Recos sur les hypothyroïdies : la HAS interpellée sur une "problématique de conflits d'intérêts"
Les recommandations sur la prise en charge des hypothyroïdies chez l'adulte, publiées en mars 2023 par la HAS, sont-elles entachées de conflits d'intérêts ? Pour Formindep, le "doute" est permis. Dans un communiqué diffusé le 18 janvier, l'association, qui milite pour une formation et une information médicale indépendantes, relève en effet une "discordance" entre les déclarations publiques d'intérêts de trois médecins "chargés de projet" dans le cadre de l'élaboration de cette recommandation et les sommes répertoriées à leur nom sur la base gouvernementale Transparence santé. Une "différence de près de 20000 euros" au total, calcule Formindep.
Les experts en question sont les Drs Manuel Sanchez, gériatre à l'AP-HP, Léa Demarquet, endocrinologue au CHRU de Nancy et Camille Buffet, endocrinologue à l'AP-HP, pour lesquels Formindep relève, respectivement, des différences de 1802 euros (16 conventions non déclarées), de 7506 euros (54 conventions et 3 avantages) et de 10373 euros (29 conventions) dans leurs déclarations. "Même si certains montants restent relativement modestes, leur absence de déclaration jette inévitablement un doute sur la transparence de la démarche et l'indépendance des experts ayant participé à la rédaction de ces recommandations", interpelle le président de Formindep, le Dr Christian Guy-Coichard, dans un courrier adressé au président de la HAS, le Dr Lionel Collet, en avril dernier. Et de rappeler "l'obligation réglementaire" pour les experts sollicités par la HAS de déclarer tous les liens d'intérêts.
L'association s'étonne, en outre, de l'existence de liens financiers entre les deux endocrinologues d'une part et les laboratoires Merck et (surtout) Sanofi, qui "commercialisent des produits prescrits dans les dysthyroïdies". "La persistance de liens financiers et le caractère incomplet de certaines déclarations d’intérêts - malgré l’obligation réglementaire - nous semblent de nature à jeter une ombre sur tout le protocole", alerte Formindep dans son communiqué.
Or, "le président de la HAS ne semble pas s'en soucier", tacle l'association, qui publie le courrier de réponse que Lionel Collet leur a adressé en juin. "Le Comité de validation des déclarations d'intérêts (CVDI) a conclu que l'analyse de la situation de ces trois chargés de projet n'avait fait apparaître aucune difficulté sur le plan de la prévention des conflits d'intérêts, au regard de I'objet des travaux, et qu'il n'y avait donc pas d'objection à leur participation au groupe de travail", précise le président de la Haute Autorité, assurant apporter "une constante attention" à la question.
"Cette analyse n’est pas correcte et ne répond pas à la problématique de la persistance de conflits d’intérêt de la part des experts", persiste Formindep, qui a décidé de saisir le déontologue de la HAS pour qu'il prenne "position".
Réaction "étonnée" des médecins mis en cause
Contactée par Egora, l'institution nous indique "ne pas vouloir réagir par voie médiatique". Quant aux trois médecins plus ou moins directement mis en cause, ils s'en remettent tous aux vérifications effectuées par la HAS. "Je suis assez surprise d’être citée, la HAS et son déontologue ayant pris connaissance des déclarations de la base à mon sujet avant que je commence à travailler sur le sujet", pointe ainsi la Dre Léa Demarquet. "Ce qui figure sur Transparence santé relève de déclarations basées sur des conventions signées et est par définition accessible à tous y compris aux vérificateurs de la HAS qui ont pris connaissance des déclarations de la base me concernant avant que je commence à travailler sur le sujet, réagit le Dr Manuel Sanchez. Je ne suis pas qualifié pour commenter la qualité ou non de leurs vérifications."
Tout aussi "étonnée" d'être "mise en cause" alors que sa participation en tant qu'experte dans la rédaction des recommandations sur la prise en charge des dysthyroïdies a été validée par le comité dédié de la HAS sur la base de "déclarations et des éléments figurant sur la base Transparence santé accessible à tous", la Dre Camille Buffet, cheffe du service à la Pitié-Salpêtrière, rappelle en outre que "ces recommandations ont été motivées, entre autres, par la surprescription de spécialités à base de lévothyroxine dans les hypothyroïdies" et qu'un des objectifs était de "rationaliser, autrement dit de limiter les prescriptions" de ces médicaments.
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