Une aide à la numérisation du système de santé, un vrai coup de pouce pour financer le tournant ambulatoire en ville et accélérer l'innovation organisationnelle, une avancée historique dans la prévention… Voilà pour l'aspect novateur du prochain budget de l'assurance maladie, qui s'appuie pour tenir son équilibre sur du plus classique : une contribution record des industries du médicament et des produits de santé, et une structuration renforcée de l'offre de soins. Peut-on y croire ?
Le premier projet de loi de financement de la Sécurité sociale du gouvernement Philippe porte la marque de fabrique d'Emmanuel Macron, car pour la santé et la branche maladie, il faut le lire "En même temps". C’est-à-dire en ayant, d'un côté, sous les yeux les engagements du projet de loi de Finance pour l'an prochain, concernant notamment la baisse des charges, le gain de pouvoir d'achat ou encore l'intégration du RSI dans le régime général de la Sécurité sociale. Et de l'autre, découlant de son discours de politique générale, les annonces récentes d'Edouard Philippe, qui vient tout juste de présenter les orientations du grand plan d'investissement 2018-2022, dans lequel la santé hérite d'une enveloppe de près de 5 milliards d'euros pour moderniser le secteur, essentiellement hospitalier.
Artifices
L'an prochain, donc, "l'homme malade de la Sécurité sociale", comme le dit la Cour des comptes -entendez la branche maladie de la sécurité sociale-, devra fortement se serrer la ceinture pour contraindre l'évolution naturelle de ses dépenses, accentuée par l'impact des trains de revalorisations tarifaires intervenues dans le secteur ambulatoire, et salariales, dans les établissements l'an dernier. "Le solde de l'assurance maladie devrait s'établit à -4,1 milliards d'euros en 2017 et à -0,8 milliards d'euros en 2018. Il s'agirait du meilleur résultat depuis 2001", trompette le dossier de presse distribué par Bercy. Peut-on y croire ? Comme Saint-Thomas, oui, à condition de fermer les yeux sur un jeu de cavalerie financière, anticipant le gain de la hausse de 1,7 % de la CSG pour la Cnam (en contrepartie d'une suppression des cotisations sociales), laquelle n'interviendra (en deux temps) qu'à partir du 1er janvier 2018. Et prenant pour argent comptant les 4,2 milliards d'euros d'économies attendues l'an prochain sur l'évolution naturelle des dépenses, dont plus d'un milliard sur le médicament. Mais bon. Le gouvernement sortant n'avait pas été avare, lui non plus, d'artifices pour faire un peu de tuning sur son bilan Sécu… "Il s'agit d'un budget qui concrétise les promesses de responsabilité, de solidarité et de transformation", a détaillé Agnès Buzyn, qui présentait jeudi le PLFSS 2018 aux côtés de Gérald Darmanin, le ministre de l'Action et des Comptes publics. Conformément aux engagements d'Emmanuel Macron, l'Ondam 2018 sera de + 2,3 % (+ 2,1 % l'an passé), ce qui représente 4,4 milliards de dépenses nouvelles prises en charge par la collectivité, mais aussi 4,2 milliards d'économies à répartir sur plusieurs postes de dépenses, dont essentiellement le médicament et l'hôpital.
