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Maisons de santé : la Cnam veut valoriser la "patientèle commune"

Le 16 janvier dernier, se tenait la deuxième séance des négos conventionnelles ACI-MSP. Trois thématiques ont été abordées : taille de la MSP et mono-site/multi-sites, file active d'équipe et expérimentation Ipep.

24/01/2025 Par Karen Ramsay
Maisons de santé
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Article initialement publié sur Concours pluripro

 

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L'ambiance était "plutôt constructive" et la parole "assez libre". Et pour Pascal Gendry, co-président d'AVECsanté qui assiste pour la première fois à ces négociations à titre d'observateur, la Cnam semble "à l'écoute" et "y mettre tout son poids". Lors de la 2e séance des négos ACI-MSP jeudi 16 janvier, la Cnam et les organisations représentatives des professionnels de santé ont échangé pour mieux définir les contours du prochain avenant 2 de cet ACI, conclu le 20 avril 2017 et modifié par un seul et unique avenant le 4 mars 2022. Deux heures d'échanges pour parler de la taille de la MSP et de la notion de "mono-site/multi-sites", de file active d'équipe et de l'expérimentation Ipep. 

Plus d'une MSP sur 2 fonctionne en mono-site

Sur les 1.918 maisons de santé ayant atteint les pré-requis de la rémunération en 2023, 56% fonctionnent en mono-site, soit 1.075 MSP, regroupant 14.051 professionnels associés et 4.727 vacataires. 72% d'entre elles (774) se situent en zone urbaine et 28% (301) en zone rurale. Au sein des MSP en mono-site, 85% comptent entre 2 et 20 professionnels de santé (915), 14% regroupent entre 20 et 40 (150), 0.7% entre 40 et 50 (7) et 0.3% en ont plus de 50.

"Quelle est la 'distance acceptable' entre les sites pour s’assurer d’une continuité des soins et d’une coordination autour d’une patientèle ?"

En parallèle, 843 MSP fonctionnent en multi-sites, précise la Cnam dans son document de travail. Celles-ci regroupent 16.576 professionnels associés et 4.345 vacataires. 48% d'entre elles comptent entre 2 et 20 professionnels de santé (512), 25% en comptent entre 20 et 40 (268), et seuls 0.4% (4 MSP) comptent plus de 80 professionnels. 

Ces deux notions "mono-site" et "multi-sites" étant "différemment [comprises] sur le terrain", il est "nécessaire", estime la Cnam, de "clarifier dans l’ACI [ces] définitions". D'autant que "la taille de certaines MSP interroge". Quelle est la "distance acceptable" entre les sites pour s’assurer d’une continuité des soins et d’une coordination autour d’une patientèle ? Quels outils et modalités d’organisation fixer pour garantir un modèle d’exercice coordonné ? La définition doit-elle être adaptée entre une zone rurale et une zone urbaine ? Faut-il limiter le nombre de sites différents ? Faut-il fixer une limite au nombre de professionnels de santé par MSP ? De plus, vu la taille des "grosses" MSP (soit plus de 100 professionnels de santé), n’exercent-elles pas plutôt des missions semblables à celles d’une CPTS ? De nombreuses questions ont été soulevées… 

"C'est compliqué d'y répondre car chaque MSP correspond à un projet de santé et chaque professionnel de santé est différent d'une équipe à l'autre, précise Pascal Gendry. Et puis, il y a toutes les contraintes et les réalités territoriales, immobilières, démographiques... À un moment où on veut structurer les soins primaires par la constitution d'équipes, il ne faut surtout pas casser des dynamiques. Parce que ce n'est pas qu'une histoire de proximité géographique…", assure le médecin généraliste, installé à la MSP de Renazé, en Mayenne. Et puis, poursuit-il, "attention aux confusions entre MSP et CPTS car la CPTS est une communauté de professionnels sur un territoire, qui participe à l'organisation des parcours, mais ce ne sont pas des effecteurs de soins." 

