C’est un sujet sensible qui a poussé le ministre de la Santé à saisir l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), en octobre dernier, d’une mission de diagnostic et de propositions sur l’accès direct des patients aux soins de masso-kinésithérapie. Votée dans le budget de la Sécu 2022, l’expérimentation, pour trois ans et dans six départements, de l’accès direct aux kinés exerçant dans une structure d’exercice coordonné a en effet provoqué le haro du corps médical, tandis qu’elle a été largement saluée par l’Ordre des kinésithérapeutes, qui fustigeait dans Egora les blocages corporatistes des médecins. Plusieurs mois après l’adoption de l’expérimentation par le Parlement, l’Igas a rendu public son rapport ce mercredi. Celui-ci avait toutefois été présenté aux membres du Gouvernement dès le mois de février 2022. Il formule des recommandations pour la définition, la mise en œuvre et l’évaluation de l’expérimentation, alors que ses modalités doivent être précisées dans un prochain décret d’application, qui doit être pris après avis de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l’Académie nationale de médecine. D’emblée l’Igas rappelle que l’expérimentation poursuit deux principaux objectifs : "dégager du temps médical pour les médecins prescripteurs, qu’ils soient généralistes ou spécialistes, et raccourcir les délais d’accès aux masseurs-kinésithérapeutes, afin de limiter les pertes de chances pour le patient". La mission a de fait auditionné les conseils nationaux des ordres des médecins et des masseurs-kinésithérapeutes, les syndicats représentatifs des deux professions et plusieurs sociétés savantes et conseils nationaux professionnels (CNP).
Des positions "largement antagonistes" Il ressort, sans surprise, de ces auditions "des positions largement antagonistes" entre les acteurs. Cette évolution est "souhaitable" pour les kinés qui estiment que l’accès direct "peut intervenir sans surcoût pour l’Assurance maladie et sans risque pour la santé du patient, les professionnels étant formés ou pouvant rapidement l’être, à apprécier les cas où le recours à une expertise médicale serait nécessaire". Les médecins, eux, lèvent le drapeau rouge : "un diagnostic médical doit précéder l’intervention" du kiné "en raison du risque que des pathologies ne soient pas repérées et au nom de la continuité du parcours de soin". Les praticiens craignent que cette évolution remette en cause "leur place centrale", mais aussi "que leurs adressages au masseur-kinésithérapeute passent au second plan dans l’activité d’un auxiliaire médical qui aurait un domaine autonome d’activité". Ils estiment que "l’allègement de la file active du médecin devait prioritairement cibler d’autres enjeux (certificats divers, traitement de pathologies bénignes - cystite de la femme enceinte, conjonctivites, dépistage du streptocoque par écouvillon en cas de suspicion d’angine - dossiers pour les maisons départementales des personnes handicapées". A contrario, les représentants des structures d’exercice coordonné, qui seront les principaux concernés par l’expérimentation, "se sont montrés davantage favorables à la perspective d’une ouverture d’un accès direct dès lors que celle-ci se met en œuvre dans le cadre d’équipes coordonnées structurées, utilisant des systèmes d’information partagés", notent les auteurs du rapport. 18 recommandations Déplorant que les expériences d’accès direct pour la prise en charge de la douleur lombaire aiguë inférieure à 4 semaines et pour celle du traumatisme en torsion de la cheville "n’offrent pas, à ce stade, d’enseignements utiles sur la qualité et l’efficience de la prise en charge des patients" – compte-tenu des difficultés de déploiement, l’Igas a ainsi formulé 18 recommandations pour que l’expérimentation votée dans le budget de la Sécu 2022 soit la plus efficace possible. Ces recommandations portent sur le champ de l’expérimentation, sur les prérequis identifiés (formation des professionnels, d’échanges d’information avec les médecins, communication en direction des patients…), et sur son mode d’évaluation. Parmi elles, on note la nécessite de saisir sans délai la Haute Autorité de santé de questions précises visant à déterminer le champ d’activité (profils de patients, types de pathologies), qui peuvent faire l’objet de soins de masso-kinésithérapie en accès direct sur des fondements scientifiques, ainsi que les conditions de mise en œuvre de ces soins (le nombre de séances par exemple). L’Igas suggère également d’engager des discussions avec l’Union nationale des caisses d’assurance maladie concernant les modalités de prise en charge financière des soins réalisés en accès direct en s’appuyant notamment sur les référentiels établis par la HAS pour 14 situations de rééducation. Objectif : "limiter les risques de non-pertinence des soins, d’éviction des patients adressés par les médecins et d’inflation de la dépense remboursée par l’Assurance maladie". Sur l’expérimentation en elle-même, l’Igas recommande de retenir "un périmètre géographique d’autant plus étendu que l’échantillon de professionnels ou de patients potentiellement concernés sera réduit", mais aussi des territoires représentatifs de la diversité des situations "en s’appuyant sur les données disponibles (APL, structures d’exercice coordonné intégrant au moins un masseur-kinésithérapeute, offre de second recours) ou indicateurs à produire (nombre d’ETP de masseurs-kinésithérapeutes)".
Elle émet également des suggestions sur la mise en œuvre de cette expérimentation, et notamment des prérequis qui ciblent particulièrement la formation, notamment "mettre en place une formation ad hoc, axée sur le développement et/ou la validation des compétences pour un fonctionnement en autonomie des masseurs kinésithérapeutes ; outiller les professionnels ; envisager la prise en compte de cette formation dans le cadre du DPC et de la future certification en cas de généralisation". Elle estime aussi important d’envisager "la possibilité d’un ‘mentorat’ pour les kinés qui souhaiteraient un accompagnement avant de pratiquer seuls l’acc
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