"Il faut recadrer les choses pour que la confiance s’installe" : l’Ordre des médecins vigilant sur la professionnalisation des patients

18/07/2023 Par Mathilde Gendron
Système de santé
Sans réel statut reconnu, les patients experts interviennent pourtant déjà dans les établissements de santé, les facultés de médecine, les associations ou encore dans la recherche. Interrogé par Egora, le Dr Christophe Tafani, radiologue et président du Conseil départemental de l’Ordre des médecins du Loiret se propose pour “participer à l’élaboration d’un statut” afin que de véritables “règles communes” soient établies. 
 
 
Egora : Quelle est la position de l’Ordre sur les patients experts ? 

Dr Christophe Tafani : On a une impression plutôt positive dans la prise en charge des patients. Il faut voir ça avec beaucoup d’ouverture d’esprit en se disant qu’on est au XXIe siècle, et que la prise en charge d’un patient est globale. Elle est aussi paramédicale et personnelle. Mais la question qui se pose c’est comment ça se structure ? Parce que ces patients commencent à apparaître un peu partout sans qu’il n’y ait de statut précis défini.  
Le Conseil de l’Ordre étudie la question. Il y a deux visions des choses extrêmement différentes. Certains, notamment ceux provenant du milieu universitaire, voient ça comme des professionnels de santé, avec une fiche de salaire et un rôle. D’autres, comme les associations, voient plus cela comme du bénévolat strict et insistent en disant qu’ils ne veulent pas de cette professionnalisation.  

On essaye aussi d’avoir des contrats pour voir comment ces patients sont embauchés et comment ils sont contractualisés. Certains ont l’air d’être payés à la vacation, d'autres d’être employés directement par l’hôpital. C'est un peu chaque hôpital qui fait son trafic. Il va falloir que le ministère ou l'État remette un peu d’ordre, qu’on fixe un minimum d’heures de formation et que certains aient des entretiens psychologiques. Parce que, ce doit être des personnes qui sont bien entourées et prises en charge.  
Il va aussi falloir recadrer les choses pour que la confiance s’installe entre le médical et le paramédical. Cela va nécessiter certaines règles communes. L’Ordre aimerait participer à l’élaboration d’un statut et d’une formation globale unique. On essaye d’abord de comprendre le phénomène pour ensuite émettre nos recommandations. Une position officielle d’ici septembre me paraît bien, en tout cas, il faut qu’on accélère.     Quels sont les risques si cette profession de patients devient reconnue ? 
Le risque majeur c'est l’implication directe thérapeutique, avec la tentative d’influencer des prises en charge. Les patients partenaires ont des visions qui ne sont pas scientifiquement prouvées. Il faut donc que chacun reste bien dans ses fonctions. Quant à la qualité de leur prise en charge, les plateformes qui s’ouvrent un peu partout, ça ne va pas être possible comme ça. Cela ne peut pas se faire uniquement par visio ou téléphone.    Que pensez-vous d’intégrer ces patients dans la formation des étudiants en médecine ? 
Cela ne me choque pas si c’est bien fait, avec des personnes motivées qui sont à même d’expliquer. Il y a même intérêt à les faire entrer dans les universités, cela fait partie de l’évolution des choses.  
Un jeune étudiant en médecine, certes il va voir le côté pratique et fonctionnel dans ses études. On va lui expliquer que le cancer se passe à l’hôpital. Mais, pourquoi un étudiant ne serait-il pas informé de ce qu’est la maladie en dehors de l’hôpital ou du cabinet ? Je pense qu’il faut voir ça, avec des patients bien formés, ils peuvent apporter plein de choses. C’est ce qu’on peut apporter de plus dans la prise en charge d’un patient. 

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