Priorité à la prévention
La ville bénéficiera d'un Ondam de +2,4 % (contre + 2,1 %), l'hôpital devra se contenter d'un objectif d'évolution de + 2 %, qui montera à + 2,2 % en ajoutant le fruit de l'augmentation du forfait hospitalier (+ 2 euros), idéalement -pour le gouvernement- pris en charge par les mutuelles. Ces dernières, d'ailleurs, s'en défendent et évoquent une augmentation des cotisations. Le secteur médico-social, enfin, pourra faire évoluer ses dépenses de + 2,6 % (contre + 2,9 % l'an passé). Parmi les priorités du projet de budget, figure la prévention. Le paquet de cigarettes connaîtra 5 augmentations successives (+ 1 euro en mars 2018, + 0,50 en avril 2019, + 0,50 en novembre 2019, + 0,50 en avril 2020 et + 0,40 en novembre 2020) pour atteindre le prix de 10 euros le paquet en novembre 2020. A compter du 1er janvier 2018, l'obligation vaccinale passera de 3 à 11 vaccins réalisés entre 0 et 18 mois, en 10 injections. Les 5 milliards d'euros consacrés à la santé dans le cadre du grand plan d'investissement sont d'ores et déjà programmés : numérisation du système de santé (1 milliard), développement des maisons et des centres de santé (0,4 milliard), investissement dans la recherche médicale (0,5 milliard) et modernisation et renouvellement des équipements techniques et immobiliers hospitaliers pour 3 milliards. Mais -ce qui est une première pour notre système de santé- ce projet de budget ouvre la porte aux innovations, portant à la fois sur l'organisation et sur la rémunération des actes et des séjours. Il crée un fonds qui bénéficiera d'une ligne budgétaire de 30 millions d'euros en 2018, abondé par la Cnam. Ce fonds permettra, selon la ministre de la Santé, "de financer les expérimentations d'organisation, tant par forfaits que dans un cadre de parcours de soins . Ou encore, de financer des expérimentations d'installations innovantes en territoires sous-dotés. Sa dotation montera progressivement en charge", a-t-elle assuré. Il concernera à la fois la ville et l'hôpital, appelés à travailler ensemble sur la notion de parcours de soins. Dans le même ordre d'idée, le PLFSS donnera les moyens d'accélérer l'inscription des actes au remboursement, notamment s'ils sont effectués en équipe associant plusieurs professions de santé. "Il s'agit de développer les pratiques collaboratives favorables à une prise en charge coordonnée du patient, et à une meilleure utilisation des compétences rares notamment dans les territoires fragiles", est-il noté dans le dossier de presse. Egalement déjà inscrit dans les priorités du plan d'investissement, les actes de téléconsultation et de téléexpertise seront généralisés, et sortent ainsi des limites d'une pratique expérimentale. De même, 100 millions d'euros seront consacrés au soutien de l'investissement numérique des établissements de santé.
Comment financer tout cela ?
Au rang des économies, c'est encore une fois le secteur du médicament et des produits de santé qui sera le plus fortement mis à contribution. Le gouvernement attend 1,490 milliard d'euros de la "pertinence et l'efficience des produits de santé". A savoir, 480 millions d'euros de baisse de prix des médicaments, 340 du développement des génériques, 40 des biosimilaires, 100 millions de la baisse des tarifs des dispositifs médicaux, 320 millions d'une "maîtrise des volumes et de la structure de prescription des médicaments et dispositifs médicaux" et 200 millions de remises. En deuxième position, se situent les gains attendus par le biais de la structuration de l'offre de soins. Les hôpitaux seront, eux aussi, lourdement mis à contribution puisque le projet de budget attend 1,215 milliard d'euros d'économies d'une amélioration de la performance interne des établissements médicaux et médicaux sociaux (optimisation des achats, liste en sus, rééquilibrage de l'Ondam, amélioration de la performance interne des établissements médico-sociaux). Mais le gouvernement attend aussi 250 millions de la structuration des parcours de soins (lutte contre les doublons, notamment).
Lutte contre la fraude
La "pertinence et la qualité des actes" (maîtrise médicalisée notamment) doit rapporter 335 millions d'euros ; 240 millions sont attendus d'une plus grande efficience dans la prescription de transport sanitaire et d'indemnités journalières. La lutte contre la fraude doit rapporter 90 millions d'euros. D'autres mesures de poche (augmentation du forfait journalier, participation des mutuelles au financement de la convention médicale, gestion dynamique du panier de soins - en sortir les actes et prestation dont le service a été jugé insuffisant par la Haute autorité de santé), ou l'évolution des cotisations des professions de santé doivent rapporter, au total, 545 millions d'euros. Après un plan triennal 2015-2017, et afin d'accompagner les transformations nécessaires, le Gouvernement annonce un plan d'appui à la transformation du système de santé, qui sera lancé fin 2017, "en phase avec les priorités du Gouvernement". Il sera structuré autour de 6 axes : la prévention, la structuration de l'offre de soins, la pertinence et l'efficience des produits de santé, des prestations de transports et IJ, des actes et enfin, le contrôle et la lutte contre la fraude. Pour le gouvernement, le nouveau plan "donnera la priorité à la pertinence et à la qualité des soins pour assurer la maîtrise de l'évolution des dépenses de l'assurance maladie sur la période".
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