Tout a commencé sur les bancs de la faculté de droit. Sortie des études secondaires, Caroline Estremo se rêve alors grande avocate. Mais la désillusion arrive après seulement quelques mois passés à étudier. “Je n’y comprenais rien, confie-t-elle. Ça ne collait tout simplement pas à ma personnalité. Et puis, le juge serait devenu fou avec mon caractère.” Alors elle décide de poser sur une feuille blanche ses attentes pour son futur métier. Un seul ressort de cette réflexion : Infirmière. “C’était pourtant sous mon nez depuis tout ce temps”, raconte Caroline. Adolescente, elle avait tout fait pour se détourner de cette profession exercée par sa mère. Sans succès. À l’âge de 20 ans, la jeune Toulousaine décide alors de s’inscrire à l’école d’infirmière. Elle rejoindra quelques années plus tard les troupes du service des urgences du CHU de Toulouse. Là, Caroline Estremo constate que le métier n’est en rien ressemblant à ce qu’elle s’imaginait. “Je me suis fait arnaquer”, plaisante-t-elle.
“Rêve de gosse” “On est mal informés, influencés par les séries américaines comme Urgences ou Grey's Anatomy dans lesquelles on nous montre des urgences toujours incroyables, avec, par exemple, un avion de ligne qui tombe pile sur l’hôpital. Et toi, tu te dis que tu vas sauver des vies, opérer à cœur ouvert dans un ascenseur et, finalement, ton premier patient arrive avec une ampoule au pied”, se souvient la jeune Toulousaine. Cela n’effraie toutefois pas Caroline qui passe huit ans de sa vie à soigner, accompagner, rassurer les patients, toujours avec gaieté et humour. Jusqu’au jour où son “rêve de gosse” finit par se réaliser : monter sur scène...
En rentrant le soir chez elle, Caroline Estremo avait pour habitude de faire des petites vidéos où elle se gaussait de son quotidien en blouse blanche, des patients hypocondriaques, et des stéréotypes. Au départ pour ses collègues… puis pour 80.000 abonnés qui la suivent chaque jour sur les réseaux sociaux. L’ampleur devient telle que Caroline ne parvient plus à concilier sa vie de maman, d’infirmière et de jeune humoriste. Elle prend alors la lourde décision de faire une pause à l’hôpital pour se consacrer à sa passion, et monte son premier spectacle Infirmière Sa Mère, dans lequel elle revient sur le parcours de cette “jeune fille naïve” qui arrête la fac de droit pour être infirmière et se retrouve dans un monde qu’elle n’avait pas du tout imaginé ainsi.
“Blagounette” “Finalement, c’est ce métier d’infirmière qui me fait arriver à la scène”, raconte l’humoriste à la toute jeune carrière. Rapidement “Caro”, comme elle se fait appeler par ses abonnés conquiert le cœur des soignants et une quarantaine de dates sont programmées dans toute la France. Mais avec l’arrivée de l’épidémie de Covid-19 dans notre pays, toutes ont dues être reportées à la rentrée prochaine. “La pause est en pause, ironise Caroline qui a décidé de revenir à l’hôpital Purpan pour soutenir ses collègues. Je suis quand même contente de remettre ma casquette d’infirmière et de distribuer ce rire autant dans le service que sur scène.” Si l’Occitanie n’a pas été autant touchée par le virus que d’autres territoires français, l’infirmière le concède...
les patients sont beaucoup plus angoissés. “On prend vraiment plus le temps de se poser, de leur expliquer ce qu’on va faire, explique-t-elle. Pour ma part, j’essaie toujours de faire une petite blagounette, de les rassurer avec légèreté.” Pour les soignantes aussi, la situation peut s’avérer oppressante. “Quand je suis retournée au travail, les deux premières semaines, j’avais l’impression d’avoir du mal à respirer. Mes collègues me disaient la même chose, et finalement on a réalisé qu’on avait le masque sur le nez et que ça nous étouffait, tout simplement, raconte Caroline Estremo. Même en étant dans le milieu médical, on se faisait des films.” L’infirmière - qui avait suivi des formations pour se préparer à des situations de crise après les attentats - ne s’attendait pas à vivre une épidémie de la sorte. “J’étais apeurée” “Au début je me disais que ce n’était qu’une grippe, et puis à un moment donné j’ai eu peur, comme tout le monde”, confie la Toulousaine. Les premiers temps ont alors demandé beaucoup d’adaptation. “Je suis arrivée dans le service, je ne touchais à rien. J’étais apeurée, assume-t-elle. On aurait dit un chirurgien qui rentrait au bloc.” Sur le plan personnel, le coronavirus a aussi tout chamboulé. “Je rentrais de ma nuit, ma femme me forçait à me déshabiller dans le couloir de l’immeuble. Il ne fallait pas qu’un voisin sorte… Plaisante-t-elle en se remémorant ces situations cocasses. Il fallait que je rentre dans l’appartement sans que ma fille me touche jusqu’à la douche. J’avais tellement peur de la contaminer.”
Alors pour décompresser, elle a lancé le #cocochallenge sur Instagram mi-mars. “Coco” pour coronavirus, bien sûr. L’objectif : proposer aux soignants de partager leur quotidien sur les réseaux sociaux. “Ça a pris très vite. Et les gens se sont mis naturellement à m’envoyer des vidéos humoristiques.” Chorégraphies en blouse, mini-sketchs entre deux examens… Caroline Estremo reçoit parfois une centaine de clips chaque jour. “Ça permet tout simplement aux soignants d’avoir une ‘soupape’ en rentrant chez eux”, explique l’humoriste.
“On est des guerrières” Loin de vouloir “choquer”, Caroline Estremo souhaite profiter de ces brefs instants sur les réseaux sociaux pour alerter la population, les “moldus”*, comme elle les surnomme. “Je voulais vraiment véhiculer de la bonne humeur, un état d’esprit de battant, par rapport à ce que l’on voit à la télévision”, précise-t-elle. Au-delà de la casquette de...
prévention et de celle d’humoriste, Caroline Estremo confie que le #cocochallenge est pour elle un moyen de ne pas se morfondre : “J’aime rire de la situation, j’en ai besoin, ça m’évite de m’angoisser.” L’occasion également de montrer à tous “ce qu’on a dans les tripes”, d’expliquer ce qu’est réellement ce métier. “On sait pourquoi on a fait ce métier, on sait pourquoi on l’aime, on sait aussi pourquoi parfois on le déteste, mais d’une façon globale, oui, on est des guerrières, on peut le dire”, assure la trentenaire. Mais être une guerrière ne suffit pas pour autant être “une machine”. “Si on veut un moment donné prendre cinq minutes pour rire et danser, on doit faire. Du moment que nos patients vont ressentir nos ondes positives. Il vaut mille fois mieux ça que tirer la gueule devant le patient”, estime Caroline, qui, malgré ses fortes convictions, refuse toutefois de devenir une porte-parole de la profession.
Toutefois, à travers ces instants légers, la jeune femme, dont la maman infirmière à la retraite a fait plusieurs burn-out à cause de son travail, espère donner de la force à celles et ceux qui luttent chaque jour contre le coronavirus et qui se sentent épuisés, mentalement et physiquement. “Si ça peut permettre de mettre un coup de talon au sol, je fonce.” *Ceux qui ne sont pas soignants. Référence à Harry Potter, ceux qui ne sont pas sorciers.
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