"Les infirmiers ne sont pas des victimes" : les dessins engagés d'un IDE aux urgences
Ça m’a pris comme ça et je n’ai jamais regretté ce choix", nous confie Toma E*. C’était il y a vingt ans : diplômé des Beaux arts, le jeune homme végète dans un poste de graphiste. Il décide alors de suivre les traces de sa famille, "issue du médical", en passant le concours d’entrée à l’école d’infirmier. "Je voulais être proche des gens plutôt que proche d’un ordinateur", résume-t-il.
Son diplôme d’IDE en poche, il intègre très vite les urgences, pour ne plus jamais les quitter. "Les infirmiers qui ont 20 ans de métier sont rares. La sélection naturelle se fait assez vite aux urgences : ceux qui ne sont pas faits pour ça ne tiennent pas longtemps », commente-il. Lui, est dans son élément. "Il n’y a pas de routine aux urgences, on ne s’ennuie pas", apprécie-t-il. "On voit les patients dans un état de fragilité, ils sont à nu. J’essaie toujours d’être empathique, même avec ceux qui viennent pour rien."
Ni bonne, ni nonne, ni conne
L’an dernier, l’idée lui vient de conjuguer ses deux passions -le dessin et son métier- pour raconter son quotidien aux urgences avec un compte Instagram à la fois "éducatif et humoristique" : Payetesurgences est né. En expliquant le fonctionnement du service, Toma E espère ainsi favoriser son bon usage.
"Amoureux" de son métier, l’illustrateur entend aussi changer le regard...
que la société porte sur les infirmiers. "Les reportages à la télé sur les infirmiers sont toujours larmoyants", regrette-t-il. "Oui, les conditions de travail sont difficiles", reconnaît-il, mais "ce n’est pas facile non plus pour un livreur Uber ou un employé de start up qui bosse 365 jours par an". "On n’est pas des victimes ou des bonnes sœurs. On est juste des gens normaux qui exercent un métier normal… sans doute un peu plus riche humainement – mais ça, c’est une chance", insiste-t-il.
Alors que le compte Instagram démarre doucement, l’explosion du Covid vient tout bouleverser. "ça a chamboulé ma pratique comme ma manière de raconter", souligne Toma E. Cette plongée dans l’inconnu, l’infirmier la décrit dans une série intitulée "A year in la merde". "C’est comme si j’avais tout recommencé à zéro", se souvient-il. "C’était une période formidable", lance-t-il, conscient de l’incongruité de ses propos "Même si c’était dur, on était vraiment dans notre cœur de métier, justifie-t-il. Les équipes médicales de première ligne avaient la main, pas les administratifs. On a pu réinventer le service. Et les gens nous aimaient bien pour une fois… même si on savait que ça ne durerait pas", ironise-t-il.
Artiste dans l’âme (il a publié un roman et sorti un disque), Toma E aimerait maintenant se faire connaître en tant qu’illustrateur. « Mais je n’ai pas du tout envie de renoncer à mon métier, que j’adore. » *Son nom d’artiste
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