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Braun, Evin, Leonetti, Sicard… Ils alertent contre un droit opposable à la "mort provoquée"

Le Collectif démocratie, éthique et solidarités (CDES), composé d'une centaine de membres de la société civile, a rendu lundi 7 avril un avis détaillé sur la nouvelle proposition de loi sur la fin de vie, qui doit être examinée mercredi en commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale.

08/04/2025 Par Chloé Subileau
Fin de vie
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Mercredi 9 avril, les propositions de loi relatives aux soins palliatifs et à la fin de vie seront examinées par la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale. Ces textes, et en particulier le second, divisent. Réunis au sein du Collectif démocratie, éthique et solidarités (CDES), une centaine de membres de la société civile* - dont François Braun, Claude Evin et Jean Leonetti - ont publié un avis sur la proposition de loi relative à la fin de vie.

Ils mettent en garde contre les conséquences "graves" d'une telle législation sur "les plans humain, médical, juridique et sociétal", peut-on lire dans le communiqué accompagnant la publication de l'avis, lundi 7 avril. "Loin d'être une simple réponse à la souffrance, [cette] proposition de loi marque", selon le collectif, "un basculement idéologique, en instaurant un droit opposable à mourir et en faisant de l'acte létal un devoir médical possible."

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Cette proposition de loi sur la fin de vie reprend le texte amendé et voté par les députés de la commission spéciale en mai 2024, ainsi que tous les amendements adoptés en séance publique avant l'interruption des débats en juin dernier en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale. Pour le CDES, l'analyse de ce nouveau texte soulève "de nombreuses incohérences et approximations nécessitant que soient précisés [son] contenu et [ses] objectifs".

L'avis pointe ainsi la disparition, lors des débats, des conditions "strictes" entourant la fin de vie. La proposition de loi examinée ce mercredi fait, en effet, "référence à une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital en phase avancée ou terminale". "Mais le pronostic vital n’est toujours pas défini, et avec les affections en phase avancée seraient ainsi éligibles à 'l’aide à mourir' des personnes atteintes de maladies chroniques ou de maladies neurodégénératives sévères", analysent les membres du CDES. Ils craignent que l'esprit de la loi s'oriente "vers une option quasiment sans limite de la mort provoqué", écrivent ils.

Autre inquiétude : l'émergence d'un "droit opposable" à mourir. La formule n'est pas directement reprise dans le nouveau texte, mais "le principe en est maintenu par des recours devant les juridictions administratives lorsque la personne n'a pas reçu dans les temps une offre de prise en charge", souligne le CDES. "Ce droit est rédigé de façon ambivalente entre soins palliatifs et soins d’accompagnement, incluant dans la proposition les demandes d’euthanasie", ajoutent-ils.

De plus, le texte introduit un délit d'entrave ; un point qui "mérite une attention particulière", alertent les membres du CDES.  La nouvelle proposition de loi prévoit, en effet, que soit puni d'un de prison et de 15 000 euros d'amende "le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur l'aide à mourir par tout moyen". "Cela signifie que l’accompagnement habituel des soignants visant à écouter et à trouver des alternatives permettant une meilleure qualité de vie, c’est-à-dire tout ce qui consiste à prévenir le suicide, serait délictueux", pointent les auteurs de l'avis.

 

12 constats "alarmants"

Par ailleurs, la terminologie de "fin de vie" qui figure dans l'intitulé du texte est "confuse", avancent les auteurs.  Celle-ci s'inscrit dans la suite des précédentes loi françaises "consacrées réellement à la fin de vie", écrivent-ils, alors qu'elle est une "rupture fondamentale avec la législation existante". "Le titre de la proposition ne reflète pas son vrai contenu : instaurer en France un droit à l’euthanasie et au suicide assisté. Cette confusion se poursuit dans le corps même de la proposition", insistent les membres du CDES.

Ces derniers s'interrogent aussi sur l'implication du médecin ou de l'infirmier dans ce processus qui reste, selon eux, "contraire à leur vocation et à l'acte de soin". Enfin, les délais de réflexion prévus dans la nouvelle proposition de loi sont "inadaptés" pour les membres du CDES ; ils craignent que la procédure ne soit trop "expéditive". Ils jugent également les protections, reports et recours inscrits dans le texte "insuffisants".

De cette analyse, le CDES dresse ainsi douze constats "alarmants" : ils affirment notamment que "le manque criant de soins palliatifs reste la véritable urgence sanitaire", et estiment que "l'euthanasie constitue une rupture anthropologique, contraire à la mission des soignants". Pour les membres du CDES, "le droit actuel garantit déjà l'autonomie des patients dans le respect de leur dignité", et "l'autodétermination absolue est une illusion dangereuse dans un contexte de vulnérabilité".

Autre constat avancé par les auteurs de l'avis : le risque d'inégalités territoriales serait aggravé par un accès différencié à la mort provoquée selon la disponibilité des soins.

 

Un débat "lucide et éclairé"

Pour répondre à ces enjeux, le CDES formule donc deux recommandations. La première invite à organiser des "conférences de consensus", rassemblant professionnels, chercheurs, associations et citoyens, sur plusieurs sujets majeurs en éthique médicale et sur le financement de la politique de santé. La seconde porte sur la nécessité "de développer une solidarité nationale au-delà de la diffusion d'une culture des soins palliatifs". Le développement d’une culture et des pratiques des soins palliatifs ne peut à lui seul suffire à prévenir le 'désir de mourir' des personnes vulnérables", insistent les membres du CDES, qui recommandent de stimuler et de développer "tout ce qui contribue au quotidien et à la solidarité nationale".

Pour la CDES, un débat "lucide et éclairé" est nécessaire autour la fin de vie. "La réponse au mal mourir ne peut être la mort programmée, mais bien une société plus juste, solidaire et attentive à chaque vie, jusqu’au bout", souligne le collectif.

 

*Parmi les membres du collectif : François Braun, Elisabeth Hubert, Claude Evin, Jean Leonetti, Danielle Cohen-Levinas, Israël Nisand, Jean-Marc Sauvé, Didier Sicard et Étienne Klein, Anne Caron-Déglise...

7 débatteurs en ligne7 en ligne
Photo de profil de Alain Delhumeau
63 points
Anesthésie-réanimation
il y a 10 jours
Sujet délicat et complexe,en fonction de chaque situation: -simple quand les malades âgés,en fin de vie sont adressés aux services d'urgence dans un état désespéré; la loi Leonetti permet de régler
Photo de profil de Jacques R
2,2 k points
Débatteur Passionné
Biologie médicale
il y a 14 jours
Je ne me doutais pas que la Suisse était un pays aussi scandaleusement criticable.
Photo de profil de Henri Baspeyre
13,2 k points
Débatteur Passionné
Chirurgie générale
il y a 11 jours
on a supprimé la peine de mort pour les criminels de sang mais bientôt pas pour les petits vieux miam-miam l'héritage du petit vieux+ les économies de soins de santé pour l'état!
Vignette
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