Egora.fr : Quels sont les grands chantiers 2020 ? Michèle Lenoir-Salfati : Depuis 2016, nous avons amélioré l’offre DPC. Ensuite, nous avons amélioré le modèle économique. Le premier objectif de cette année, c’est d’accentuer les contrôles. Le deuxième, c’est l’amélioration du dispositif financier grâce à notre étude de coût. Le troisième, c’est de faire prendre conscience que le DPC doit être un dispositif qui sert de levier pour la transformation des pratiques du système de santé. Tout ce qu’on fait à l’heure actuelle, c’est du contrôle à posteriori : les ODPC conçoivent les actions, les déposent et nous, nous les validons, ou non. Une autre manière de travailler sur la qualité de l’offre sera de donner des exigences aux organismes de DPC, d’encadrer en amont sur la base d’un cahier des charges. Nous dégageons trois thèmes cette année. Pour les médecins généralistes, le dépistage précoce des troubles neuro-cognitifs. Au moment où on constate une certaine inefficacité des médicaments Alzheimer, l’enjeu du repérage précoce et de l’adressage précoce dans tout le réseau est majeur. Il y a des modes de prise en charge qui permettent d’accompagner, de ralentir des progressions qui sont déterminantes. Nous allons aussi travailler sur le dépistage précoce des troubles du spectre de l’autisme pour les médecins généralistes et les pédiatres. Nous travaillons pour cela avec la Délégation Interministérielle autisme. L’enjeu c’est de former ces médecins à connaître les signaux à trois mois, six mois, un an, deux ans qui peuvent permettre de poser un diagnostic. C’est à la fois un enjeu de santé et sociétal. Le dernier grand thème sera la maîtrise de l'antibiorésistance, pour tous les médecins. Il faut essayer de réduire la consommation d’antibiotiques qui sont redevenus, quelque part, un peu trop automatiques. C’est aussi une problématique très actuelle qui touche au développement durable.
Quel bilan l’ANDPC peut tirer au titre de l’année 2019 ? On a largement contribué, cette année et depuis 2017, à améliorer l’offre DPC et garantir...
sa qualité. Toutes les actions déposées sont contrôlées par nos services, ce n’était pas le cas avant. On contrôle le fait que ce soit dans les actions prioritaires, que les formations soient bien dans thérapies validées scientifiquement ; et on contrôle aussi que les méthodes de DPC annoncées sont bien présentes. En termes de qualité, les commissions scientifiques indépendantes évaluent les formations scientifiquement et pédagogiquement. D’ailleurs, on a déjà désenregistré deux organismes en décembre. Que peut-on dire de l’investissement des médecins ? Se forment-ils toujours autant ? Depuis 2017, on observe une montée en puissance continue de l’inscription des médecins à des actions de DPC. L’année 2019 est une année record. Nous nous demandons si ce record est lié au fait que les médecins ont vraiment pris goût au DPC ou si c’était la dernière année du triennal [2017 - 2020, ndlr] et donc qu’un certain nombre de médecins qui ne s’étaient pas engagés jusque-là se sont dit qu’il fallait absolument le faire. Au mois de janvier 2020, nous constatons toutefois que nous sommes dans une dynamique similaire à celle de janvier 2019 concernant les inscriptions à l’année. Il y a le même taux d’engagement financier et à peu près au même nombre de médecins qui se sont inscrits à des actions de DPC. On peut donc dire qu’ils sont dans une dynamique d’inscription continue. Ce sont les médecins, les généralistes en particulier, qui s’engagent le plus aujourd’hui. Ils ont été 101.421 à s’inscrire en 2019.
Les profils de médecins s’inscrivant aux actions de DPC sont-ils variés ? Le petit bémol...
sur lequel nous travaillons, c’est qu’on a l’impression que ce sont toujours les mêmes qui s’inscrivent. On ne couvre pas 100% des médecins. On a des gens qui s’inscrivent et se réinscrivent et à côté de ça, des médecins qui n’ont jamais émargé chez nous. On est donc satisfaits parce qu’ils s’engagent plus mais il y a ce bémol. L'objectif en 2020 est d’aller chercher ceux qui ne s’engagent pas.
Les médecins sont plus nombreux à suivre des formations et l’offre est de plus en plus importante. Le financement sera-t-il identique à l’an dernier ? Avec les sections professionnelles, nous avons décidé de ne pas modifier les forfaits 2020. Ils seront donc identiques à 2019. Pour autant, rien ne nous empêche de travailler sur ce sujet. Une étude de coût a été lancée en partenariat avec l’université de Franche-Comté, qui échantillonne un certain nombre d’organismes de toute nature (associations, hôpitaux…) pour toutes les professions et tous type de DPC. L’objectif c’est de payer de la manière la plus juste possible en connaissant tous les coûts (conception, déploiement, organisation…) et d'introduire la notion d’amortissement. A l’heure actuelle, on paie de la même manière une action toute nouvelle et une action déployée depuis dix ans. L’idée, c’est de ne pas surpayer certaines formations et de ne pas sous-payer d’autres. On veut appuyer les organismes dynamiques. Quelles sont les formations les plus efficaces ? En termes d'acquisition par le professionnel, tout n’est pas équivalent. La formation présentielle en grande salle plénière d’un congrès, a peu d’impact sur les pratiques. La formation présentielle en petit groupe, c’est un peu mieux. Mais ce qui marque vraiment la modification de pratique, c’est la démarche d'évaluation ou de gestion des risques. Dans ce cas, le médecin ne fait pas qu’écouter un discours mais...