Si Agnès Giannotti, présidente de MG France, estime qu'il est "intéressant" d'avoir un regard sur les réalités et un "descriptif de la vraie vie" au sein des MSP, "une loi trop stricte et normative serait contre-productive", glisse-t-elle. Il faut donc "trouver le moyen de régler les effets d'aubaine, parce que notre objectif commun, c'est que tout cela ait du sens… Certes, il y a des explications historiques ou territoriales, mais tant qu'il s'y passe quelque chose, personne n'est partant pour mettre des verrous administratifs", assure la généraliste qui exerce à la MSP Goutte d'Or, une maison de santé multi-sites située dans le 18e arrondissement parisien. 

En 2023, un quart des MSP avaient une file active supérieure à 10.658 patients, estime la Cnam, avec une moyenne de 8.958 patients par maison de santé. Les quelques 10 % des MSP ayant les files actives les plus faibles comptent "3.904 patients file active ou moins"

Source : Cnam

En moyenne, seuls 14% de la file active d'une MSP a vu "au moins 2 professionnels ou spécialités différentes" au sein de la structure, révèle la Cnam. Une moyenne "assez faible" à ses yeux. Pour 1 MSP sur 10, ce taux est supérieur à 26,5%. En considérant uniquement les patients en ALD, la moyenne de cette file active ayant vu au moins 2 professionnels ou spécialités différentes est de 21,8%. Pour 1 MSP sur 4, ce taux est supérieur à 30,6 % et pour 10%, il est supérieur à 39,7 %. 

L’objectif étant de "valoriser les MSP qui proposent un 'parcours' coordonné aux patients qui le nécessitent et le souhaitent", la Cnam propose de créer, dans l'avenant 2, un nouvel indicateur "patientèle commune" suivant ce calcul :   

Source : Cnam

"File active et patientèle commune sont complémentaires, lance Pascal Gendry. Il s'agit de coordination autour de situations de patients avec un regard pluriprofessionnel… Avoir une file active commune entre des professionnels de santé, c'est la possibilité de réfléchir sur des parcours, sur le meilleur soin, sur des problématiques d'accès aux soins, des regards différents… C'est vraiment le cœur même de la MSP." 

Compérage et liberté de choix

Dans son document de travail, l'Assurance maladie précise qu'en moyenne, seuls 2 patients sur 10 qui ont besoin de soins infirmiers ou kinés les effectuent dans la MSP où ils ont consulté un médecin généraliste. Et 3 patients en ALD sur 10. "On est donc sur 20% de patientèle commune…, estime Pascal Gendry. C'est peu mais on a aussi beaucoup attaqué les MSP sur la notion de compérage, et finalement, ça prouve bien que la liberté de choix du patient est respectée au sein de la MSP. Donc ce n'est pas parce qu'ils voient un médecin de la MSP qu'ils sont obligés de voir tous ses collègues. Cependant, on peut penser que plus on aura de patientèle commune entre différents professionnels, plus ça permettra d'avoir ce regard croisé et cette facilité de coordination." 

Il s'agit là d'"un vrai sujet qu'il ne faut pas mettre sous le tapis", assure Guillaume Rall, président du Syndicat national des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs (SNMKR), mais il faut être "vigilant dans la manière dont on organise cet indicateur". Parce que "la file active de chaque profession est différente" et que "les démographies professionnelles ne se ressemblent pas", il ne faut pas placer les curseurs trop hauts, avance le kiné installé dans le Loiret. "Et éviter de se dire que l'absence de patientèle commune en MSP signifie une faille dans cet exercice coordonné… On ne peut pas concevoir cet indicateur comme l'alpha et l'oméga de la coordination." 

Ce travail en équipe ne s'apparente pas à du "compérage", insiste la Cnam, soit le fait, "pour des professionnels de santé, [de] s’accorder au détriment de leurs patients en vue d’en tirer des avantages communs". Un compérage "interdit", rappelle l'article R. 4127-23 du Code de la santé publique, d'autant que cette "entente illicite" "entacherait la liberté et l’indépendance professionnelle" et porterait atteinte "au libre choix des patients", assure l'Ordre des médecins. Ainsi, précise la Cnam, il n'y a "pas de présomption de compérage du seul fait de faire partie d’une MSP constituée en Sisa et d’exercer l’activité en commun en accord avec leurs statuts". Ce que confirme un autre article (art. L. 4043-1) qui assure que "les associés d'une société interprofessionnelle de soins ambulatoires ne sont pas réputés pratiquer le compérage du seul fait de leur appartenance à la société et de l'exercice en commun d'activités conformément aux statuts". 

