycle des études de santé dans sa globalité et de permettre au module de découverte des métiers de la santé d’être un réel appui dans l’orientation des étudiants.   Une sélection plus juste combinant capacités d’accueil et besoins du système de santé A l’heure actuelle, les modalités d’évaluation pour les oraux n’ont pas été statuées ni anticipées, laissant les étudiants dans le flou. Une enquête menée en octobre 2020 auprès des 27 tutorats d’entrée dans les études de santé montrait que trois quarts des UFR n’avaient pas voté les modalités de ces oraux, un mois après la date limite légale pour les définir. Dans les UFR où les modalités de contrôle de connaissances ont été votées, elles restent peu claires et précises, selon un recensement réalisé auprès des tutorats dans le cadre de ce rapport.

Les syndicats et associations représentatives appellent aussi à repenser les modalités d’examen de la Pass et de la LAS pour...

“permettre aux étudiants d’apprendre plus intelligemment, en vue d’un métier, et non pas de cocher des cases lors d’un examen” ainsi que de proposer une préparation aux épreuves de sélection de qualité ne reposant pas sur les tutorats et de réfléchir de manière urgente à l'augmentation des capacités d'accueil au sein des formations de santé.    

  Réduire les risques psycho-sociaux des étudiants La principale source de mal-être est le climat d’incertitudes dans lequel évoluent les PASS et L.AS cette année : dans la grande majorité des UFR, les étudiants n’ont pas les informations suffisantes pour appréhender leur année. Ils restent sans informations sur le déroulement, les modalités de sélection, leurs chances de réussite... Les étudiants ont le sentiment de travailler “dans le vide”, ne sachant même pas si ces sacrifices leurs seront bénéfiques, explique le rapport.

  Donner à la réforme les moyens d’être perfectionnée Si aucune tolérance ne doit être de mise envers les universités qui ne respectent pas les mesures phrases de la réforme, le rapport préconise de pouvoir laisser les étudiants...

s'exprimer quant aux décisions qui sont prises, mais demande surtout plus de moyens. A l’heure actuelle, 16 millions ont été débloquées pour la RC1, trop peu pour l’Anef qui demande le double à minima, soit 32.000 euros.    

Enfin, une évaluation de la réforme et de ses conséquences sur les étudiants en santé devra être mise en place. “La réduction des risques psycho-sociaux étant une des raisons majeures qui a poussé́ la mise en place de cette réforme, ce volet doit absolument être pris en compte dans l’évaluation”, plaide le rapport.

 

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