il est actif et s’évalue. Si on prend l’exemple de la prise en charge d’un diabète de type 2, il peut évaluer sa prise en charge sur ses dix derniers patients. Ce sont des choses qu’on veut valoriser. De même, la simulation en santé est extrêmement efficace. Elle se développe en formation initiale, il faut qu’elle se développe en formation continue. Faire simuler ensemble à des équipes des prises en charge concrète, c’est très pertinent parce qu’on est immédiatement confrontés à ce qu’on sait ou ne sait pas. On a le sentiment qu’on doit pousser ces méthodes actives. A terme avec les études que nous avons lancé, on pourrait imaginer avoir des forfaits qui seraient différenciés en fonction du type d’action, pour valoriser des formations qui ont un plus fort impact sur les pratiques.
Quelle indemnisation est prévue en 2020 ? Elle sera identique pour la prise en charge pédagogique et pour l’indemnisation professionnelle puisqu’elle est sur Lettre-Clé. Je tiens juste à rappeler que l’indemnité professionnelle est prévue dans le cas d’une perte d’activité et qu’il n’y a donc aucune raison de la toucher en dehors de ce cadre. Quand on va se former un dimanche ou un jour férié, on n'a pas besoin de la toucher. L’ANDPC vient de lancer une offre de formation interprofessionnelle. D’où est venu ce besoin ? Désormais, l’idée c’est de proposer des actions de DPC interprofessionnelles en appui à l’exercice coordonné. La ministre, Agnès Buzyn, a souhaité...
qu’on fasse un focus particulier sur l’appui au développement des CPTS. On a dans notre offre des actions qui, à la base, ont été prévues pour un public constitué de plusieurs professions. Dans ces actions pluriprofessionnelles, on ne travaille pas forcément la façon dont, dans le cadre d’une prise en charge, les différentes professions s'interfacent. Ils assistent simplement à la même formation dans la même salle. Autre problème : sont autour de la table dans ce cadre un médecin de Brest, une infirmière de Marseille, un pharmacien de Bordeaux… Que des personnes qui ne travaillent pas ensemble au quotidien.
C’est cela qui a fondé l’appel à projet pour créer une offre pour véritablement se concentrer sur les compétences interprofessionnelles. L’idée, c’est de travailler sur la non-rupture de parcours. On sait ainsi qui fait quoi, on sait à qui passer la main, quand, pourquoi… Et surtout, cela doit concerner des équipes qui travaillent ensemble. C’est-à-dire que dans notre projet, les formations doivent s’adresser à des équipes d’un même territoire de santé. Ils ne vont pas forcément venir s’inscrire mais c’est l’organisme qui va approcher ces équipes pour leur proposer de venir ensemble travailler autour d’une thématique. Quelles seront les thématiques de ces formations interprofessionnelles ? Aujourd’hui, les actions sont essentiellement méthodologiques. Comment, par exemple, faire un bilan de territoire ou comment faire un protocole de prise en charge conjointe ? L’objectif, à terme, c’est de répondre à des sujets thématiques sur la prise en charge de telle ou telle pathologie. On va aussi demander aux organismes de développer d’autres actions à partir du mois de mars. Il y a pour l’instant six organismes qui proposent de la formation interprofessionnelle. Quelle sera l’indemnisation pour les médecins ? Le tarif est unique. La prise en charge pédagogique est la même pour tout le monde. Aujourd’hui, pour un médecin c’est...
95 euros de l’heure de prise en charge pédagogique et 23 euros pour une sage-femme. On a donc décidé que le forfait pédagogique pour l'interprofessionnalité, quel que soit le professionnel, serait de 67 euros. L’indemnisation du professionnel reste, elle, évidemment variable puisqu’elle est assise sur la Lettre-Clé. On estime aujourd’hui qu'un médecin qui vient se former perd plus de revenus qu’une infirmière par exemple. Quel est le poids du e-learning dans la formation DPC ? Aujourd’hui, l’e-learning est indemnisé de la même manière que toutes les autres formations. Cependant, on se pose la question pour 2021. Il y a deux types de e-learning : la formation à distance, très pratique mais qui ne fonctionne pas vraiment parce que cela correspond à regarder un diaporama pendant trois heures. En revanche, il existe un type de e-learning très intéressant qui couple le cours avec de l’EPP (Evaluation des pratiques professionnelles). Les médecins sont actifs : ils peuvent s’auto-évaluer, rentrer leurs résultats qui seront analysés et même comparer leurs résultats avec ceux d’autres médecins. Encore mieux : il existe de la consultation simulée. Vous comprenez donc que tout ne peut pas être rémunéré de la même manière.
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