Saignements, commotions… Comment les joueurs de la Coupe du monde du rugby sont pris en charge par les médecins

21/09/2019 Par Marion Jort
Insolite

L’équipe de France fait son entrée aujourd’hui dans la Coupe du monde de rugby, face à l’Argentine ! L’occasion de se pencher sur le poste de médecin de l’équipe de France. Médecin du sport et responsable du DIU de pathologie du rugby, Jean-Philippe Hager a été le médecin attitré du XV de France de 2007 à 2011. Il en raconte les coulisses.
“Pour être médecin du XV de France, il faut être à la fois, médecin du sport, urgentiste de terrain, traumatologue… Bref, avoir toutes les compétences !”  Voici comment Jean-Philippe Hager résume aujourd’hui le poste de médecin du XV de France. Ancien médecin de l'équipe de France de Rugby entre 2007 et 2011, il est actuellement médecin du Lyon olympique universitaire (LOU) et responsable scientifique auprès de la Fédération Française de Rugby.  Si la médecine du sport au contact des sportifs de haut niveau est exigeante, le statut de médecin de l’équipe de France l’est encore plus. “Une sorte de couteau suisse ultra-organisé”, sourit le professionnel. Pour pouvoir soigner les joueurs blessés pendant les matchs, une formation est obligatoire, assortie d'une certification passée tous les deux ans et validée par World Rugby, l’organisation internationale qui coiffe les fédérations de rugby à XV et de rugby à 7. Organiser un hôpital dans les stades à chaque match  Pour permettre une bonne prise en charge à chaque match, l’organisation dans les stades est très réglementée. Avant chaque rencontre, le médecin en titre de l’équipe de France rencontre son homologue de l’équipe adverse. Des spécialistes, dont la présence au bord du terrain est obligatoire, assistent également à ce rendez-vous. Ils sont généralement de la nationalité du pays qui organise la Coupe du monde. Un orthopédiste, un urgentiste, un chirurgien maxillo-facial et un neurologue – japonais cette année – travaillent donc aux côtés des deux médecins officiels. Ils sont généralement accompagnés de traducteurs pour faciliter les échanges.  En plus de cette équipe de médecins, un médecin neutre et un médecin chargé du “protocole commotion” sont nommés à chaque rencontre. “Nous organisons cette rencontre environ une heure avant le début du coup d’envoi. C’est court, surtout avec le stress”, raconte Jean-Philippe Hager. C’est aussi à ce moment que les médecins d’équipe livrent leurs consignes. “Nous sommes responsables de nos joueurs… Et donc toujours décisionnaires en amont. Si par exemple un joueur doit être brancardé, je souhaitais toujours m’occuper de la tête et de la problématique cervicale. C’est ce que j’expliquais pendant le rendez-vous.”  Jean-Philippe Hager insiste également sur le lieu : “la charge de la nation qui reçoit, c’est de mettre tout à disposition pour soigner”. Avant chaque rencontre, tous les médecins doivent donc prendre connaissance du stade, des installations et en maîtriser tous les recoins.  "15 minutes pour faire sortir le joueur, stopper les saignements et suturer”  Quand un joueur se blesse, il peut sortir sur décision du médecin de l’équipe, de l’arbitre ou du médecin neutre s’il a le moindre doute. “Chaque prise en charge est chronométrée”, explique le médecin. Un joueur ouvert qui saigne doit, par exemple, être “réparé” en 15 minutes. “C’est donc 15 minutes pour faire sortir le joueur, stopper les saignements et suturer.”  Idem pour les protocoles commotion. Le joueur peut sortir sur différents motifs. “Soit parce que c’est évident avec une perte de connaissance, soit par décision de la surveillance vidéo”, détaille Jean-Philippe Hager. “A partir de sa sortie, on dispose de 10 minutes”, explique-t-il.  Dix minutes pendant lesquelles le joueur... effectue un test (HIA 1) sous contrôle du médecin du protocole commotion. “Ces tests leur sont soumis au début de la saison. Nous devons avoir sur nous toutes les premières versions de tous les joueurs. Ainsi, nous savons ce qu’ils ont l’habitude de répondre et si la réponse est différente, nous devons le signaler.” Avant de rentrer à nouveau sur le terrain, les joueurs blessés doivent être contrôlés par le médecin neutre, qui valide – ou non – leurs réintégrations. Dans le cadre d’une commotion cérébrale, les joueurs doivent passer un nouveau test deux heures après le match (HIA 2) et 48 heures après (HIA 3), conduit par un neurologue cette fois.  Les lésions musculaires les plus fréquentes  “L’intervention qui m’a le plus marqué en tant que médecin du XV, c’est une commotion sur Jean-Baptiste Elissalde”, se souvient Jean-Philippe Hager. En 2008, face aux Îles Pacifique à Sochaux, le demi de mêlée français tombe après un crochet du fidjien Napolioni Nalaga et reste complètement KO au sol.  Ces dernières années, le risque lié aux commotions cérébrales dans le rugby a été largement médiatisé. Cette attention a participé à réduire fortement le nombre d'accidents : selon les chiffres de la Ligue nationale de rugby (LNR), 69 commotions ont été déclarées pendant la saison 2018-2019 de Top 14 en France, contre 91 lors du championnat précédent. Les arbitres n’hésitent d'ailleurs plus à sanctionner d’un carton rouge en cas de geste ou de contact illicite. Même si la commotion reste régulière sur les terrains, les principales interventions des médecins officiels du XV de France, au quotidien et lors des matchs, portent principalement sur des lésions musculaires, des entorses ligamentaires et des traumatismes de l'épaule du fait des contacts.  “Il faut tout de même saluer l’importante augmentation des moyens ces dernières années”, précise le médecin. “Il y a beaucoup de monde autour de nous, on se sent sécurisés. Aujourd’hui, la prise en charge sur le terrain est comparable aux meilleures équipes du Samu”, conclut-il. 

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