Dites "doctoresse" : les Académiciens cèdent sur la féminisation des métiers
L'Académie française a toujours revendiqué attendre qu'un terme soit validé par l'usage avant de l'inscrire dans le dictionnaire. Jusqu'à présent elle rejetait cependant la féminisation d'un certain nombre de métiers, comme professeure, recteure, auteure, ingénieure ou encore procureure, "qui sont contraires aux règles ordinaires de dérivation et constituent de véritables barbarismes". Mais les choses s'apprêtent à changer. L'Académie française s'apprête à faire un bond dans le XXIème siècle et à reconnaitre officiellement la féminisation des noms de métiers. Les règles sont pourtant simples et souvent intuitives : ajout d'un e (avocate), éventuellement d'un accent grave (infirmière), consonne doublée (chirurgienne), recours au suffixe "trice" (institutrice).
Une évolution tardive en France quand on regarde la situation dans d'autres pays de la francophonie. Le Québec, dès la fin des années 1970, a joué un rôle pionnier, rejoint très vite par la Belgique, la Suisse et le Luxembourg. "Doctoresse rime avec fesse" S'il a fallu attendre si longtemps, c'est parfois pour des raisons étonnantes, explique la linguiste Maria Candea, corédactrice de l'ouvrage collectif L'Académie contre la langue française, le dossier "féminisation". "Par exemple, certains académiciens ont expliqué qu'ils n'aimaient pas doctoresse parce que cela rime avec fesse, sans s'apercevoir que le terme rime aussi avec princesse ou enchanteresse", explique la linguiste. "Tel autre s'est opposé à rectrice, qui lui faisait penser à rectal, alors que tout le monde dit directrice. Un troisième a déclaré qu'écrivaine était à proscrire car on entend vaine, sans se rendre compte que dans écrivain, on entend aussi vain. Il n'y avait tout simplement pas pensé !" La réaction des Immortels s'explique aussi par la volonté de conserver le pouvoir. "Rendez-vous compte : dans cette affaire, l'Académie a été bousculée tout à la fois par les linguistes, les francophones vivant hors de France et même, comble de l'abomination, par l'Etat !" rappelle le linguiste Bernard Cerquiglini. A partir de 1997, en effet, le gouvernement Jospin a commencé à nommer des "directrices d'administrations centrales" et promu au Gouvernement des femmes qu'il fallait appeler "Madame la ministre". Pourtant, dès 1694, le dictionnaire de l'Académie précisait qu'une "ambassadrice", loin d'être reléguée au statut d'épouse de l'ambassadeur, était bien une femme chargée d'une ambassade. [Avec Lexpress.fr]
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