Pénurie de médicaments : l’UFC-Que Choisir épingle les labos et les pouvoirs publics

10/11/2020 Par Louise Claereboudt
Médicaments
Dans une étude publiée ce lundi 9 novembre par Le Parisien, l’association UFC-Que Choisir alerte sur les pénuries et ruptures d’approvisionnement de médicaments et pressent les laboratoires et les autorités d’agir. De leurs côtés, les entreprises du médicament crient à la désinformation.
 

“En ces temps de Covid, les laboratoires se présentent comme sauveurs de l'humanité, mais ils sont là avant tout pour faire du business”, tacle d’emblée le président de l’UFC-Que Choisir, Alain Bazot. Dans une étude publiée ce lundi sur le site du Parisien, l’association déplore une multiplication et un allongement des pénuries de médicaments, passant de 405 pénuries en 2016 à presque trois fois plus en 2019. Plaidant pour l'obligation pour les laboratoires de constituer “des stocks suffisants pour répondre aux besoins des usagers du système de santé pour l'ensemble des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur”, l’UFC-Que Choisir dépeint une situation inquiétante. Elle précise que, selon les chiffres de l’ANSM, 2.400 ruptures de stock vont être enregistrées pour cette année, soit “presque 20 fois plus” qu’en 2010 où 132 ruptures de stock ou tensions avaient été signalées parmi les 7.500 médicaments dits d'intérêt thérapeutique majeur (MITM).

L’association “soupçonne une stratégie délibérée des laboratoires”. Dans son étude, l’UFC-Que Choisir assure qu'aucun médicament “vendu à prix d’or” ne figure parmi la liste des 140 médicaments signalés en rupture de stock et en tension d'approvisionnement par l'ANSM au 15 juillet. Elle précise que “75% des pénuries concernent des médicaments anciens, commercialisées il y a plus de 20 ans, et la même proportion concerne des produits à faible marge, vendus moins de 20 euros”. Elle pointe par ailleurs du doigt l’inaction des pouvoirs publics. “Une seule [sanction] prononcée en 2017, une en 2018, deux en 2019, uniquement pour défaut d'information, avec amendes de 830 euros et 5 807 euros. Rien de dissuasif. La France ne sanctionne pas la pénurie, elle la gère”, déclare au Parisien Alain Bazot, qui dénonce “la délocalisation pour produire au moindre coût, quitte à imposer des aléas au consommateur avec des conséquences parfois graves”. L’association déplore également que les entreprises apportent des solutions “rarement à la hauteur des enjeux sanitaires”...

Selon elle, “dans 30% des situations, les industriels renvoient vers un autre médicament, alors que ‘les substitutions peuvent entraîner des effets secondaires plus importants, ou nécessiter un temps d'adaptation à la nouvelle posologie, particulièrement pour les patients âgés’. Dans 12% des cas, les solutions alternatives à la pénurie d'un médicament sont ‘totalement insatisfaisantes’, voire, dans un cas sur cinq, ‘totalement inexistantes’”.   Le Leem contre-attaque “La prolifération, ces dernières semaines, dans un contexte de crise sanitaire, de campagnes de désinformation sur les tensions d’approvisionnement de médicaments en France est particulièrement anxiogène pour les patients”, ont réagi les entreprises du médicaments dans un communiqué publié quelques heures après la publication de l’étude de l’UFC-Que Choisir. Balayant toute “explosion” des ruptures d’approvisionnement en France, le Leem justifie “le gonflement statistique par rapport à la période antérieure” par le fait que “le système français a amélioré sa capacité d’anticipation des tensions d’approvisionnement en instaurant un signalement plus précoce des situations à risque à l’ANSM à partir de 2016”. De fait, “sur les 1.504 signalements recensés en 2019, environ un tiers ont conduit à des mesures de gestion des situations de tension entre l’ANSM et les entreprises conduisant finalement à un nombre limité de véritables ruptures de stocks”, assure-t-il.

Le Leem a regretté que “la problème des ruptures soit abordée sous l’angle exclusif de la responsabilité présumée des entreprises du médicament”, et estimé que la cause principale de rupture réside dans“l’insuffisance des capacités de production au regard de l’augmentation ou des fluctuations imprévues de la demande mondiale en médicaments”. Accusées de “privilégier les médicaments les plus récents, et donc les plus coûteux”, les entreprises du médicament ont également rejeté cet argument, expliquant que celles “qui fabriquent les produits les plus anciens ne sont souvent pas les mêmes que celles qui découvrent et fabriquent les médicaments les plus innovants”.   Vers une obligation de stockage à 4 mois? Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui s’apprête à être examiné par le Sénat, prévoit d'imposer aux laboratoires une obligation pouvant aller jusqu'à quatre mois de stockage, et ce, sur décision du directeur général de l’ANSM. “En revanche, il n’y aurait aucune logique à imposer cette obligation à des médicaments qui ne connaissent jamais de problème d’approvisionnement, fussent-ils des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur”, a précisé le Leem. Ce dernier prévient qu’une obligation de stockage à 4 mois de tous les MITM “accélérerait le transfert de capacités industrielles vers d’autres pays à plus faibles coûts de production” et que la “constitution de stock de sécurité” est incompatible avec la réglementation européenne.   [avec Le Parisien]

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