L'objectif, à travers la file active d’équipe, est de "valoriser la coordination entre professionnels de santé autour des patients", rassure l'Assurance maladie. Dès lors, il s'agira de s'interroger sur les moyens d'inciter les MSP à se structurer davantage autour d’une patientèle commune, et de déterminer si cette notion de file active d’équipe a plus de sens pour des patients avec des besoins particuliers, comme ceux en ALD. 

Ipep : en moyenne 8,10 euros par patient

Découlant de ce souhait de valoriser le travail en équipe et la patientèle commune, la Cnam a présenté les chiffres de l'article 51 "Incitation à une prise en charge partagée" (Ipep), qui expérimente un nouveau modèle d'incitation financière collectif pour des professionnels et structures volontaires. Un intéressement collectif annuel, complémentaire et non substitutif aux autres modes de rémunération de droit commun existants, à condition que certains indicateurs de qualité et de maîtrise des dépenses s’améliorent. 

En 2023, la Cnam recensait 30 groupements (principalement des MSP et des CPTS) expérimentateurs d'Ipep, dans 14 régions, 485 médecins traitants participants et 550.000 patients concernés. Parmi les principales actions mises en place dans le cadre cet "article 51" : la coopération médecin traitant-infirmière, notamment pour la prise en charge des soins non programmés ; le temps de coordination ville-hôpital, notamment pour la sortie d’hospitalisation ; les actions de prévention ; ou encore, les actions d’information ou de formation à destination des professionnels.

Dans le cadre d'Ipep, les MSP ont été rémunérées en moyenne 8,10 euros par patient en 2021, 2022 et 2023 (hors garantie budgétaire, bonus expérience patient et après application des plafonds). Une rémunération "très variable", note la Cnam car "la moitié des MSP [pouvait] gagner moins de 5 euros par patient une année et atteindre le plafond de 20 euros une autre année". Les 8 groupements de MSP participant à l'expérimentation Ipep ayant compté entre 5.000 et 15.000 patients, les montants annuels perçus éraient "très fluctuants" car directement proportionnels à la taille de la patientèle. 

Un arrêté paru au JO le 5 juillet 2024 autorise l'entrée en phase transitoire "pré-généralisation" de l'expérimentation, désormais classée "innovation", pour une durée de 18 mois. Pour l'équipe projet, ce modèle de rémunération est "abouti" mais nécessite "des adaptations". Ainsi, en vue de la transposition du modèle dans le droit commun, il faudrait, estime-t-elle, "rééquilibrer" ces deux composantes et "plafonner davantage les intéressements".

Le fait que les maisons de santé soient allées jusqu'au bout de l'expérimentation montre que celle-ci a été "positive", assure Pascal Gendry : "C'est du bonus. Et cet équilibre entre l'efficience économique et la qualité des soins, c'est quelque chose qui intéresse forcément les MSP. C'est au cœur de ce pourquoi les gens sont réunis au sein de ces structures… Et dans plusieurs maisons de santé, les gains ont servi d'investissement et de renforcement de la structuration de leur équipe." Seul bémol soulevé par Agnès Giannotti : la variabilité des montants des financements qui ne permet pas de financer des emplois pérennes au sein de l'équipe. 

Prochaine séance des négociations le 30 janvier prochain. Une troisième session qui devrait mener, d'ici avril prochain – le calendrier a été revu –, estime la Cnam, à une signature de cet avenant 2. 

3 débatteurs en ligne3 en ligne
Photo de profil de Fabien Bray
6,2 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 3 mois
Ca m'a l'air d'être un grand foutoir administratif... Des MSP à plus de 100 professionnels ça s'appelle une clinique ou un hôpital, mais pas une "maison". Et quand je lis plus loin que les plus grosse
Photo de profil de Michael Finaud
3,2 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 3 mois
Lorsque la CNAMT veut intensifier ce qu'elle nomme la "régulation" c'est toujours un peu inquiétant, les pseudo-fonctionnaires technocrates qui pondent des réglementations et des "parcours de soins" b
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